"Le seul jeu de rôle que je n’ai jamais terminé"

Mes expériences de jeux vidéo sont liées étroitement à mon père.

Il a vite compris, à la fin de ses études que la technologie progressait à une vitesse phénoménale. Pour lui, le marché du jeu vidéo allait exploser et faire son apparition dans beaucoup de foyers.
Il a commencé à jouer, au moment où « les jeux pouvaient être joués sans faire ramer l’ordinateur et sans nécessiter une énorme configuration », au début des années 90.
Il a toujours eu le nez fin pour dénicher des excellents titres, alors qu’à l’époque il n’avait aucune aide pour l’orienter dans ses choix hormis les jaquettes ou d’obscurs magazines.
Il m’a introduit au jeu vidéo, lorsqu’il a estimé que je pouvais prendre suffisamment de recul sur ce que je pouvais voir devant mon écran, en respectant les limites d’âge et en restant près de moi pour m’expliquer que ce n’était évidemment que de la fiction.
Sans être un joueur phénoménal, il était bon et plutôt patient pour une personne qui n’avait pas grandi avec une manette ou un clavier dans les mains.

Mais un jour, vers mes 10 ans, alors que je lui demande s’il peut me montrer un jeu d’aventure avec une histoire et un univers profond, il a marqué pour la première fois, un temps d’hésitation. Puis, il s’est tourné vers moi et m’a répondu « je pense que j’ai quelque chose pour toi ». Il est alors parti quelques instants (il cachait dans une armoire ses achats) et il est revenu avec une immense boîte rectangulaire où se dessinait un crâne menaçant qui contenait : Baldur’s Gate, son extension, Baldur’s Gate II et Throne of Bhaal avec les livrets respectifs.

Assez interloqué, je commence machinalement à ouvrir la boite et à découvrir son contenu.

Je sors les CD-ROM de Baldur’s Gate et je me dirige vers le vieux ordinateur sous Windows 98, situé dans une pièce sous les toits de la maison, avec une petite lucarne juste au-dessus. Je demande alors à mon père son avis sur le jeu, particulièrement en ce qui concerne la difficulté et l’histoire. Je n’oublierai jamais sa réponse :

« C’est le seul jeu de rôle que je n’ai jamais terminé ».

C’est certainement pour beaucoup d’entre vous une phrase très banale, mais pour un jeune enfant comme moi, ce fut un véritable choc. Mon père a toujours terminé les jeux qu’il commençait pour ensuite pouvoir me les proposer. À ma connaissance hormis à cause de bugs inhérents au jeu, le seul titre qu’il n’a jamais pu terminer, reste Tomb Raider, à cause de la maniabilité et du timing des énigmes (« même en connaissant par cœur, je n’arrivais pas à passer certaines énigmes. À ce moment-là j’ai compris que le jeu n’était pas pour moi et j’ai abandonné »).

À mes yeux, cette déclaration sonnait comme une sorte d’avertissement : ce jeu est différent des autres jeux auxquels tu as pu jouer.

I- Début du voyage

Après l’installation, mon père me laisse à mes occupations et il ne reste dans la pièce plus que l’ordinateur, qui commençait un peu à chauffer et moi. Une légère appréhension commence à germer au moment du chargement. Puis la cinématique d’introduction apparaît. Figé sur mon fauteuil, j’aperçois cette forme gigantesque, menaçante, d’une grande cruauté, qui met fin à la vie d’un pauvre type au sommet d’une tour. Pour la première et la dernière fois de ma vie, mes poils hérissent devant une cinématique de jeu vidéo. Je murmure : « Qu’est-ce qui m’arrive, c’est ridicule, ce n’est qu’un jeu vidéo ».

