Si vous achetez ce Frontiers Of Pandora uniquement pour le plaisir de se balader sur la planète des Na'vis, alors cet Avatar remplit au moins sa part du contrat.


Pas de grimpette omniprésente à la Zelda mais une multitude de moyens de Traversal qui confèrent à l'exploration une fluidité instinctive grâce à un Level Design souvent assez harmonieux avec l'environnement; les plantes sont ici autant des manières d'accroître notre vitesse de déplacement que des obstacles à éviter et même si on se croit parfois presque dans Sonic, le Parkour procure bien l'adrénaline escomptée pour un jeu mettant en scène nos voisins bleus. Une réussite déjà entachée malheureusement par la progression hasardeuse et le manque de vision sur le plus long terme qui caractérise ce Pandora, comme toutes les productions Ubisoft de ces dernières années : en l’occurrence, l'obtention trop hâtive de la monture volante annihile tout le plaisir de la découverte et le rattachement à la terre des Na'vis, à tel point que le jeu ne cessera de multiplier les prétextes par la suite pour limiter l'usage de notre dragon personnel.


Dommage, vraiment dommage car cette exploration aérienne empiète également sur une autre belle réussite de ce Pandora : l'impact tangible de la pollution sur la nature environnante et le dégout de voir la terre sacrée des Na'vis souillée de la sorte. Ce n'est pas forcément le premier jeu à véhiculer une telle sensation écologique (la découverte de Saint Denis dans Red Dead Redemption 2 occasionnait déjà son lot d'appréhension en la matière) mais Pandora l'exprime assez ingénieusement dans la composition de sa carte avec une délimitation immédiate des zones polluées et des zones saines, le blocage des animaux et autres éléments à collecter dans les environs ou une colorimétrie qui tranche radicalement avec la luminosité traditionnelle du titre. Comment y remédier dès lors? Hé bien, en détruisant tout ce qui bouge bien évidemment; nous sommes en présence d'un jeu Ubisoft après tout et donc la conquête de territoire continue à être leur Leitmotiv créatif depuis des décennies à présent; c'est bête, c'est répétitif, c'est lassant mais pourtant, je me suis laissé prendre au jeu comme un bleu (hohoho) sans doute pour le simple plaisir de voir la nature recouvrer ses droits, même si à nouveau ce constat est bien plus concret lorsqu'on se contraint à explorer au sol qu'à arpenter les cieux à dos d'Ikran. Le jeu tente bien également de signaler au joueur le retour d'espèces disparues ou une amélioration météorologique de la planète mais il faut avouer que les changements visuels ne sont guère éloquents par rapport au début de l'aventure; pas grave, j'ai quand même écumé la Map durant des dizaines d'heures pour se rapprocher du sacro-saint 100% de qualité de l'air, il faut dire aussi qu'en dépit d'un gameplay infiltration/action très approximatif (on y reviendra bien assez vite), le Level Design de certaines bases est très plaisant à exploiter, encore une fois l'une des rares qualités du jeu sur le plan créatif.


