Sci-fi cyberpunk humoristique au gameplay hybride aventure/point'n'click/JRPG ?? Hrm.

Si Deus Ex a marqué les esprits à sa sortie et récolté les louanges des critiques (et mon esprit 15 ans plus tard + les louanges de ma critique), Anachronox, le jeu suivant du studio à l'origine de DE, semble être bien moins cité nostalgiquement que son prédécesseur.


Je trouve que la vidéo d'Errant Signal (https://www.youtube.com/watch?v=A4vGA-Dwi40) résume pas mal les points intéressants du jeu, et développe d'autres aspects dont je parle pas, donc si ma critique elliptique à rallonge vous déplaît cette vidéo pourrait vous convenir.


Je sais plus ce qui fait que j'ai commencé à m'y intéresser, mais ouais, du coup, le jeu est décrit aujourd'hui comme un hybride, mélange de genre inhabituel, avec beaucoup d'humour, mais sans non plus forcer un ton parodique.


La critique est sans gros spoilers, je discute vaguement quelques mécaniques du jeu qu'on ne découvre pas dans la première heure, mais ça va pas beaucoup plus loin. J'essaie plus de transmettre vaguement un peu de mon ressenti et de vous expliquer un peu pourquoi le jeu se démarque, que de dénominer des points de l'histoire ou de l'univers particulièrement notables (même si j'en ai pas mal envie, en fait).


On va commencer par un peu de contexte.


Anachronox est une espèce de jeu d'aventure sci-fi cyberpunk humoristique un peu déjanté, avec des mécaniques de combat à la JRPG, des phases d'enquête, des séquences et des mini-jeux un peu différents de temps à autre.


On incarne Sly Boots, un détective en rade depuis un moment avec qui noie ses soucis dans l'alcool. Il a une dette à rembourser, et se trouve contraint de sortir les doigts de ses fesses et de reprendre du service.


Sly vit sur Anachronox, une planète découverte quelques décennies auparavant, lorsqu'un vaisseau d'explorateurs est tombée dessus par hasard. Elle est supposée avoir été créée par une race alien décimée plus tard par une épidémie. Anachronox accueille surtout des individus préférant se faire oublier ailleurs, et les gens en rade.


La première cinématique du jeu me fait déjà remarquer plusieurs choses.


Premièrement, Ion Storm n'a pas encore oublié les Matrix, puisqu'on a encore droit à des trenchcoats sombres et des costumes ça et là. Mais c'est bien moins notable que dans Deus Ex.


Secundoement, la mise en scène lors des cutscenes est très bien fichue pour l'époque. La caméra bascule d'un personnage à l'autre du tac au tac, on a droit à des pauses et des moments d'attente lorsque l'opportunité se présente, à des longs plans-séquences avec une caméra en travelling, les animations sont nombreuses, et les visages des personnages changent d'expression selon l'humeur, bref, tout un travail de mise en scène qui me paraît bien plus abouti, dans l'ensemble, que bon nombre de jeux de la même époque, et même sur certains points mieux que ce qui se fait aujourd'hui. Pas de surenchère ni de superflu, ni d'uncanny valley, entre autres (et peut-être aussi le rapport dialogues doublés/non doublés, et phases de cutscenes avec/sans dialogues différents de ce qu'on verrait dans un jeu plus récent). Je trouve par exemple que même si The Witcher 2, par exemple, a de belles animations lors des dialogues, le débit est un peu trop lent, et les animations sont un peu exagérées pour que cela me paraisse aussi convaincant. Anachronox avec ses graphismes plus limités laisse plutôt mon imagination rajouter les détails manquants.


C'est pas parfait, hein, on a droit à des moments un peu rigides ici ou là, et les contraintes techniques ou matérielles font que le nombre d'animations est limité, mais eh, oh. C'est vraiment bien fichu. En comparaison, Deus Ex, les dialogues se limitent à deux personnages l'un en face de l'autre, la caméra qui bascule de l'un à l'autre, qui agitent les bras de temps à autre avec un peu de lipsynch. Anachronox va bien bien plus loin, et l'exécute bien mieux.