Puis vient l’écran principal et la musique me fait légèrement sursauter par sa puissance (je baisse instinctivement le son de l’ordinateur pour ne pas déranger mon père) et par le souffle épique qui s’en dégage. C’est bon, je suis complètement captivé en une cinématique et un écran d’accueil. Le crâne menaçant semble me fixer, me jauger et je bouge un peu fébrilement la souris vers le mode un seul joueur. Je découvre alors l’écran de création de personnage.

Et déjà ma relative expérience en matière de jeu vidéo est balayée.

Bien sûr, je comprends qu’il puisse exister des races, des caractéristiques à distribuer. Mais, le système de spécialisation des armes me surprend et je suis complètement perdu pour répartir mes compétences (heureusement que je n’ai pas décidé de faire un mage à l’époque !). Je ne prends pas conscience que cet écran est extrêmement important pour la suite de l’aventure et je crée par sécurité un guerrier. Le jeu se lance alors.

Je me souviens très bien de ma première réaction, lorsque j’aperçois mon personnage et l’écran d’interface du jeu : « Pourquoi je suis en robe, avec un bâton ? ». Les graphismes ne sont pas exceptionnels, et un léger malaise apparaît. Certainement trop gâté par des RPG japonais (Suikoden et Final Fantasy entre autres), je suis surpris par la rigidité du déplacement, de l’angle de caméra et le tutoriel du jeu. Car oui en apparaissant dans Château-Suif, je suis dans le tutoriel.

Je n’ai jamais autant souffert dans un tutoriel.

Je tâtonne pendant 30 minutes. J’essaye de rentrer dans une auberge. Je comprends que je peux acheter des armes, mais certaines me sont interdites, d’autres sont beaucoup trop chères et je dépense bêtement mon maigre stock d’or.
Je ressors. J’essaye de parler aux tuteurs, mais trop inattentif, je ne fais pas attention à leurs sages conseils. Je me balade. On me parle d’un certain Gorion qui m’attends mais encore une fois, je ne prête guère attention aux propos que l’on me tient. Au bout d’une heure, je n’ai pas avancé et je décide de ne pas poursuivre l’aventure.

Je reviens vers mon père et je lui annonce que j’ai décidé de faire une pause (je n’étais pas très fier de mon échec et je trouve une excuse). Il me regarde, semble comprendre que je lui mens, et réponds : « Le début n’est pas facile ».

Il savait que je n’étais pas prêt.

Pour la première fois je subis une déconvenue sur un jeu vidéo.

Je n’ai pas retouché au jeu pendant 2 ans.

J’ai continué à jouer à d’autres jeux de rôle, et j’ai complètement oublié Baldur’s Gate.

II- Le retour

Un jour, je me suis rappelé de cet échec cuisant, et je me suis dit que cette fois-ci j’allais réessayer et réussir à comprendre les mécaniques du jeu. C’était devenu un défi personnel.
Pour me rassurer, j’installe et je lance le second volet de la saga, pour voir si les améliorations valent la peine. Après la claque de la cinématique du début, je ne lance pas de partie, je désinstalle le deuxième opus et j’installe cette fois-ci le premier volet.

Le crâne me fixe toujours et je jure que son regard est devenu moqueur, comme s’il me souhaitait un bon retour, un sourire en coin.

Retour à Château-Suif, mais cette fois-ci j’essaye de m’accrocher. Je crée un personnage solide au corps-à-corps, une solution qui a toujours fonctionné pour moi.

Sauf que Baldur’s Gate n’est pas un jeu comme les autres. Je vais vite l’apprendre à mes dépens.

Une fois libre de mes mouvements, j’essaye de rester sur l’écran du personnage pour comprendre les nombreuses données chiffrées.

Et c’est au départ un calvaire.

Je n’ai pas connu la célèbre licence Donjons & Dragons sur papier. Mon père n’a jamais été un "rôliste", même s’il possédait quelques produits de l’univers de Warhammer et Warhammer 40 000 (ce que je découvrirai bien plus tard). Les notions de CA, de THACO, de round, me paraissent incompréhensibles et je suis complètement perdu.