Car oui, c'est pas tout d'avoir une belle Map mais encore faut-il avoir une belle aventure à proposer et sur cet aspect, Pandora se plante dans les plus grandes largeurs comme si Ubisoft avait dépensé tout son pognon gargantuesque pour la création d'un Pandora interactif avant de se rappeler qu'il fallait aussi proposer un jeu plus concret, en définitive. Tel est le paradoxe qui caractérise ainsi ce Frontiers Of Pandora : un univers organique en apparence mais dont l'artificialité, propre aux productions Ubisoft, n'en devient que plus éloquente. Tout n'est ici qu'une perte de temps vouée à remplir un contenu boulimique sans conférer au jeu une impression tangible de progression ou de montée en puissance; les objectifs à accomplir deviennent très vite redondants (va collecter trois plantes, va chasser trois animaux, va détruire trois bases, va analyser trois composants etc etc) et illustrent à merveille le problème d'un développement mondial où des studios à travers le monde bossent sur un même projet chacun dans leur coin sans se soucier du travail de leurs confrères ou de la vision d'ensemble du jeu (le terme d’œuvre étant ici bien trop galvaudé). Et en première ligne de cette production mécanique se situe le scénario absolument lamentable dont Frontiers Of Pandora essaie pourtant désespérément de nous convaincre de la fausse sincérité du début à la fin de l'aventure; oui, vous me direz Avatar à la base ce n'est déjà pas un modèle de subtilité en soit mais au lieu de relancer ce vieux débat, peut être me consentirez vous au moins l'emphase des films sur le parcours initiatique de son héros et son acculturation progressive à la population envahie; ici, Frontiers Of Pandora s'efforce théoriquement d'employer un procédé similaire mais contourne bien vite la moindre difficulté pour se focaliser simplement sur la réunion des clans contre l'envahisseur; vous savez ce passage qui ne prend littéralement que deux minutes dans le film originel car ce n'est pas là le plus important? Bah dans Frontiers Of Pandora, ça vous prendra littéralement vingt heures en allant faire les courses pour vos alliés d'infortune avant que ceux ci n'apparaissent purement et simplement pas durant la bataille finale (on y reviendra bien assez vite aussi), le tout avec une marque magique d'un ancien clan Na'vi diplomate qui vous octroiera un droit de passage dans toutes les communautés recluses de Pandora. Comme c'est pratique...


A dire vrai, je n'ai même pas envie de fustiger la soit disant incompétence des scénaristes car il est ici évident que la narration est broyée dans un système qui ne la laissera jamais s'épanouir convenablement, la dixième roue du carrosse d'une structure déjà établie en amont et qui ne doit proposer qu'un enrobage cochant toutes les cases attendues au lieu d'exploiter pleinement le potentiel de son univers; je plains honnêtement les gens (et à en juger le générique, ils sont pourtant nombreux) qui se sont retrouvés avec un univers aussi foisonnant pour proposer finalement une structure aussi cadenassée et désespérément creuse. Il faut dire que l'ensemble n'est guère embelli par une mise en scène complètement à la ramasse et indigne d'un studio censé avoir accumuler l'expérience des Far Cry en amont; entre les animations exagérées des protagonistes, leur posture rigide et statique au possible ou le manque d'interactions avec notre protagoniste, on se croirait revenu dix ans en arrière. Non, il y a dix ans Bioshock Infinite et Metro Last Light faisaient déjà bien mieux en la matière; après oui, il y a sans doute les contraintes d'une structure en monde ouvert mais c'est tout de même difficile de revenir à une présentation aussi archaïque (et artificielle à nouveau) quand les souvenirs de Phantom Liberty sont encore vivaces (même s'il s'agit là aussi d'une comparaison périlleuse vu l'état de 2077 à sa sortie). Et ne parlons pas non plus de ces sempiternelles transitions abruptes avec ces fondus au noir cache misères; non franchement, à ce compte là, Pandora aurait mieux fait de nous laisser le contrôle de la caméra même si c'était pour aller regarder un caillou pendant qu'un personnage pleure sur son sort, ça aurait été peu impactant mais moins redondant à la longue. Pas sûr néanmoins que ce Pandora ait finalement vampirisé toute l'attention d'Ubisoft quand on voit l’économie de moyens évidente mise en place pour limiter les couts; comme dit précédemment, le géant français ne considère visiblement pas en 2023 qu'il est nécessaire d'avoir une présence des alliés en combat, même quand toute la trame principale consiste justement à rassembler une armée contre le tyran humain. La pirouette en devient ainsi involontairement comique quand nos alliés disparaissent purement et simplement du champ de bataille après une cinématique moche pour nous laisser affronter seul l'armée adverse ou quand nos compagnons attendent sagement au fond d'une grotte qu'on fasse le ménage à l'entrée. Et que dire, que dire, de ces bases dupliquées à l'extrême sans la moindre honte de l'emplacement des objectifs jusqu'à la routine des antagonistes et le nombre d'ennemis présents dans les lieux. Ou de cette base qui respawn purement et simplement car le jeu a oublié d'en interdire l'accès alors qu'il y en avait pourtant besoin dans la quête principale. L'impression bizarre de jouer à un AA un peu cheapos dans la franchise la plus lucrative de tous les temps.


