Imposer un accessoire avec classe et brio, leçon 1
Dans les années 90′ le commerce du jeu vidéo pour enfant était un marché de niche extrêmement casse-gueule, les marketeux et éditeurs préférant appuyer sur le côté éducatif bien pensant et bâclé le travail artistique pour réduire le coût et assurer les bénéfices, ce qui résulta à des abominations comme Adibou. Sony en sortant sa nouvelle manette « DualShock » pour la Playstation se lança au développement d’un jeu vidéo pour exploiter les caractéristiques des joysticks de la manette. Le bébé fut confié à SCE Japan Studio (LocoRoco, Puppeteer) et autant le dire pour un premier jeu, le défi était double : plaire à un jeune public et démocratiser la Dualshock.
Vous êtes énormément de monde à ne pas avoir eu la chance de connaître ce jeu de plate-forme et dieu que je vous plains, Ape Escape est la synthèse parfaite pour introduire les enfants à la magie de la pop culture et du jeu vidéo sans les prendre pour des cons. Et pour commencer tout le bazouin argumentatif par rapport aux propos initiales et bien commençons par le côté le plus « Wateufeuk » : Le Pitch. Imaginez vous dans un monde burné par des couleurs chatoyantes en milieu d’un après-midi ensoleillé, vous êtes un gosse de 8 ans coiffé d’une tignasse rouge et jaune dont Akira Toryama serait fier. Vous êtes accompagné de votre meilleur pote au nom de Buzz qui a vraisemblablement beaucoup trop regardé la Vie d’Adèle ou jouer à Hatsune Miku, pour se dire : « bordel, les cheveux bleus, c’est SWAG« . Bref, vous, vous ennuyés, vous décidez de courir comme des abrutis dans un parc et là votre pote vous demande si le professeur du coin a fini sa machine à voyager dans le temps. « Quel riche idée » vous lui répondez, quelques minutes plus tard, arriver au labo avec vos paires de « Nike Requins » poussiéreuses, vous surprenez une armée de singes prendre en otage le professeur et sa petite-fille. Un singe albinos qui a l’air un peu moins manche que les singes aux couleurs chocolat, ordonne à ses sbires de déclencher la machine. Cette bricole qui est équipée de l’OS légendaire de Microsoft et qui n’est pas encore en Service Pack 2, plante et vous envoie vous, votre meilleur pote et tous les singes dans une faille spatio-temporelle. Vous vous réveillez de ce qui vous semble d’une gueule de bois (sentiment étrange quand on a 8 ans), pas le temps de ravaler votre bave sur le coin de la lèvre, le professeur vous appelle via un téléphone-webcam pour vous annoncez que vous avez atterri dans la préhistoire. Votre objectif et de sauver le monde en capturant tous les singes et d’arrêter l’albinos au nom de Spencer pour l’empêcher de réécrire l’histoire.
Ok, en 3 minutes vous vous venez de vivre une expérience qu’un seul scénariste à réussi à pondre, je ne sais pas s’il était sobre ou clean au moment de l’écriture, mais voir ça quand on est gosse, c’est génial. Quand bien même quand on a 22 ans et qu’on revoit cette cinématique d’intro, on est subjugué par la connerie immense de la situation, mais on se dit : « putain, ça claque ». Le plot ne mérite aucunement l’oscar, mais avoir mélangé la planète des Singes, Retour vers le futur et Pokémon en guise de base scénaristique pour un jeu de gosse, c’était plutôt habile. Faut dire que les studios de Sony à cette époque était excessivement bon pour créer des situations rocambolesques et des héros charismatiques et originaux (Spyro, Crash, Jak & Daxter). Le jeu nous fera traverser le temps sur une quinzaine de niveaux entre la préhistoire et le futur high-tech à la recherche de Specter et de Buzz. Pour accomplir la tâche de Spike, outre ses capacités à courir, grimper et nager le professeur propose un tas de gadgets digne d’un excellent James Bond pour capturer tous les singes et c’est là que nous arrivons au point névralgique du jeu : Le Gameplay.