Pourtant je me lance, je fais un jet de caractéristiques qui me paraît bon. Je mets tout en force et en constitution, j’oublie complètement la dextérité. Je parle avec les moines, et patiemment je les écoute, puis j’effectue le tutoriel pour essayer les contrôles. Je prends confiance, et je me dirige fièrement vers Gorion, le père adoptif de mon personnage, qui semble complètement paniqué et me demande si je suis prêt à partir.

Trop heureux, j’accepte et la cinématique débute.

Dans mon for intérieur, je jubile, je suis enfin sorti de cette forteresse qui emprisonne mon personnage, m’empêche d’être libre et de suivre l’histoire.

Et le jeu m’ébranle en me présentant la cinématique suivante.

J’ai connu des jeux de rôle avec de la violence. Suikoden II par exemple propose des moments tragiques dans son récit. Mais le combat de Gorion est d’une violence inouïe parce que le personnage est présenté comme un sage, qui a su traverser les époques et dont l’intelligence n’a que très peu d’égal dans ce monde. Il est perçu comme immortel.
Gorion sait pourtant d’avance qu’il va perdre et me donne l’ordre de m’enfuir. Sous une pluie d’effets visuels magnifiques, il brûle, pétrifie et fait exploser ses adversaires. Mais cela ne suffit pas à résister à la puissance physique de ce mystérieux personnage en armure, qui me met de plus en plus mal à l’aise (la voix française est excellente).
Il meurt, et je me retrouve seul.
Un court texte apparaît, et cette silhouette en armure devient instantanément mon némésis.

Je suis rejoint par une certaine Imoen, et je me rappelle que Gorion m’avait indiqué de rejoindre l’auberge de Brasamical (excellente traduction vu le contexte du jeu), pour rejoindre des amis à lui.
Je passe donc l’écran de départ et j’aperçois dans l’écran de transition la fameuse auberge, grisée. Je passe donc à l’écran suivant. Un mystérieux personnage, tout de rouge vêtu et avec un chapeau m’aborde. Il semble être amical et m’indique que l’auberge est au nord.
Je décide avant de partir de visiter la carte. Plus à l’est j’aperçois un danger.

Un ogre.

« Pourquoi il y a-t-il un ogre dès la deuxième carte du jeu ? ».

Pas le temps de réfléchir, je sonne l’assaut. Confiant, je me rapproche avec mon héros.
Cinq secondes plus tard, je prends un coup et je m’effondre.
La peau de mon personnage se transforme en sable et comme ma confiance, s’évapore.

Je tourne la tête et par la petite lucarne de la pièce je me rends compte que la nuit est tombée.

J’ai envie d’abandonner une deuxième fois.

Pourtant c’est la réaction inverse qui va se produire. Je quitte la pièce et je prends avec moi le livret du jeu. Comme un damné, je vais passer le reste de la soirée et une partie de la nuit à lire ce fameux livret.

À une époque pas si lointaine, les livrets fournis avec les boîtes de jeux vidéo faisaient au minimum une trentaine de pages. Le livret de Baldur’s Gate I édité par White Label en fait 160.

Et ce livret ou devrais-je dire ce livre, va me faire évoluer en tant que joueur de jeu vidéo.

À partir de ce moment-là, je vais analyser chaque page, chaque information fournie, pour pouvoir reprendre par la suite mon aventure. Et chaque chapitre, chaque intervention de Volo et de Elminster (deux personnages de l’univers dont les interventions dans le livret sont un joli clin d’œil pour les anciens joueurs des jeux sur papiers), me font comprendre l’envergure du projet Baldur’s Gate. Avec mes yeux d’enfant, je le trouve complètement vertigineux.
Petit à petit, je perce les mystères des mécaniques du jeu. Je comprends que la dextérité est importante pour un guerrier pour éviter les coups, que la CA doit être la plus basse possible, ou que la spécialisation des armes améliore les dégâts et les chances de toucher. Et toutes ces notions vont changer radicalement mon expérience sur le jeu.

