Baldur’s Gate, c'était le bon vieux temps ! Entre une lecture de Tolkien et une partie d'HeroQuest, quoi de mieux pour rassasier l'appétit vorace d'un adolescent éprit de fantasy ?
A l’instar d’un bon Livre dont vous êtes le Héros, Baldur’s Gate c’était surtout la capacité propre au support vidéo-ludique de jouer - avec facilité et en solitaire - dans un merveilleux monde de fantasy ! Mais en plus ici, la manière dont le jeu est construit nous donnait aussi ce sentiment de vivre une grande aventure en groupe « façon Tolkien ».
Et vous constaterez au fil de cette critique que je ferai parfois référence à l’œuvre de Tolkien. Pas pour comparer Les Royaumes Oubliés d’Ed Greenwood (le décor de campagne de D&D dans lequel se déroule BG) avec la Terre du Milieu (ça serait peu utile et incongru) mais pour mettre l’accent sur ce que BG a en commun dans l’expérience ressentie par le joueur avec celle que l’on peut vivre à la lecture d’un Seigneur des Anneaux ou d’un Hobbit, par exemple. D’ailleurs, qu’est-ce que Donjons et Dragons à la base si ce n'est pour beaucoup de joueurs, l'envie de vivre ou revivre un Seigneur des Anneaux à leur façon ?
Vous constaterez aussi que je comparerai souvent BG avec son successeur (et d’autres titres proches) pour mieux mettre en lumière les qualités de ce premier volet.
1. Les Royaumes Oubliés sous la magie d’un moteur
A la base de mon amour pour Baldur’s Gate, il y a d’abord l’Infinity Engine, le moteur de jeu en 2D isométrique, couplé au talent des artistes de Bioware.
Aujourd’hui encore, sur des critères purement artistique et esthétique, bien peu de titres modernes peuvent se targuer à mes yeux d’arriver à la cheville de Baldur’s Gate et de tous ses successeurs sous ce moteur. L’Infinity Engine possède ce charme magique et quasi-mystique incomparable, à la fois minimaliste et archétypal, qui vient stimuler et sublimer notre soif d’imaginaire et d’imagination.
Cela fait de Baldur’s Gate une œuvre beaucoup plus proche en essence d’un jeu de rôle papier ou de la littérature, par ce travail sur l’esprit du joueur, par rapport à ce que nous offrent aujourd’hui des représentations d’univers ultra-détaillées en 3D (et qui empruntent désormais beaucoup plus aux codes du cinéma).
On pourra aussi constater que tous ces titres sortis sous un moteur en 2D isométrique (comme les premiers Fallout également) résistent beaucoup mieux au temps. Là où d’autres en 3D, parfois considérés comme plus « modernes » ou plus « beaux » durant leur génération, ont beaucoup moins bien vieilli…
A ce propos, je n’ai jamais accroché à l’Aurora Engine (le successeur 3D de l'Infinity Engine) avec des environnements que je trouvais vraiment laids (même pour l’époque !).
Outre cette représentation visuelle à la saveur esthétique incomparable, et quand bien même je viens juste de dire que Baldur’s Gate se rapprochait en essence du genre littéraire, tout le travail sur l’imaginaire et l’imagination du joueur sera paradoxalement renforcé par la concision des dialogues, des descriptions ou des interactions textuelles avec les personnages non-joueur.
Cette concision des dialogues de Baldur's Gate, (ou le fait que beaucoup d'éléments soient juste esquissés et dans la suggestion comme le passé de nos compagnons d'aventure, par exemple) nous permet là encore de laisser notre imagination travailler comme le ferait un livre (voir même de s'inventer une histoire dans l'histoire) mais sans la contrainte d'avoir un pavé de lecture hyper descriptif sur notre écran à chaque interaction !(comme cette critique)
Car le support vidéo-ludique permet quand même une autre interactivité que celle de juste lire un livre (ou celle de regarder un film comme on pourrait le dire de certains jeux modernes).
Pourquoi décrire au travers des dialogues ce que l'on peut laisser à l'appréciation du joueur avec ce que l'on nous montre à l'écran ? Par les animations, le rendu des personnages, la modélisation des décors, etc.
Car c’est bien là que l’Infinity Engine démontre tout son pouvoir !
Il ne faut aussi jamais oublier que l’on joue à un jeu pour jouer à un jeu ! Pour être l’acteur d’une aventure ! Etre dans l’action. Pas pour lire un livre ou regarder un film.