Tertioement, le jeu est plutôt drôle. Sans que cela n'interfère avec la narration ou l'atmosphère, et sans devenir lourd à la longue. C'est toujours un pari risqué, je trouve, d'avoir un jeu avec une bonne vocation humoristique, et même lorsque l'humour fait mouche il peut nuire à d'autres aspects d'un jeu -dissonance gameplay/humour ou narration/humour, par exemple. Ce n'est heureusement pas le cas ici.


Euh, j'en étais où déjà, avant de développer ces trois points ?


Ah, ouais, du coup, ouais, on incarne Sly (qui sera rejoint par d'autres zouzous, et on peut être jusqu'à trois personnages se déplaçant en même temps), et on explore. On enquête, on discute avec les gens. Parfois, on se bat. Chaque personnage a aussi un 'world skill', une compétence spécifique hors combat qui est utile de temps à autre. Dans le cas de Sly, c'est le crochetage de serrure.


Je fais quelques pas dans la ville et très vite l'atmosphère me séduit. Les couleurs, les néons et les synthés vibrants de la musique ambiante font penser à blade runner, et l'architecture alambiquée de cette ville cyberpunk invite très fortement à l'exploration posée, et suscite en moi une curiosité enthousiaste pour l'univers dans lequel je me suis retrouvé.


Et Anachronox ne me déçoit pas, par la suite. Au fil du jeu, les différents lieux traversés et personnages majeurs rencontrés sont vivants, ont tous un caractère ou une personnalité notables. Le jeu date un peu, mais je trouve certains des décors magnifiques, et la variété et l'originalité des lieux impressionne. Par moments, la caméra n'hésite pas à nous faire une petite visite guidée des lieux, le genre de petite touche qui est très bien implémentée au sein de la narration et des transitions de lieu, dans ce jeu. En tout cas, on sent l'ambition de l'équipe de dev.


Même si le jeu est vieux et techniquement limité par rapport aux productions actuelles, et même si les personnages secondaires et les badauds dans la rue finissent rapidement par tomber à court de dialogue, les lieux que l'on se retrouve à revisiter changent un peu, certaines quêtes secondaires ont des petites conséquences pas toujours explicitées, certaines continuent sur la durée et se retrouvent à avoir des vagues liens avec l'intrigue principale. Selon le personnage que l'on contrôle à un instant t, les dialogues peuvent aussi changer un peu, ce qui aide également à l'immersion et à la sensation de faire partie de cet univers.


L'histoire a un déroulement classique sur certains points, mais n'en demeure pas moins accrocheuse (en grande partie grâce à la qualité de la narration, de l'humour et des personnages). On part avec pour vague objectif de sortir Sly du néant dans lequel il a sombré, on finit par tomber sur un gugusse qui nous fait voyager un peu, et plus ou moins fortuitement Sly se retrouve embarqué dans une aventure qui le dépasse un peu. Ce n'est pas l'élu parti sauver le monde, ni un soldat d'élite envoyé en mission ; c'est un détective cynique plus trop habitué aux responsabilités, et il passe d'ailleurs une bonne partie de son temps à détectiver. Il évoluera au fil du jeu, et les autres personnages aussi, mais il démarre avec une gueule de bois et des réflexes rouillés par l'absence de pratique, comme en témoigne son premier combat plutôt pathétique.


Au niveau du système de combat, c'est... intéressant. C'est semi-dynamique ; chaque personnage à une jauge qui doit être remplie pour pouvoir agir, et de même pour les ennemis. Du tour par tour à temps limité, en quelque sorte.


On peut attaquer, se déplacer (les attaques au corps à corps nécessitent d'être à proximité d'un ennemi, et on ne peut pas non plus tirer avec une arme à distance si un obstacle bloque le passage), utiliser des objets, parfois activer un truc sur la map qui peut influer sur le déroulement du combat. On a ensuite accès à quelques compétences spécifiques à chaque perso, et plus tard d'autres outils technologiques étofferont un peu l'arsenal dont on dispose. Je ne vais pas trop rentrer dans les détails, mais simplement détailler quelques points.