Avant de reprendre ma partie je décide de terminer ma lecture et de prendre spontanément des notes sur un petit cahier pour m’aider par la suite.

Ma transformation en tant que joueur est achevée.

Troisième tentative donc, mais j’applique à la lettre ce que j’ai pu retenir. Je passe littéralement une heure et demie devant l’écran de création du personnage. Puis, satisfait, je reviens à Château-Suif.

Les mots de Gorion avant le départ prennent alors une autre tournure. « Êtes-vous prêt mon enfant ? ». Plus qu’une interrogation, c’est un avertissement des développeurs aux joueurs trop chevronnés. Oui j’ai pris conscience que le jeu va demander un investissement total. Mais, je veux aller jusqu’au bout.

Pour voir si tout cela en valait vraiment la peine.

III- L’aventure principale

Devenu très prudent après mes mésaventures, je commence à savourer petit à petit le système de combat qui demande à la fois de l’organisation pour gérer le groupe mais aussi une certaine réactivité. La licence n’est pas avare en informations et les données affichées durant les combats sont capitales. J’écris chaque nouvelle information sur mon petit cahier.

La touche de sauvegarde automatique devient mon ange gardien et à chaque combat remporté, je martèle le raccourci clavier. Tel un fugitif j’explore très prudemment les cartes et je m’aventure rarement en dehors des sentiers battus. Parfois je tente de me balader vers des cartes éloignées de l’histoire principale. Mais, entre l’ogre, ma première rencontre avec les sirènes (où je découvre les sorts néfastes de charmes), ou celles avec des archers en armures noires qui mitraillent mes compagnons, la prudence prend le pas sur ma témérité.

Pourtant l’univers du jeu m’attire beaucoup, mais je refrène mes envies d’aventures pour me focaliser sur l’aventure principale.

Me voilà à l’auberge de Brasamical. Rien ne sera épargné à mon héros qui se fait attaquer par des chasseurs de primes qui tentent de l’assassiner.

Depuis la cinématique de Gorion, j’ai vite compris que les mages pouvaient être redoutables. Il ne fallait surtout pas que je laisse une ouverture. Tel un rugbyman, je fonce à toute vitesse sur le premier assassin qui m’attend devant l’auberge. Mon héros maîtrise son arme et il foudroie mon assaillant. Je serre légèrement le poing.

La longue création de mon personnage porte ses fruits.

Dans l’auberge je rencontre Jaheira et Khalid. Ils me paraissent immédiatement sympathiques et ce sont les amis de Gorion. J’accepte leurs offres pour m’accompagner et Jaheira m’indique le prochain objectif, les mines de Nashkel.
En me dirigeant vers la mine, je me rends compte au cours d’un combat que mon héros n’arrive plus à toucher ses ennemis. Juste après je me rends compte que son arme est brisée.

Je m’exclame : « J’ai acheté l’épée il y a une heure à peine, pourquoi est-elle cassée ? ».

Immédiatement je saisis mon livret et je me rends compte que le scénario du jeu parle justement d’une pénurie de fer dans la région.

Mon esprit s’éclaire et je maudis les développeurs :

« Ils n’ont quand même pas inclus cette mécanique dans le jeu ? ».

Voilà je me prends directement dans la gueule, les conséquences du scénario. Si je ne règle pas ce problème, mon groupe va se retrouver en fâcheuse posture sur le plan financier et en combat.

Chez moi, il fait de nouveau nuit. Je ne me suis pas rendu compte que les heures défilaient.

Cela va devenir une habitude avec la licence Baldur’s Gate.

Je reprends mes aventures. Je me retrouve à Bérégost. Je visite tout ce que je peux, en essayant tant bien que mal d’aider les citoyens de la ville en acceptant leurs quêtes. Même pour des ivrognes qui m’insultent à l’entrée d’une taverne. Je rencontre Kagain. Il me promet de l’or. Je manque vraiment d’argent (foutue contamination du fer). J’accepte de l’aider. Commence alors une quête anodine mais qui va avoir des répercussions inattendues sur moi.

