Enfin, la saga Assassin's Creed a mis un terme à ce cycle annuel délétère dans lequel la série s'était enlisée depuis tant d'années, celui qui donna lieu à d'oubliables expériences dont Assassin’s Creed Syndicate, dernier épisode en date lors de l’année 2015.
Pour célébrer ces retrouvailles après deux ans d'absence, oui car Assassin’s Creed Origins sort en fin d’année 2017 sur PlayStation 4, XBOX One et PC, Ubisoft Montréal nous gâte en nous offrant un cadre dont on n'osait à peine rêver : l'Ancienne Égypte.
En 49 avant Jesus Christ, en Égypte, sous le règne de Ptolémée XIII, partageait le pouvoir avec sa sœur et femme, Cléopâtre VII. Mais Ptolémée, manipulé par des conseillers de l'ombre, va combattre sa sœur et plonger son royaume dans une période sombre d'oppression et de terreur. Dans ce contexte tumultueux, Bayek, un medjaÿ en quête de vengeance suite à la mort de son fils dans d'abominables circonstances, traque sans relâche ceux qu'il tient pour responsables de cette tragédie. Son chemin finira par croiser celui de l'Histoire et l'entraîner vers une bataille qui, semble-t-il, n'en est qu'à ses balbutiements.
Comme à chaque épisode, Ubisoft Montréal a réalisé un travail de reconstitution absolument bluffant et en tire un monde à l'atmosphère unique qui ensorcelle en quelques minutes. Déserts rocheux, marchés grouillant de vie, tombeaux secrets, dunes de sable fracassées par un soleil implacable, champs verdoyants, ruines mystérieuses… La diversité des paysages est presque étonnante. D'immenses étendues désertiques où se cachent quelques oasis ou villages isolés côtoient des zones plus verdoyantes et doucement vallonnées. Alexandrie, Memphis, Cyrène… On trouvera également des cités chargées de bâtiments, de monde et d'activités en tout genre.
Non seulement l’open world est d'une taille colossale, mais il donne également l'impression que derrière chaque piton rocheux, chaque palmeraie, se cache un nouveau lieu secret qui n'attend qu'à nous enchanter. C'est dur à exprimer, mais il y a un réel sentiment de gigantisme qui se dégage de cette Égypte fantasmée, face à laquelle on se sent tout petit et dans laquelle on voudrait se perdre à tout jamais.
On peut aussi considérer que la mue de la saga Assassin’s Creed en jeu-vidéo résolument RPG à l'occidentale s’achève avec cet opus. On avait déjà les arbres de compétences, l'XP et les levels, les puissances des armes. Disons que cet épisode est plus jusqu'au-boutiste, notamment en ce qui concerne le gain d'expérience et l'équipement. Le jeu est très sensible au niveau du héros et sera bien cruel avec qui osera défier un ennemi de deux ou trois niveaux de plus ; on parle du risque de mourir d'un coup d'épée ou de flèche dans l'échine. C'est vraiment radical. Plus que jamais, il faudra donc partir à la chasse aux points d'XP pour monter en puissance et débloquer des compétences qui tendent à développer trois talents différents : chasseur, guerrier et clairvoyant.
Le vrai changement s'observera plutôt lors des combats. Assassin’s Creed Unity avait déjà tenté de bousculer un peu les choses en s'extirpant de l'héritage de Prince of Persia : The Sands of Time et sa ronde d'ennemis qui attendent patiemment leur tour. Il avait posé les premiers jalons d'un système moins fou, plus exigeant et sévère. Ce jeu va un peu plus loin. C'en est plus ou moins fini des rixes où l'on distribuait des roustes à droite à gauche sans trop réfléchir. Désormais, il convient de cibler son ennemi, d'esquiver ses attaques pour mieux contre-attaquer ensuite. Équipé d'un bouclier, Bayek devra donc jauger son ennemi plutôt que de lui foncer dessus bille en tête.
En revanche, dans les lieux plus confinés et lorsqu'il y a beaucoup d'ennemis, le système montre un peu ses limites. Le jeu exige une certaine précision dans les mouvements et surtout une bonne lisibilité de ceux de l'adversaire ; l'action peut devenir alors trop brouillonne, voire bordélique quand tous les gardes du coin s'y mettent ensemble.
L'arsenal proposé est varié. Des doubles lames à la grosse masse qui défonce tout sur son passage, en passant par des lances (ma préférée), il y en a vraiment pour tous les goûts et tous les styles. Sous réserve de s'offrir la compétence, on pourra porter deux armes différentes et passer de l'une à l'autre à tout moment d'un simple clic sur la croix directionnelle. Il en sera de même pour l'arc qui pourra devenir votre meilleur ami dans bien des situations. Là encore, on en dénombre différents types : arc normal, à multiples flèches et arc de précision. On profite donc d'un vaste choix d'armes et de méthodes pour occire les malotrus qui croiseront notre route.
