La promesse était belle, si belle qu’elle m’a fait revenir à Assassin's Creed après plusieurs opus délaissés. La promesse d’un monde resserré, d’un retour aux sources dans les déplacements et d’un jeu axé sur l’infiltration. Alors pourquoi pas, après tout. Ubisoft comprend que ces jeux tentaculaires lassent plus vite qu'il ne faudrait et décide de sortir un jeu non pas de 100 heures, mais de 20 heures, pour montrer que ceux qui ont révolutionné le monde ouvert avec cette même série sont capables de se renouveler. La déception n’en est que plus grande, car si le jeu ne dure effectivement qu’une vingtaine d’heures, il n’est pas à la hauteur de ses promesses et encore moins d’un jeu qui se voudrait moderne.


Avant toute chose, cette critique est basée sur le jeu PS4. Il n’y aura donc pas de critique sur les paysages, textures, ou micro-bugs, car je laisse le bénéfice du doute sur le fait que la version PS5 est sans défaut. Pour ma part, et malgré la PS4, je trouve le jeu beau, plein de détails et avec une attention particulière portée aux vêtements. Néanmoins, je ne crois pas que la critique des Assassin's Creed porte sur la forme, mais bien sur le fond. Plongeons-nous dans ce que ce jeu est, n’est pas, et aurait dû être.


Si l’on se demande comment passer de 100 heures à 20 heures, la réponse la plus simple est de soustraire du contenu. Ce qui est désolant, c’est qu'il semble qu’Ubisoft n’a pas réfléchi plus loin. Ils ont repris les mêmes bases que leurs trois derniers jeux et ont taillé dans le gras sans jamais réfléchir qu’un jeu est un ensemble de systèmes et que retrancher certaines parties en rend d’autres caduques. On a ici un jeu qui n’a plus de quêtes secondaires. C’est un parti pris courageux pour un open world, mais dans ce cas, qu’est-ce qui justifie… l’open world ? Nous ne traversons ce monde que pour rejoindre les zones de la quête principale, en ligne droite, sans rien regarder de ce fourmillement de détails.


D’ailleurs, cette ville pourrait se targuer d’accueillir les missions principales en son sein, mais non, toujours pas. L’ensemble des missions (ainsi que les « contrats », sortes de missions annexes très oubliables) se déroulent dans des lieux clos. Plus la mission est complexe, plus le lieu est grand et bien gardé, mais à chaque fois, la ville ne sert que de « hub » entre deux missions. C’est ma plus grande critique à l’égard de ce jeu : pourquoi ne pas en avoir fait un jeu linéaire avec une structure à la Uncharted : zone de parkour / arène à traverser (violence ou discrétion au choix) / zone de parkour / grande arène pour assassinat de fin. Le jeu ressemble déjà énormément à ça, mais avec une ville entière à traverser à chaque fois. Et encore, je dis une ville, mais imaginez devoir traverser la ville ET un désert, la manette en tombe des mains. Le pourquoi de cette aussi grande carte reste une énigme, même en fin de partie où un bon tiers n’a pas été découvert sans que ma progression en soit pénalisée.


Si supprimer les quêtes secondaires était un tant soit peu ambitieux, ils n’ont pas osé toucher à la sauce RPG qui pourtant, sur 20 heures, n’a aucun sens. L’arbre de compétences est inutile du fait que les points de compétence se gagnent en terminant des missions et non en jouant librement dans la ville (encore un argument contre l’open world). De fait, les compétences que l’on débloque au fur et à mesure pourraient tout aussi bien nous être offertes à la fin des missions sans qu’une sorte de faux choix nous soit proposé. Le nombre de points offerts ne permettant que de débloquer une « ligne » de compétences à la fois, ils sont peu ceux qui attendront d’avoir une réserve de points suffisante pour remplir une branche en particulier au détriment d’une autre.


Autre aspect avec lequel un jeu de cette taille ne devrait pas s’encombrer : les améliorations d’armes et d’outils. D’autant plus avec des améliorations à base de pourcentages… Assassin's Creed n’est pas un jeu avec des chiffres, encore moins celui-ci, et pourtant « -50% sur le bruit des assassinats », « +2% de régénération jusqu’à 50% de vie », ça ne fait aucun sens dans un jeu pareil. Aucune donnée ou presque n’est chiffrée de base, alors pourquoi s’encombrer d’un menu, d’une routine hors-jeu et de gains finalement marginaux dans un jeu qui se veut minimaliste ? Les ennemis ne deviennent pas plus forts avec le temps, autant ne proposer qu’une arme avec différents styles pour les plus coquets. Le jeu se voulant axé sur la discrétion, les assassinats sont des one-shots, il n’y a aucun intérêt à ce type de mécanique RPG.


Enfin, parlons-en de la discrétion. Si le début du jeu met l’emphase sur celle-ci du fait de notre dénuement en termes de capacités et d’apprentissage du combat, il se trouve que très vite, louper sa partie d’infiltration n’est pas un problème en soi. Notre arsenal pour le combat à plusieurs n’a qu’à se composer de bombes fumigènes pour assassiner les cinq ou six gardes qui nous tombent sur le dos et repartir tranquillement en mode furtif… Le jeu a beau présenter un mode furtif, rien dans le gameplay ne le permet. Combien de fois la proposition d’un assassinat possible à un angle de mur ou au travers d’un voile s’est transformée en coup d’épée devant ledit garde car l’invite de commande s’est effacée au dernier moment du fait que le garde bougeait d’un pas ? Combien de sauts complètement à côté de la zone visée nous font sauter littéralement sur les gardes ou juste devant eux ? Je ne doute pas de la complexité d’associer un gameplay de parkour avec un gameplay de furtivité, mais dans ce cas, j’en reviens à ma première idée : séquencez les parties et séquencez le gameplay. Nombre de jeux basés sur la discrétion proposaient de bonnes idées sur comment se cacher, comment se déplacer, comment éliminer sans tuer (la série de Tom Clancy ou dans un style plus proche les Batman Arkham). Il y avait de la matière et rien n’a été fait pour s’en inspirer.


En marge de ces grands thèmes, il y a toujours des petites broutilles qui viennent parasiter l’expérience. Toujours trop de menus pour des tâches inutiles et, à l’inverse, l’obligation de se rendre à un point précis de la carte pour modifier les capacités de nos outils… La vision d’aigle est devenue une obligation de ce type de jeu, mais est-ce nécessaire de la coupler avec la vision de notre aigle pour marquer l’ensemble des zones ? Ce passage obligatoire pour définir la zone d’objectif casse le rythme et nous incite à scanner la zone entière pour ne plus être surpris par personne durant notre infiltration.


Cet Assassin's Creed ne restera pas au panthéon de la série et encore moins de mon panthéon personnel de joueur. Il reste néanmoins un espoir : c’est que cette volonté de changer la recette puisse être portée par des personnes d’expérience pour qui le jeu comptera plus que son nombre de ventes (qui de toute manière seront phénoménales comme à chaque fois). Il y a cet espoir de voir cette licence sortir de cette envie d’avoir un jeu ultime : Aventure/RPG/Monde ouvert/Furtivité. S’il y a une prochaine fois, plutôt que de tailler à l’aveuglette dans ces différentes catégories, peut-être qu’elles seront réagencées pour nous fournir un jeu qui ne sera pas un ensemble de bouts de ficelle dans lequel nous nous démenons avec de plus en plus d’ennui les heures durant.

Frusciendrix
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le 8 juil. 2024

Modifiée

le 8 juil. 2024

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