La quête est très mal traduite sur la version française du jeu. Comme moi, beaucoup de joueurs n’ont jamais réussi à la terminer et devaient faire face à la colère de ce satané nain, qui débouchait toujours par son départ du groupe. Or, j’ai toujours détesté lâcher un personnage. Malgré toutes mes recherches, mes voyages incessants dans les cartes alentour, la quête ne se termine pas et Kagain me lâche à chaque fois. Excédé je prends une décision radicale.

Je cherche une solution.

Je commence à fouiller dans les magazines de mon père, pour chercher la moindre bride d’information sur le sujet. Mais, j’ai 12 ans de retard et aucun magazine ne propose de solution pour cette quête qui commence à m’agacer. Dépité, je me lance alors dans la recherche sur l’ordinateur.

C’est un cliché dit et répété, mais à une époque pas si lointaine, il n’était pas si simple d’aller sur Internet. Il n’y avait pas toujours de la Wi-Fi, pas d’abonnement chez Free, ni de haut débit. En 2007, à la campagne, Internet commençait à peine à émerger et je n’avais qu’un PC fixe.
J’étais donc un néophyte en la matière. Après environ 10 minutes pour que ma recherche aboutisse (le bon vieux temps des chargements des pages Internet), je tombe sur le premier lien : « L’Expérience Baldur’s Gate ». Je clique et je découvre le site de référence sur le jeu. Je suis émerveillé par la présentation du site. Je suis à peine un adolescent, mais je prends conscience d’une chose. Quelque part, quelqu’un a décidé de passer beaucoup de temps sur sa passion pour pouvoir la transmettre aux autres. Je réalise qu’Internet est une opportunité incroyable pour échanger des informations et pour s’instruire.

Je trouve ma solution et je remercie intérieurement le créateur.

À l’heure où j’écris cette critique, j’en profite pour également coucher par écrit mes remerciements.
Merci à toi Lord Try. Sache que même si tu es aujourd’hui beaucoup moins présent sur Internet, ta contribution aura eu un impact sur ma vision de ce média et sur la transmission de connaissances.

Mon aventure peut reprendre. Je me dirige vers Nashkel. Au détour d’une quête je prends suffisamment d’expérience pour prendre un niveau. Ce petit +, me procure une grande satisfaction. Je suis récompensé par le jeu. Je deviens plus résistant, plus habile, et dès les prochains combats je perçois la montée en puissance de mes personnages, une notion qui a toujours était maîtrisée tout au long de la licence.

Comme quoi, il suffit de peu de choses pour rendre un joueur satisfait.

Une bande de grouilleux n’est plus si dangereuse, un combat avec un demi-ogre est tout à fait envisageable. Mais, il faut rester méfiant dans Baldur’s Gate. La mort rôde à chaque carte, voir entre une transition de carte.

Arrivé à Nashkel, la cinématique du chapitre 2 s’enclenche. Mon groupe est exténué à cause des longues heures de marche. Je décide de dormir dans la première auberge. Manque de bol un assassin avait prévu mon arrivée. Je commence à comprendre la place de mon groupe dans l’histoire et dans l’univers du jeu. Je dérange des factions importantes.

Poursuivant la découverte de la carte, j’ignore complètement le célèbre Minsc, car mon personnage principal est déjà un guerrier. Je me dirige vers le pont et je rencontre ce qui deviendra pendant toute la saga, mon magicien, Edwin. Toujours très agréable, il me demande ou plutôt m’ordonne, d’aller tuer une sorcière dans une forteresse. Je n’ai pas oublié mes problèmes avec Kagain et je fais de cette quête ma priorité.