Une fois que l'illusion de grandeur s'est estompée, difficile dès lors de pardonner au titre ces autres écueils persistants avec en premier lieu son gameplay infiltration / action vraiment perfectible; là aussi, Ubisoft ne semble pas considérer comme nécessaire de pouvoir ramasser des corps dans un jeu vidéo en 2023 même quand les autres soldats reconnaitront le cadavre à terre et alerteront toute la base simultanément de notre présence car après tout, pourquoi s'emmerder à faire une IA plus évoluée? Ou ces gunfights vite répétitifs avec un arsenal pas franchement inspiré et des archétypes d'ennemis bien peu variés, le boss final se payant même le luxe de n'être qu'une variante renforcée d'un ennemi déjà affronté 100 fois auparavant (c'est vrai que ça manque de créatures intéressantes à affronter sur Pandora, faut les comprendre :p).


Et ces dialogues nom de dieu, ces personnages insipides, cette mise en scène au ras des pâquerettes...Alors oui bien sûr, il y aura évidemment l'inclusivité comme cache misère créatif, l'inévitable scène romantique devenue un incontournable depuis que les Narrative Designer puisent davantage leur inspiration sur les réseaux sociaux que dans des livres de scénarios ou encore l'hystérique asociale aux cheveux violets, histoire que les blaireaux de Twitter se sentent moins seuls. Mais par contre, on ne va quand même pas respecter aussi la Lore du jeu, faut pas déconner non plus. Oui parce que c'est bien beau la diversité mais pourquoi tout le monde parle anglais (ou français) dans ce jeu au juste? Alors qu'on est précisément censé être déconnecté de nos racines et que nos interlocuteurs ne devraient même pas faire l'effort de parler la langue de l'envahisseur. Mais non, on balance deux phrases Na'Vi dans un flashback histoire de faire bonne mesure et voilà. A côté de ça, le jeu va aussi répéter en boucle les mêmes répliques pour les antagonistes durant leur routine où ils ne cessent de s'insulter mutuellement et de se plaindre de leur ennui; ça tombe bien nous aussi, à moins qu'il ne faille y voir un aveu d'un développeur trop conscient de la vacuité de son travail? :p Quelle misère, en tout cas...Alors qu'à côté de ça, le jeu est bien en peine de nous faire ressentir vraiment l’oppression exercée contre les Na'vis, la difficulté d'une guerre contre un ennemi supérieur technologiquement; non, il faut aller ramasser des fleurs ou aller chasser, quand bien même le craft et la cuisine ne s'avèrent n'être qu'une chimère étant donné la générosité du Loot dans le jeu, tout n'est que vacuité, tout n'est qu'artificialité, tout n'est que perte de temps.


Mais encore une fois, si vous prenez simplement ce jeu pour vous balader sur Pandora, oui cela occasionnera son petit effet durant quelques heures. Ne prenez même pas la peine d'accomplir les quêtes pitoyables (principales ou secondaires) proposées par le jeu et contentez vous d'aller décimer l'envahisseur ou d'explorer les activités qui vous interpellent le plus dans l'environnement (les images mémorielles sont à ce titre une vraie bonne idée). C'est cher payé pour le prix proposé et ce n'est clairement pas digne d'une adaptation d'un film catalyseur en une période troublée du cinéma mais que voulez vous, James Cameron n'avait qu'à mieux choisir à qui proposer sa licence après tout.


Et c'est un rappel efficace qu'il vaut mieux modérer ses attentes envers le futur Star Wars également; du moins tant qu'Ubisoft n'aurait pas décidé de faire un grand coup de ménage dans sa tambouille interne qui commence pourtant déjà à péricliter depuis de nombreuses années, à présent.

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le 24 janv. 2024

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Leon9000

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