Il faut savoir que la série des Assassin’s Creed m’a énormément déçu, ce à compter du deuxième opus.
Tant au niveau du gameplay que du scénario, Ubisoft s’embourbait et feignait l’indifférence ; de ce qui avait fait la saveur du premier opus, il ne restait que le contexte historique, son uchronie audacieuse basée sur le rôle des Assassins dans l’Histoire ; mais de ce jeu à l'esthétique poisseuse et froide, au gameplay simple (certes répétitif) mais cohérent, violent et minimaliste dans sa mise en scène, aux questionnements parfois philosophiques, voire métaphysiques, et nous servant une dialectique sur le pouvoir, dieu et la religion (même si ça ne volait pas bien haut), il ne restait pas grand chose...
Le temps passe ; l’attente est anormalement longue concernant le prochain opus de la saga, celui que l’on nommera bientôt « Origins ». Toujours question de temps : ici, il ne s’agit plus d’avancer dans l’Histoire, mais de reculer, de revenir aux origines de la création de la confrérie des Assassins, bien avant Altaïr et ses confrères.
Au final, Ubisoft est revenu en arrière ; et moi, je suis revenu sur ma position vis-à-vis d’Assassin’s Creed – et tout le monde est content.
Qu’on se le dise, Origins est excellent. Bien qu’il recycle une bonne part de ce qui se fait sur les autres licences d'Ubi (comme d'habitude, me direz-vous) et pompe sans vergogne sur ce qui a fait le succès (en partie) de The Witcher III, la recette est parfaite, savamment dosée, pour un résultat de qualité. C’est bien simple, je n’avais pas autant pris plaisir à jouer à un AC depuis Assassin’s Creed premier du nom. Là où ce dernier avait su être novateur de par son histoire, mais surtout de par son gameplay aérien et acrobatique en monde ouvert, le tout très bien chorégraphié, Origins, à défaut d’être original, s’inscrit dans l’air du temps et prend un tournant radical qui offre un nouveau souffle à la série (qui était à bout à ce niveau-là), pour aboutir somme-toute à un résultat efficace.
Et c'est tout ce qu'on demande.
Le côté ésotérique et mystique convient parfaitement au contexte de l’Ancienne Egypte, mythologiquement riche, intrinsèquement fantastique et exotique. L’origine de la Confrérie tient à un seul homme : Bayek de Siwa, qui dans sa quête vengeresse se verra finalement mêlé à quelque chose de plus grand que lui pour ainsi renouer avec ses valeurs initiales : défendre la veuve et l’orphelin… Et c’est là qu’Origins pèche un peu.
Si j’évoquais plus haut The Witcher III (comme tout le monde l’a fait, et à juste titre), ce n’est que pour le système de combat et le leveling (à ce titre, si l'arbre de compétences propose quelques aptitudes "badass", beaucoup restent anecdotiques), ainsi que pour son système de quête auquel Origins emprunte bon nombre d’éléments. Mais le titre est à des kilomètres, voire des parsecs, de la profondeur scénaristique d’un Witcher ; et de la dimension RPG du titre de CD Projekt, il n’en retient en réalité que dalle.
Assassin’s Creed Origins est un très bon jeu ; mais il lui manque cette étincelle pour prétendre au rang de chef-d’œuvre et révolutionner véritablement la série et le cahier des charges d’Ubisoft. Si l’éditeur avait réellement eu cette intention, alors il lui suffisait de nous proposer un jeu dans lequel nous aurions eu, pour une fois, le choix entre le camp des Assassins et celui des Templiers (chose plausible étant donné l’existence du jeu Assassin’s Creed Rogue), où la dimension RPG aurait réellement été présente, de par des choix importants et moraux à prendre, comme tout bon RPG qui se respecte. Au lieu de ça, nous avons à faire à un Bayek béni-oui-oui et tout en même temps à la morale quelque peu douteuse, puisqu'il résout presque tout à coup de lame secrète (ou grâce à un tas d'autres armes, des lances aux masses d'armes, en passant par les sceptres et les doubles lames)...
Mais ne soyons pas mauvaise langue ! Je suis en train de juger le jeu sur ce qu’il n’est pas et aurait pu être. Le boulot qui a été effectué reste admirable : le monde est criant de vérité, dépaysant, sidérant, et regorge de contenu – de camps à infiltrer, de lieux à explorer, de mystères à décrypter ; l'infiltration est un régal ; les combats offrent (enfin) un challenge digne de ce nom tout en gardant cet aspect chorégraphié et prennent une tout autre dimension en mode arène (si le jeu dans son ensemble à des airs de Shadow of Rome, il lui ressemble d'autant plus lors de ces phases-là) ; et surtout, l’histoire tient debout et évite de se perdre dans les méandres scénaristiques bancals du présent dont tout le monde se fout. Au final, les phases en dehors de l’animus sont si peu présentes que l’on en vient à se demander si cette histoire d’animus, pourtant si caractéristique de la série, était vraiment nécessaire… L'histoire de Bayek se suffit largement à elle-même, forte des personnages et des situations (bien souvent cruelles) qu'il rencontre sur son chemin, ainsi que du contexte géopolitique qui se prête parfaitement aux assassinats.
Sur ce point-là, Assassin's Creed Origins est l'antithèse de l'adaptation cinématographique éponyme...
PS : la bande-son est magistrale.