Après de nombreux affrontements et de nombreuses recharges (la forteresse grouille littéralement de gnolls), j’arrive à atteindre la fameuse sorcière. Surprise, c’est un personnage qui peut être recruté. Elle m’implore de la libérer. Edwin hurle et souhaite l’éliminer immédiatement.
Me retrouvant pour la première dans un jeu vidéo devant un choix pouvant entraîner la mort d’un personnage recrutable, je prends 5 minutes pour faire mon choix.

Je réfléchis : « Sérieusement, ils (les développeurs) m’obligent à prendre une décision pareille ?* ».

Je décide avec un pincement au cœur, d’être fidèle à ma première rencontre.

Mon groupe est constitué et la formation restera la même durant toute la saga : 3 guerriers, un voleur, un druide ou un clerc et un magicien.

Tout au long du jeu Edwin et Jaheira me permettront de découvrir petit à petit l’étendue des capacités des lanceurs de sorts. Très fragile au début de l’aventure, Edwin me sauvera par la suite à de nombreuses reprises grâce à ses sorts offensifs tandis que Jaheira sera ma soigneuse. Tout au long du jeu j’expérimente tous les sorts que je découvre, mais c’est vraiment sur la fin de l’aventure que je commence à comprendre la puissance d’un mage (coucou nuage mortel).

Je retourne à Nashkel pour vendre mes nombreux butins. Je découvre aussi que certains objets ne peuvent pas être identifiés par mes personnages. Je profite de mes ventes pour dépenser un peu d’or dans ce service auprès d’un marchand. Après avoir écarquillé les yeux avec la découverte des fabuleux gantelets de dextérité, je me dirige vers les mines de Nashkel.

Je me fraye un chemin dans les mines. Je découvre la personne à l’origine de la contamination du fer et je cesse ses agissements dans la région. Je découvre après un féroce combat, un coffre comportant des documents précieux pour la suite de l’histoire.

Le scénario prend encore une nouvelle ampleur. La personne abattue n’était qu’un pion sur l’échiquier.
Un nouveau chapitre s’enclenche, tout comme la prochaine phase de l’histoire.

J’apprécie le scénario de Baldur’s Gate. C’est une bonne porte d’entrée pour des personnes qui ne sont pas familières à l’univers de la licence Donjons & Dragons, avec beaucoup d’intrigues politiques et des oppositions qui montent petit à petit en puissance. Même si en tant que jeune joueur, je n’ai pas immédiatement compris tous les enjeux tissés par les développeurs, l’écriture à elle seule suffit à me captiver. Dans le même temps, j’ai envie de découvrir les nombreuses cartes du jeu et je suis plus confiant en mes capacités.

Les journées sur le jeu défilent tout comme les rencontres mémorables (les premières araignées, Bassillus, Mélicamp, les terrifiants Ankhegs, les ogres mages, la carte magnifique des basilics, Ulcaster, la quête de Prisme, Viconia, Shar-Teel, Kivan, Ajantis, l’extension du jeu avec la Tour de Durlag qui mériterait à elle seule une critique entière).

J’ai envie de tout fouiller, de tout découvrir. J’établis des stratégies face à des adversaires. Je note chaque décision prise durant les quêtes. Je commence à faire des schémas des cartes que j’ai visitées. J’indique chaque pièce d’équipement trouvée. À l’époque je ne prends pas trop conscience du phénomène.

Je suis tout simplement sous le charme du titre, alors que le jeu va bientôt fêter ses 10 ans.

L’histoire principale s’accélère. J’affronte des bandits dans leur campement puis je fonce vers les fameuses mines de Bois-Manteau en passant par un bois qui contient certainement les cartes les plus éprouvantes du jeu : beaucoup de pièges, d’embuscades et surtout les nombreuses espèces d’araignées qui rôdent dans cet environnement. Leur design est assez terrifiant et je me souviens encore aujourd’hui des sueurs froides qu’elles ont pu me provoquer.