-Les phases de grind dans les JRPG me lassent beaucoup, et Anachronox en fait complètement fi. On est parfois remis à niveau si le jeu estime que l'on est un peu faiblard. On débloque de nouveaux outils et trouve de nouvelles armes au fil du jeu
-Certains trucs très utiles sont à peine expliqués, voire pas du tout, ce qui encourage pas mal à l'expérimentation
-Les animations des attaques et des compétences sont très variées et très agréables à regarder, je trouve, ça m'a motivé à tester des trucs
-C'est rarement très difficile, ce je trouve bien d'un côté parce que les combats ne sont pas ce qui m'intéresse le plus, dommage d'un autre parce que c'est franchement pô mal ficelé, et que je trouve qu'il y avait de quoi faire quelque chose de vraiment profond et stratégique. J'ai fait le jeu en normal, après, ptêt que plus de difficulté aurait apporté ce besoin de stratégie. De même, pas mal de stats pour le combat, et de l'équipement ici et là, mais pas besoin de taaaant s'y intéresser que ça, au final.


En gros, j'ai trouvé les combats visuellement agréables, intéressants sans devenir trop longs ou lassants ou grindy. Ce qui est pô mal, compte tenu de mes expériences précédentes avec les JRPG.


Par contre.


Le jeu n'est pas tout à fait fini, et ce sur plusieurs points. Je crois qu'il y avait une volonté très ambitieuse de l'équipe de développement de faire un jeu immense, avec encore plus de contenu que ce qu'il y a déjà, mais qu'ils ont dû élaguer par endroits.


Cela se ressent parfois à certains endroits du jeu ; certains passages paraissent légèrement vide, ou donnent l'impression d'avoir été un peu raccourcis. On a également droit à pas mal d'allers-retours, et certains éléments du scénario ne sont pas beaucoup expliqués, ou rappelés, et d'autres semblent incomplets (dans le sens où j'imagine qu'avec plus de temps des cutscenes auraient peut-être été plus étoffées).


Cela se ressent aussi du point de vue finition. Il y a pas mal de petits bugs, certains sont relativement bénins, d'autres un peu plus pénibles (chargement occasionnel de la mauvaise sauvegarde ou dans la mauvaise zone, softlock au cours d'un combat spécifique).


Les animations de transition sont lentes, et les animations de combat ont un délai à la fin de plusieurs secondes qui est très vite pénible. Une fois que l'on se rend compte qu'une touche permet d'accélérer le jeu à volonté, ce souci disparaît complètement.


Sans la touche pour accélérer le jeu, je pense qu'on doit bien s'ennuyer à faire des allers-retours vraiment nombreux, aussi. Il y a beaucoup de phases où on traverse Anachronox pour retrouver tel perso ou tel objet, et en vitesse x 1 ça augmente pas mal artificiellement la durée de vie. La présence de la touche pour accélérer a tout de même pas mal d'impact sur le plaisir éprouvé.


Mais bon, ce que je retiens de ce jeu, c'est son atmosphère prenante, un level design, une architecture et un univers singulièrement intéressants, une narration bien ficelée, des personnages charismatiques, des phases de jeu assez variées, un système de combat JRPG qui ne me lasse pas, et une sensation amère-douce de ne pas pouvoir découvrir la suite de l'histoire alors qu'elle paraissait si prometteuse, et que plusieurs personnages avaient des histoires personelles inachevées... Ouais, le jeu finit sur un cliffhanger, et n'a pas eu la suite attendue... :/


En tout cas, je le conseille vivement, ce mélange de genre inhabituel, et cette atmosphère fabuleuse instaurée par le level design, l'architecture, les personnages et l'univers original valent à mes yeux le détour.

Maqe
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Créée

le 3 mai 2018

Critique lue 310 fois

Maqe

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