Astral Chain
7.2
Astral Chain

Jeu de Platinum Games, Virtuos et Nintendo (2019Nintendo Switch)

Les qualités du gameplay sont légions mais celles du scénario chimères

Alors que Bayonetta 3 ne cesse de se faire attendre sur Switch depuis son annonce, c’est un tout autre Beat Them All 3D que Platinium Games saura offrir à la console en 2019, Astral Chains. C’est Takahisa Taura qui prend les rennes du projet, une première dans sa carrière de game-designer dans laquelle il a tout de même participé à certaines des plus grandes productions du studio, à l’image de Nier Automata 2 ans plus tôt. C’est l’un des jeux qui m’a décidé à me procurer une Switch, avec son univers cyberpunk impressionnant, sa musique démentielle d’intensité et ses mécaniques de jeu variées autour de la mécanique permettant de prendre le contrôle de puissantes créatures, voyons s’il a su répondre à mes attente.


Je vous propose un petit mix des musiques les épiques du jeu pendant la lecture de cette critique, ça donnera le ton.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★☆☆☆



La cinématique d’introduction en basse résolution annonce très vite les limites techniques du jeu qui ne seront que confirmées par la suite de l’aventure, niveau de détails des textures assez bas, murs invisibles délimitant rapidement les espaces ouverts, effets d’ombres de qualité très faible, baisses de framerate pourtant limité à 30 FPS, résolution pouvant baisser de manière dynamique à 720p et n’arrivant jamais à 1080p même dans les meilleures conditions, absence de doublages sur beaucoup de dialogues secondaires… la Switch n’a jamais été un foudre de guerre mais pour un jeu qui lui est exclusif et qui bénéficie normalement de bons moyens derrière lui, le bilan technique est tout de même un peu décevant.


Pourtant, on sent une générosité visuelle débordante avec des effets de particule qui fusent dans tous les sens des armes et coups qui s’enchaînent tout autour de nous lors de combats parfaitement dantesques, n’hésitant pas à démultiplier les ennemis ou leur taille et réussissant toujours à être suffisamment fluides pour que ça n’en devienne pas dommageable à l’expérience de jeu. Les feed-back visuels et sonores fonctionnent à plein régime pour que le ressenti frénétique de cette action soit toujours au taquet, Platinium Games à son meilleur niveau sur cette question, c’est incontestable pour moi.


C’est peut-être un petit cran en dessous pour la mise en scène lors des cinématiques, mais juste un petit cran alors car là aussi il y a de la réussite avec une caméra virevoltant au rythme des vifs déplacements, le montage enchaînant les transitions fluides entre les différentes scènes… elle contribue elle aussi comme le doit au grand spectacle du jeu. Les menus sont également assez bien stylisés malgré quelques éléments visuels d’une austérité assez étrange, sans doute un compromis technique pour que les menus restent fluides, mais on sent ce compromis toujours présent sur chacun des aspects visuels du titre de toute manière.


Si le design des chimères est plutôt réussi dans l’ensemble, malgré un peu de recyclage pas bien méchant, je n’en dirait pas forcément autant du chara-design des humains. En dehors de quelques fulgurances comme Jena, beaucoup sont insipides ou même parfois de mauvais goût à mes yeux avec quelques couleurs fluo plus criardes qu’autre chose. La personnalisation de l’avatar semble quant à elle assez développée a priori mais malheureusement beaucoup d’éléments de personnalisation s’avéreront purement comiques et ce n’est pas vraiment ce que j’attends, et beaucoup sont aussi vraiment trop difficiles à obtenir pour en valoir le temps et les efforts.


L’OST, première composition majeure pour Satoshi Igarashi habitué aux musiques additionnelles, comprend des fulgurances dans le registre de l’épique à la hauteur de mes préférées du genre avec un bon mélange de l’électronique et de la symphonique, collant bien à l’univers et au ton du récit. Par contre, les registres mélancoliques ou relaxants sont correctement rendus mais sans brio. Si l’on fait un premier bilan, les qualités visuelles et sonores sont fortes mais me paraissent trop limitées, notamment par la technique, pour constituer un réel point fort du titre, mais ce qui m’a réellement dérangé dans mon expérience de jeu arrive maintenant.