Une fois l’intrigue des mines achevée, je peux atteindre la ville de Baldur’s Gate.

Quel souvenir mémorable !

À peine la superbe cinématique passée que je suis abordé par le mystérieux sage qui est toujours intervenu pour me donner une indication sur la suite de ma quête.

Elminster.

Toujours au courant de toutes les histoires les plus importantes, il me conseille d’être prudent et me donne le nom de personnes à qui je peux faire confiance. Puis, il me laisse et je me retrouve avec mon groupe.

La ville est gigantesque et tentaculaire : chaque maison peut être visitée, les magasins regorgent d’objets fabuleux et les plus grandes forces politiques du jeu sont présentes.

Raconter les quêtes de la ville de Baldur’s Gate prendrait des dizaines de pages. Même les quêtes les plus anodines sont bien écrites. Je cite quand même quelques quêtes inoubliables.
Arkion le nécromancien. Brevlik et son fameux télescope. La Guilde des Voleurs. Marek et Lothandre avec leur tentative d’empoissonnement. Nadarin et son basilic supérieur. Pétrine et son chat. Desreta et Vaï-Vaï avec le gantelet des ogres. L’auberge de l’heaume et de la cape avec le combat dantesque qui s’y déroule. Les jumelles et le croque-mitaine. Degrodel et la quête du heaume de baldurien. La quête des prêtresses d’Umberlie pour essayer de ramener le corps d’un jeune garçon. Sashentar et son enquête sur la guilde des marchands. Puis le bouquet final : Ramazith et la nymphe, une quête complètement folle qui se termine par une course-poursuite à travers une tour remplie de monstres, qui parle d’esclavage, de harcèlement sexuel, d’abus de pouvoir et de la solitude lorsqu’on quitte son foyer. Tout ça dans une simple quête annexe.

Je pense qu’à la lecture de certains noms, des souvenirs vont ressurgir pour certains.

La quête principale n’est jamais très loin également, et mon héros se retrouve au centre d’une gigantesque lutte pour le pouvoir. On me demande de revenir à Château-Suif pour espionner le régime en place : le Trône de Fer.

Me revoilà dans le lieu où tout a commencé. Je ne suis plus le même et le lieu non plus.

Quelque chose cloche.

On me rappelle qu’aucun affrontement ne peut avoir lieu au sein de ce lieu sacré. Je prends note de cette information. Je rencontre mes anciens tuteurs, qui en profitent pour rappeler des anecdotes sur l’enfance du héros, ce qui épaissit encore un peu plus l’histoire du personnage principal. Je rencontre un certain Koveras, puis je me dirige vers les dirigeants du Trône de Fer. Je repars après avoir glané des informations pour continuer à visiter les lieux.

Toujours ce sentiment de malaise à chaque pas que j’effectue.

Soudain, un garde hurle et se dirige vers moi. On m’accuse d’avoir assassiné les dirigeants du Trône de Fer.

Une conspiration de plus, sauf que là que je suis dans de beaux draps. On me jette en prison et mon exécution est proche. Grâce à une aide extérieure je m’échappe tant bien que mal. Au détour d’un affrontement féroce avec 3 basilics supérieurs (sérieusement les développeurs ?), je découvre le nom du conspirateur qui n’était d’autre que Koveras. On me révèle ensuite sa vérité identité : Sarevok.

Je reviens vers les portes de Baldur’s Gate, mais je ne suis plus le bienvenue. Je fais quelques pas et je suis accusé du meurtre d’un officier. Je m’échappe encore grâce à un tueur d’enfants (je suis sérieux), et je dois me cacher.

J’apprends que Sarevok est au cœur des tensions de la ville, qu’il assassine tous ses opposants politiques et qu’il est proche de devenir duc de la ville grâce à une cérémonie officielle. Il veut devenir le prochain Seigneur du Meurtre. Pire encore, il est un enfant de Bhaal, le Seigneur du Meurtre. Je découvre que le père de mon héros est aussi Bhaal.

