Diversité ratée
J'aime bien Platinium Games, ils ont de bonnes idées mais bien souvent je ne finis par leurs jeux, je trouve ça trop dur, ça demande trop d'apprentissage (ce qui est une bonne chose hein) et j'ai...
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le 7 août 2020
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Platinum Games. Un studio fondé dans le but louable de représenter le Japon sur la scène vidéoludique internationale. Chaque poste pourvu par un panthéon de talent conséquents. Atsushi Inaba ! Shinji Mikami ! Hideki Kamiya ! Yoko Taro ! Les restes du Battleship Cavia recombinés avec la New Golden Generation de Capcom ! Un étrange prétendument pourvue d'un pouvoir sans nom. Dans leur viseur : une nouvelle mission. Faire évoluer le jeu vidéo japonais. Résultat ? Des trombes de clones de Devil May Cry. Un third-person shooter génial réalisé par le gars de la bande maintenant parti de son propre côté bosser pour le marché étranger tout en formant une nouvelle fournée de talents issus de l'Archipel. Quelques titres à licence réalisés par-dessus la jambe afin de rester à flot. Dont ce Star Fox supervisé par Inaba et pourtant loin d'être réussi. Ainsi que Wonderful 101. Titre censément stupéfiant. J'ignore ce que c'était censé être mais tout ce génie ne m'a pas suffi à persévérer au-delà des deux premières heures de tutoriels. Ainsi va la vie.
Depuis quelques années les problèmes financiers constants du Studio Newtype semblent avoir été mitigés par un rapprochement avec Nintendo. Reine de modicité la compagnie de Kyoto a cependant remplacé avantageusement comme bâiller de fonds platinés leur rivale de toujours dont le nom en quatre lettres résonne encore dans le cœur de ses aficionados. Faut dire que la Maison de Sonic peine de son côté à financer quoi que ce soit d'autre que les productions de son Ryu Ga Gotoku Studio. Elle possède certes des satellites mais ceux-ci semblent opérer sur des sources de revenus auxiliaires éloignées de l'assise financière de leur maison-mère. Mais là n'est pas la question. Bien des studios affaiblis par la nouvelle offre mondialisée du monde vidéoludique ont su apprécier les deniers modiques filés dans leur bas de laine par l'éditeur centenaire. Koei Tecmo. Sega. Platinum Games. Tous sont logés à la même enseigne : tenter de récupérer les quelques yens qu'une guerre technologique sans bornes les force à tenter d'accumuler dans l'espoir de financer un hit avec ceux-ci. On ne sait jamais qu'ils suffisent à mettre en branle un de ces vrais titres next-gen destinés aux grosses machines. Faut croire que Konami et Bandai Namco avaient raison de diversifier leur acquis dans des domaines secondaires. Seul Capcom subsiste sur les gains réalisés par leurs produits ludiques. Autant l'admettre. Ils sont les seuls de cette promotion à encore exceller dans ce domaine de production.
À ce stade Platinum n'en a plus que le nom. Après leur diverses tentatives couronnées d'insuccès de lancer leur propre héros mémorable dans le zeitgeist d'une discipline qui leur file petit-à-petit entre leurs mains... les voici forcés de réaliser une exclusivité modique pour la petite portable de salon. Ne cherchez pas à élucider le paradoxe. Il se contente d'exister. Leur solution ? Demander de l'aide au fameux mangaka favori des adolescents d'autres fois. Monsieur Shadow Lady. Monseigneur Zetman. Mister Video Girl Ai. Masakazu Katsura. Spécialiste des jolies jeunes filles en fleur crédules mais craquantes tombant amoureux de jeunes gars empotés. Rien que ça. Le concept ? Euh. T'as des monstres venus d'un plan d'existence parallèle. Ils sont en laisse. Ce sont des sortes de chiens. Bah, ouais, tiens : des Astral Chiens. On bossera le nom plus tard mais admettons. Disons des cerbères. Il nous faudra un Garçon Katsura customizable et Sa Sœur. Paf. Voilà nos protagonistes. Autour se trouveront leur père adoptif bad-ass qui meurt vite afin de donner une forme de prétexte aux combats constituant les quinze heures du titre. Le scénario ? Ben... je te l'ai dit. T'as des Astral Chiens. C'est pas naturel. Faut qu'ils se battent pour éviter qu'ailleurs finisse sur terre. Au fait, tes deux gusses sont des flics façon Special Police Dekaranger. J'aurais pu le mentionner plus tôt mais c'est tombé entre les mailles. Peut-être qu'une sorte de Gendo Ikari local fait des expériences pas très catholiques sur les gens du cru. Son assistante Bamela Enderstone se rebiffe et on pense qu'elle est méchante mais en fait elle est du côté des anges. Un truc du genre. Cherche pas trop Katsura-kun : on a vraiment besoin d'un produit à vendre aux weaboos de la planète. La caisse commence à être sérieusement vide.