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★☆☆☆☆☆



Embrassant pleinement l’univers du cyberpunk, Astral Chains met en place tout un univers original avec ses technologies, ses créatures, son histoire, ses mondes parallèles… avec un rôle principal de jeune policier taillé sur mesure pour le découvrir, mais autant le dire tout de suite, j’ai trouvé ça très poussif. En dehors des entrées écrites permettant d’explorer l’univers en profondeur, ce que l’on en découvre en jeu ne donne pas vraiment envie d’en savoir plus et c’est bien là tout le problème dans un jeu vidéo qui doit amener cet intérêt du joueur par l’aventure principale.


Pourtant, le jeu s’essaie à explorer des facettes typiques du cyberpunk, presque garanties de réussite, avec par exemple l’exploration de quartiers défavorisés par notre personnage policier, mais j’ai eu l’impression de revoir la même chose qu’ailleurs en moins bien, sans jamais réussir à vraiment y rentrer. Beaucoup de dialogues sont peu inspirés, beaucoup de personnages importants manquent cruellement de charisme, beaucoup de quêtes secondaires ne présentent aucun intérêt scénaristique, beaucoup trop de manichéisme se fait sentir dans les intentions des uns et des autres…


Et si le scénario ne suit pas, on sent bien également une narration un peu fainéante par moment et même très rapidement, comme lorsque le dirigeant se lance dans une scène d’exposition de l’univers sans aucune raison intra-diégétique pour expliquer ce que l’on vient déjà de comprendre par les situations de jeu du prologue, jamais un bon signe quand les développeurs semblent avoir si peu confiance dans leur faculté à raconter leur histoire en jeu. Mais le pire à ce sujet sera les dialogues importants mais impossibles à suivre en difficulté élevée puisque se déroulant en plein combat alors que l’on ne peut relâcher l’attention un seul instant.


Ne faisant jamais parler son protagoniste n’ayant donc aucune forme de personnalité et diminuant drastiquement l’intensité de certaines scènes, ne cherchant pas à entretenir du suspens sur les alliés en réalité traîtres ou ennemis en réalité ambigus, répétant une structure scénaristique devenue routinière chapitre après chapitre dont même les retournements de situation se voient à des kilomètres, n’arrivant jamais à assumer pleinement ses enjeux dramatiques… on ne peut pas dire que le scénario d’Astral Chains fut une préoccupation première des développeurs quand bien même celui-ci s’impose au joueur avec un très grand nombre de dialogues que l’on ne peut pas forcément passer.


C’est d’autant plus dommage qu’un vrai potentiel m’avait donné beaucoup d’espoirs en début de jeu et que le système de sauvegarde invite à se retaper tous ces dialogues maintes et maintes fois en difficulté élevée, un meilleur travail à ce niveau était possible et aurait été très bénéfique à une expérience si scénarisée. Et ce ne sont pas les doublages, anglais ou même japonais, qui ne sauront relever particulièrement le niveau, s’inscrivant souvent dans un surjeu avec assez peu d’identité ou de maîtrise, en dehors de l’excellente déformation électronique de la voix d’Iris, très bien mais insuffisant.


Le jeu fait aussi plusieurs fois l’erreur de tenter de donner une impression d’urgence qui est d’une part le plus souvent totalement factice, d’autre part à l’encontre de l’exploration qu’il encourage réellement. Comment veux-tu t’immerger dans l’histoire une seule seconde quand tu te rends compte que la nana qui t’appelle à l’aide désespérément continuera de le faire sans jamais se faire tuer pendant que tu prends le temps d’explorer les lieux que tu n’as qu’une chance de visiter durant le run et qui regorgent de récompenses indispensables en difficulté élevée ? Mais si l’attention des développeurs n’étaient pas tournées sur ce scénario, c’est parce qu’ils étaient dirigés sur son gameplay et enfin il est temps de parler de ce qui m’a plu dans ce jeu.



GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★★★☆



Reprenant d’une certaine manière le concept du pod nous accompagnant dans Nier Automata pour exploiter beaucoup plus l’idée jusqu’à en faire le cœur du jeu, le gameplay d’Astral Chains repose sur le concept de chimères que l’on peut invoquer quelques temps, au combat comme en dehors, et que l’on peut contrôler en même temps que notre personnage humain. La prise en main est assez délicate avec une tonne de commandes différentes nous demandant souvent de contrôler simultanément 2 personnages mais une fois qu’on parvient à maîtriser tout ça c’est un réel bonheur que d’enchaîner esquives de dernier instant, contre-attaques imparables, combos dévastateurs… parmi une large sélection de mouvements dont le déblocage motive la rejouabilité.


En effet, si l’arsenal de notre personnage n’évoluera que peu, les talents, apprentissages et aptitudes de nos chimères offriront beaucoup de possibilités d’attaque et de dilemmes ludiques intéressants récompensant toujours notre bonne compréhension des mécaniques et notre capacité à réaliser les commandes les plus difficiles. Il sera ainsi possible de dédier ces améliorations à des automatisations facilitant la jouabilité ou à des récompenses supplémentaires pour réaliser ces actions dans le meilleur timing, dans le pur esprit de scoring bien connu de Platinium Games et très présent ici, ce qui me va très bien, même si son équilibrage n’est pas parfaitement équilibré avec quelques combos faciles à sortir et faisant exploser ce compteur, mais ce n’est qu’un détail dont je ne me suis rendu compte que vers la fin.


La lisibilité des combats est assurée en tout temps par l’éternel code couleur rouge et bleu, ce qui permet à la réalisation d’assurer le spectacle et à l’action d’être nerveuse sans que le gameplay n’en soit pénalisé un seul instant. J’ai été très impressionné par cet aspect que je n’ai jamais pu prendre en défaut, 15 ennemis et alliés autour de nous avec des attaques dans tous les sens délivrant des tonnes d’effets de particule et pourtant jamais je n’ai eu le sentiment de plus rien y comprendre. C’est fondamental dans un Beat Them All et on tient peut-être bien là l’une principales clefs de ce succès.


Des phases de plates-formes, d’investigation et même de réflexion sont étonnamment très bien élaborées et toujours en adéquation avec le concept central de la chimère pour diversifier énormément l’expérience de jeu et offrir l’opportunité de glaner d’intéressants bonus. Je les apprécie d’autant plus qu’elles ne s’imposent pas trop à ceux qui veulent rester concentrés sur le Beat Them All, sauf si l’on se prend au jeu du scoring mais comme celui-ci est secondaire je n’ai pas envie d’en tenir rigueur même si j’ai bien conscience que ça fait partie des défauts récurrents qu’on reproche au jeu.


Les quelques QTE, ou assimilés, sont à leur juste place de bonus et mêmes plutôt au second plan pour un Beath Them All, ce n’est vraiment pas un mal. Il y a bien quelques phases de jeu manquées à bien y regarder, comme l’opération de maintenance fastidieuse entre chaque mission, le transport des caisses avec la fonction gyroscopique beaucoup trop sensible… mais ce n’est absolument rien dans l’ensemble de l’expérience de jeu. Le seul vrai point noir pour moi serait le découpage des « fichiers », c’est-à-dire des sous-chapitres, qui ne se mêle pas bien du tout au système de sauvegarde qui m’a fait perdre quelques heures de jeu tant ce système n’est pas du tout intuitif ou abouti. Le système en lui-même est intéressant, mais les fichiers sont trop longs et le nombre de quêtes fédex est trop élevé pour que ça fonctionne pleinement, c’est tout.



CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆



Entravé par les limites techniques de son support, étouffé par un scénario et une narration très moyennes, Astral Chains réussit aussi à impressionner par sa mise en scène et sa direction artistique, mais surtout à se déchaîner avec son gameplay ambitieux, diversifié, addictif et abouti, parmi les meilleurs du genre à mes yeux. Je ne suis pas mécontent de son petit succès commercial, ayant dépassé le million de ventes, tant ses qualités sont réelles et réellement marquantes, même si j’en attendais peut-être un peu plus de ce jeu qui n’a pas les épaules du console seller que j’attendais de lui.

damon8671
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le 27 mars 2022

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damon8671

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