Sarevok est donc le demi-frère du héros et je suis le fils d’un dieu !

Derrière mon écran, j’écarquille les yeux. À 12 ans je suis complètement absorbé par le récit, enivré par l’écriture. Je suis abasourdi par toutes ses révélations.

J’interviens au milieu de la cérémonie. Je me fige. J’aperçois une forme en armure. Sarevok a donc tué Gorion !

Je dévoile le complot de Sarevok qui a pris le temps d’expliquer sa manipulation politique : la pénurie de fer, les assassinats d’opposants étaient savamment planifié afin de plonger la ville de Baldur’s Gate dans le chaos et provoquer un conflit armé avec d’autres royaumes.

Je sauve les derniers membres politiques importants d’un carnage orchestré par Sarevok. Sur le point de se faire démasquer, celui-ci décide de m’affronter. Il est surpuissant, mais décide de s’enfuir après un bref échange.

Tout s’enchaine. On me téléporte vers la Guilde des Voleurs, où j’apprends que Sarevok s’est enfui dans un souterrain qui mène vers Ombre-Ville une ancienne ville où ils ne restent que des morts-vivants. Un immense temple de Bhaal est érigé. Le souterrain est un labyrinthe monumental. Je trouve enfin la sortie et je tombe sur le mentor de Sarevok : il m’explique qu’il m’attend dans un autel pour m’affronter. Son ambition démesurée lui a fait perdre la tête. Il se croit l’égal d’un Dieu.

Je sors du labyrinthe. La cinématique se lance. Les grilles d’un temple s’ouvrent, et le crâne menaçant réapparaît. Le lieu est oppressant et en même temps superbe.

Après un dernier affrontement je pénètre dans le temple.Mon némésis est là, je fais quelques pas, mais j’avance sur le fameux crâne.

Je meurs instantanément à cause des pièges. Je grimace.

Jusqu’au bout ce crâne ce sera moqué de moi.

Je recharge et je contourne le crâne.

Sarevok est là.

Un bref dialogue se lance. Le conflit qu’il avait prévu d’orchestrer entre la région de Baldur et les autres royaumes n’avait qu’un seul objectif : générer un gigantesque massacre pour lui permettre de revendiquer le trône du Seigneur du Meurtre.

Je reprends mon souffle, le scénario de départ et ma fuite de Château-Suif semblent bien loin.

L’affrontement est inévitable.

Sarevok est accompagné de ses meilleurs hommes et le combat est dantesque. Tout va y passer : mes sorts, mes potions, mes baguettes. Après 30 minutes de combat et plusieurs recharges, Sarevok tombe enfin alors que mes héros sont proches de la mort.

Un très court texte m’annonce ma victoire. La cinématique se lance.

Mon adversaire si intimidant même dans la mort commence à disparaître. Les particules qui se dégagent de son corps se dirigent vers une petite ouverture dans le sol qui s’enfonce dans les profondeurs. Un flash, puis une statue représentant Sarevok apparaît puis explose.
La caméra remonte et une immense tour remplie d’autres statues apparaît. Au centre la forme du crâne se forme dans un feu incandescent.

Je viens de terminer Baldur’s Gate.

IV- Conclusion

Je ferme les yeux quelques instants et je repousse mon fauteuil. Je ne réalise pas tout de suite que je viens de mettre fin à une aventure vidéoludique de plus de 2 ans et demi. Je suis persuadé que Baldur’s Gate est un titre marquant et que la fin de cette aventure marque la fin d’une belle histoire.

Ce n’était en fait que le commencement.

Elminster
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le 17 nov. 2022

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“Chaque époque engendre son héros.”

Les éditeurs prennent parfois des décisions incompréhensibles. Trop souvent, il arrive que de superbes titres (Shining force III, Mother 3, Seiken Densetsu 3, les premiers jeux de la licence Yakuza),...

le 17 nov. 2022

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