Malgré quelques changements et de notables évolutions dans son gameplay, le jeu fait encore la part belle aux deux piliers de la série, le parkour et l'infiltration. Bayek, comme tous ses confrères et sœurs à capuche, peut grimper, sauter, courir à peu près partout. Désormais, il n'y a d'ailleurs plus besoin d'appuyer sur une gâchette pour enclencher le mode Actif. C'est l'inclinaison du stick analogique qui décidera de sa vitesse de course. Aucun changement bouleversant, donc. On reste dans la lignée des derniers épisodes sur ce point.
Pour ce qui est de l'infiltration, le vrai changement cette année, c'est l'aide de Senu. Contrairement à ses collègues dans les précédents épisodes de la série, Bayek n'a pas vraiment de Vision d'aigle. Non, lui, il a directement un aigle. D'un clic, on se faufile sous les plumes de Senu pour voler où l'on veut et ainsi observer les alentours et marquer tous les points d'intérêt que l'on voit : ennemis, trésors, etc...
Du coup, les missions d'infiltration de cet épisode sont un peu plus corsées qu'auparavant, notamment parce que les lieux traversés sont plus vastes, complexes et surtout chargés de pas mal d'ennemis. Patience et observation seront donc les maîtres-mots ici, d'autant que le cycle jour / nuit aura une incidence sur les rondes des gardes ainsi que sur les emplacements des cibles. Celles-ci sont d'ailleurs bien moins évidentes à exécuter, car il faudra désormais confirmer leur mort en restant trois secondes à leur contact. L'I.A. a été légèrement remaniée cette année. Elle semble moins prévisible que jadis. Les gardes n'auront pas toujours la même ronde et ne se contentent plus d'avancer sur un monorail. Il y a donc plus d'aléas avec quelques vilaines surprises pour qui n'aurait pas pris le temps de bien observer partout avant de passer à l'action.
Avec une aire de jeu aussi vaste, on pouvait craindre d'être un peu trop livré à nous-mêmes et lâché bêtement dans la nature. Il n'en est rien ! Le jeu regorge de choses à faire et l'on sent même que c'est l'un des aspects sur lequel les studios ont le plus travaillé. Il y a déjà les missions principales, bavardes et nombreuses, qui sauront vous faire voir du pays et vous occuper un bon paquet d'heures. Elles ne sont pas d'une imagination débordante, mais elles donnent un très bon rythme à l'aventure avec même quelques passages tendus, surprenants et parfois terriblement cruels. Elles sont classées par niveau d'XP recommandé si bien qu'il sera tout simplement impossible de les enchaîner une à une pour découvrir le générique de fin en vingt petites heures. Il faudra obligatoirement passer par la case des quêtes annexes pour aller chercher les points d'XP qui vous manquent et voir la durée de vie grimper à un minium de trente heures.
Heureusement le jeu est généreux en points d'XP, mais en plus les quêtes secondaires de l'aventure sont presque toujours intéressantes. Le jeu nous propose un large éventail de missions secondaires, dérivées dans leur construction des missions principales, avec à chaque fois leur petite histoire et un déroulement à part.
Outre les missions, on trouve toujours des bastions et forts ennemis ou des lieux secrets à infiltrer et à fouiller. En se promenant pour découvrir telle région ou aller voir tel monument qu'on aperçoit au loin, on est toujours appelé par une activité qui aura au minimum quelques centaines de points d'XP à nous offrir. Il y a ainsi de vrais secrets à découvrir. Ubisoft Montréal nous offre un cadre de jeu formidable. Ils ont su remplir leur open world pour le transformer en une aventure unique, notre aventure, au point que l'on a vraiment du mal à le lâcher tant chaque lieu, chaque ruine, chaque pyramide, chaque silhouette dessine la promesse d'une découverte passionnante.
Pour soutenir tout cela, il fallait une réalisation à la hauteur des ambitions. On l'a. Le jeu n'est pas que vaste et riche, il est aussi très souvent beau. Comme souvent, la modélisation des lieux emblématiques et leur reconstitution force le respect. Mais le jeu jouit également d'une atmosphère formidable notamment insufflée par des effets de lumière magnifiques. La finesse des hiéroglyphes sur les murs des temples, les nuées d'oiseaux s'envolant devant notre barque fendant les flots du Nil, les mouvements étincelants du sable à la surface des dunes, les nuages teintés de rose au soleil couchant… Il y a beaucoup de raison de s'émerveiller.
Si vous attendiez que Assassin’s Creed Origins réinvente complètement la saga, vous pouvez retourner dormir quelques siècles dans votre sarcophage. Si vous attendiez que Assassin’s Creed Origins pousse la série en avant, soyez les bienvenus ! Des combats retravaillés, des phases d'infiltration plus dures, une orientation plus marquée vers le RPG, cet épisode fait des avancées notables dans tout un tas de domaines. Mais, autant le reconnaître, la vraie star ici, c'est bien l’Egypte ! Ubisoft Montréal nous offre une aire de jeu spectaculaire qui vous laissera souvent le souffle coupé. Elle regorge de vie, de mystères, de beauté et devrait littéralement ensorceler celles et ceux qui se lanceront dans son exploration. Attention, cela reste un Assassin's Creed avec tout ce que l'on aime et ce qui dérange. Mais, malgré quelques petits regrets, c'est sans aucun doute l'un des épisodes le plus spectaculaire et le plus abouti.