Quelques mois plus tard leur pitch final fut approuvé par Nintendo. Ils aiment beaucoup l'idée des monstres tenus en laisse par une forme de chaîne nébuleuse. Novateur mais cependant familier. Le titre est vite changé pour Astral Chain. Tout le monde retourne au travail de manière guillerette. Quelques détails ont changé. Vous pouvez maintenant vous battre de près, de loin, et vite. Un partage des tâches peu probable mais obligatoire car votre personnage digne d'un anime des nineties doit manier un flingue, un bâton de policier et une énorme épée façon Guts. La loi l'exige. On doit obliger l'utilisateur à changer d'outil en plein combat toutes les dix secondes pour qu'il l'ait l'impression que le gameplay est très riche. Les Astral Chiens – maintenant des Legions que l'on commande grâce à une laisse nommée le Legatus – sont devenus des sortes de monstres de tokusatsu. Vous en avez... cinq ? L'un qui a deux épées. C'est celui sur la boite. L'autre est une sorte de punch. Euh, quoi d'autre ? Grosse épée. Très important. Type qui flotte avec un arc. Et un clébard. C'était l'idée de base. Tous ont une fonction secondaire censément fun. Tout ceci prend place dans un joyeux bordel où vous devez choisir le meilleur Digimon pour chaque ennemi tout en faisant attention de diriger ses attaques de loin tout en vous battant dans la grande tradition de Dante. Bayonetta serait fière. En bonus – histoire de varier les plaisirs – toutes les fonctions communément associées à une touche de saut ont été offertes à votre Stand du pauvre. Nous avons aussi rajouté un mode détective digne d'Arkham Asylum censé refléter votre côté Rex Chien Flic. Faut bien rallonger la sauce.
Résultat des courses ? Mitigé. L'on sent une volonté presque pathologique de complexifier le titre afin de sembler sophistique. Cela donne l'apparence d'une forme d'innovation là où le jeu vidéo japonais est connu, au contraire, pour être une synthèse légère mais performante de l'époque ambiante. Ce qui ne serait pas si grave si cette étrange démarche ne s'accompagnait pas d'un maximum de cinématiques réalisées dans le but improbable de tenter d'en tirer dans un futur proche une série Netflix dotée des mêmes modèles. Le niveau de qualité est à peu près équivalent. Qui sait, Production I.G. a peut-être une case de libre dans son planning très chargé et une vague envie de renouer avec leur pote Katsura le temps d'un tout dernier projet. Autant battre ce fer nostalgique tant qu'il est tiède. Tout n'est cependant pas à jeter dans le titre. Le terme « Astral » m'a bien plu, par exemple, et certaines idées de gameplay auraient aisément pu constituer un titre intéressant prises séparément. Il aurait fallu axer le level-design autour d'elles. Peut-être réunir les notions qui vont dans le même sens autour de moins de Legion tout en les rendant plus multi-fonctions. Mais en l'état vous vous sentez surtout obligé de mémoriser quel personnage peut déterrer des trucs pour passer telle portion avant d'utiliser tel autre pour flotter quelques centimètres au-dessus d'un sol toxique. Sans parler des moments en time-attack censés donner un sens à la présence d'un molosse en forme de monture susceptible de se mouvoir à une vitesse raisonnable. Puis, d'un coup, on se dit que beaucoup de ces soi-disant innovations auraient été rendues inutiles par deux simples adjonctions : pouvoir courir vite et sauter. Deux fondamentaux du jeu vidéo dont on devine qu'ils ont été enlevés afin de permettre aux utilisateurs du monde entier d'apprécier la subtilité des Astral Chiens. Un concept d'ailleurs assez proche de ceux qui font que je ne regarde plus Kamen Rider. Tous ces héros couteaux suisses obligés de se changer en autre chose dans une avalanche sans fin de henshins commencent à me courir sur le haricot. Pas besoin de voir cette maladie s'étaler sur la scène vidéoludique. Quant au gameplay... c'est un titre supervisé par Hideki Kamiya. Imaginez le résultat. C'est juste un Devil May Cry de plus rendu plus ou moins original par une idée solide – celle de pouvoir utiliser sa chaîne pour immobiliser l'ennemi ou couper ses charges – utilisée sans trop y réfléchir pour encore complexifier une formule autrefois simple. Ce qui aurait pu passer inaperçu la plupart du temps mais même le cinquième opus des aventures d'un Dante porté sur l'extra-surenchère s'en sort mieux que ce titre dérivatif de troisième génération.
Mais attention : ce n'est pas tout. Je vous ai réservé le meilleur pour la fin. Tenez-vous bien. Le titre nécessite près de sept heures de tutos pour expliquer ses coups d'éclats transcendantaux. Si ça c'est pas rigolo, Nintendo.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Critique Cruelle par... Le MaSQuE.
Créée
le 15 déc. 2019
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