Il faut savoir que derrière ce jeu se trouve quelques futurs game-desginer confirmés, en game-director nous avons Masamichi Seki qui travaillera ensuite sur Muramasa pour la Wii (porté récemment sur Psvita), il est entre autre épaulé par Kenji Kaido en Lead Game-Designer qui lui bossera ensuite pour Ueda (Ico & Shadow of the Colossus), donc pour une fois, un jeu pour un jeune public et marketé pour lancer un accessoire n’est pas développé par des branle-guignol et ça, ça vaut toutes les bananes du monde. L’équipe de Masamichi impose pour la première fois l’utilisation des deux sticks de la nouvelle manette « DualShock » de Sony en guise de gameplay central. Le stick gauche est utilisé pour les déplacements, le stick droit quant à lui est concentré pour l’utilisation des gadgets. Cela vous parait familier ? Oui Ape Escape fait parti des précurseurs du jeu vidéo moderne avec Zelda OOT et Mario 64 pour l’utilisations des sticks analogiques pour la gestion d’un personnage dans un univers 3D. Pour l’époque où le fonctionnement de base des manettes se concentrait sur les flèches « Haut, Bas, Gauche, Droit » et des touches « Triangle, carré, croix et rond » l’initiation fut difficile, je me souviens d’ailleurs de ma première session de jeu où j’ai galéré pendant 45 minutes pour savoir comment avancer et je ne pense pas avoir été le seul bambin à avoir été bloqué par ce changement soudain d’habitude. Ape Escape a permis à Sony d’imposer l’utilisation de la deuxième version de sa manette pour permettre non seulement de faire avancer un peu le schmilblick du jeu vidéo, mais aussi de préparer l’arriver de la PS2 où toutes les manettes sont équipés de ces joysticks et les gâchettes L2/R2.
La réussite de cette mécanique réside dans le game-design général du jeu, les différents gadgets que nous envoyaient le professeur nous laissaient des expérimentations à effectuer sur le terrain, des spécificités à inculquer pour ensuite les ressortir tout naturellement sur les autres niveaux. À chaque obtention d’un nouveau gadget, on était poussé à recommencer des niveaux pour récupérer les singes manqués dû à l’absence des gadgets récemment acquis, non seulement ça augmente la durée de vie du soft mais qui plus est les niveaux pouvaient être complété à 100 % afin de débloquer des mini-jeux (Un jeu de ski, un jeu de course, un space-invader like ect), les biographies des différents singes ou tout bonnement pour satisfaire votre pulsion de collectionnite aiguë. Ape Escape est un jeu riche et généreux avec ses joueurs, non seulement la durée de vie est plutôt conséquente et le jeu propose une ambiance couillue et une vision originale du genre plate-forme.
Graphiquement le jeu avait une belle gueule à l’époque de sa sortie, malgré l’aliasing ultra présent dû à la pauvreté hardware de la Playstation et à l’ambition énorme de l’équipe à faire des niveaux aussi dense et détaillé. On avait le droit à un univers coloré (à l’image de Croc ou Mario 64) très japonisé dans le traitement de l’imagerie avec des reflets télévisuels, des couleurs chatoyantes (limite un peu trop saturés en 50 Hz), le chara-design inspiré des animes et l’ambiance complètement déjantée qui se ressentait sur les coups de crayon des personnages et des monstres, bordel, les monstres ! Je pense sincèrement que l’équipe de développement aurait pu facilement concurrencer un ténor du Survival-Horror si elle le souhaitait. Ils m’ont fait flipper avec le design affreux de ces monstres, tout était dans le regard et c’était absolument malsain dans mes souvenirs. Même quand j’y ai rejoué pour la critique, J’ai toujours la phobie de ce connard de poisson-chat dans le monde préhistorique, un peu comme la murène psychopathe et affreuse dans le niveau aquatique de Super Mario 64. Vous vous imaginez bien qu’en plus vous aviez le droit à un panel assez large de monstre ou d’animaux dangereux et gigantesques dû à la traversé dans le temps, le Tyrannosaure, le système digestif du dinosaure, les rhinocéros, les robots méchas, les mammouths. Bref un énorme melting-pot de ce qu’on trouve dans les films d’aventures et dans quelques nouvelles de Jules Verne.
J’aurai tellement d’autres choses à dire par rapport à Ape Ecape, même la série en général est excellente, le but de cette critique n’est pas de tout décrire le jeu de façon pompeuse non, le but est vraiment de vous donner envie de reprendre votre console (ou un émulateur) et de vous plongez avec votre âme d’aventurier intrépide dans un univers complètement déchaîné et énorme. Si les graphismes vieillissants de la Playstation ne vous dérangent guère, jouez à ce jeu, c’est une perle qui restera dans vos références vidéoludiques. Ape Escape était et sera toujours un exemple de ce qui faut accomplir pour lancer un nouvel accessoire tout en évitant de prendre son panel de consommateurs pour des simple vaches à lait.
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