Par exemple, j’aime beaucoup Planescape Torment (sorti un an après BG) pour beaucoup des raisons qui font que les gens l’aiment aussi (un univers atypique et renversant, une très bonne histoire et des personnages inoubliables, entre autre). Mais ce que je peux notamment lui reprocher, c’étaient les « murs textuels » auquel le joueur avait le droit à chaque interaction. Planescape : Torment sacrifie beaucoup trop sur l'autel du textuel, du verbeux et du descriptif (avec souvent une redondance d’informations pour ne rien arranger).
Malheureusement pour moi, l'adulation dont PS : T fait l'objet en fera le maitre étalon bien des années plus tard pour des productions qui voudront renouer avec cet âge d'or du RPG occidental. Des productions comme Pillars of Eternity et Tyranny où l'on ne peut pas avancer d'un pouce sans être littéralement stoppé par une muraille de matière textuelle et descriptive « à vous éclater les yeux ! ».
On pourrait reprocher à BG ses quêtes secondaires qui tiennent sur un post-it mais il possède tout de même une écriture soignée et surtout suffisamment concise pour ne jamais être rébarbative. Une concision d’écriture dans BG qui permet aussi de ne jamais prendre le pas sur les deux autres moteurs du gameplay que sont l'exploration et les combats.
Et c’est aussi ce que je pourrais reprocher à PS : T: ses combats pas folichons ! BG et PS : T sont pourtant basé sur le même système de règles de D&D et le même moteur. Mais PS : T est sorti trop tôt selon moi, sans bénéficier du recul nécessaire, ni de l’expérience de l’équipe de Baldur’s Gate sur l’adaptation de ces règles au travers de l’Infinty Engine.
Car Donjons et Dragons est un jeu de rôle qui fait une place centrale aux affrontements par l'étendue voir même la complexité des règles de combats (héritage des jeux de batailles historiques dont il découle).
Avant cette critique, j'ai rouvert le manuel des joueurs d'Advanced Donjons &Dragons 2nd Edition (règles sur lesquelles se basent BG).
Eh bien, figurez-vous que je trouve le tout encore plus indigeste qu'à l'époque !
Tous ces chiffres et ces tableaux ! Même une déclaration fiscale me semble plus douce… Je me souviens surtout de quelques parties autour d’une table où je trouvais que le système cassait l’amusement par sa trop grande complexité (bon, en même temps j’étais un adepte de Warhammer, qui n’était pas vraiment plus simple).
Selon moi, la transposition des règles d’AD&D par le biais du média vidéo-ludique permet surtout d’éviter la lourdeur mécanique du système tout en préservant la complexité qui fait sa richesse. L’adaptation de ces règles par BioWare dans la saga Baldur’s Gate, - en optant pour le temps réel avec pause active (au lieu d'un véritable tour par tour) - délivre une expérience de jeu fluide, très plaisante (et non stressante) où les rouages et mécanismes de ces règles n'apparaissent plus comme une contrainte au travers de son superbe moteur de jeu (avec des effets de sorts toujours aussi grisants : boules de feu, éclairs, projectiles magiques).
Mais l’essence originelle d’un Donjons et Dragons c’était aussi ses concepts de « dungeon crawler », de « hack’n slah » et de « porte-monstre-trésor ».
Dans Baldur’s Gate, ces concepts se retrouvent sublimés par la Tour de Durlag qui vaux toujours son pesant de cacahuètes !
Outre sa grande cohérence scénaristique et un design sublime qui sait se renouveler à chaque niveau, ses ennemis costauds nous obligent à bien planifier notre stratégie et à nous adapter. Et il y a aussi des énigmes ! Qu’elles soient basées sur les dialogues ou sur l’environnement d’un jeu, j’ai toujours adoré les énigmes car elles apportent une expérience cérébrale différente par rapport à la planification tactique des affrontements. C’est l’un des aspects ludiques que j’aimerais voir beaucoup plus souvent dans des RPG occidentaux modernes à la The Witcher par exemple. Rajouter à la Tour de Durlag ses nombreux pièges et vous obtenez un excellent « porte-monstre- trésor » comme pouvait l’être une bonne partie d’HeroQuest !
Mais Baldur’s Gate est bien plus qu’une simple transposition des règles avancées de Donjons et Dragons. Et ce n'est pas un hasard lorsque l'on découvre que les architectes de ce BG sont avant tout des rôlistes où l'influence de ce média, à la fois vivant et convivial, va se faire ressentir bien au-delà des simples mécaniques de gameplay.
2. Son héros, ses compagnons d'aventure et le souffle épique du voyage
Le jeu de rôle c’est d’abord le choix du rôle. J’adore The Witcher par exemple (et là encore pour un tas de raisons) mais l’appellation « jeu de rôle » dans son cas ne me semble pas complètement justifiée. La possibilité de créer et d’incarner l’avatar de son choix (dans les limites du système) reste quand même un élément fondamental de tout jeu qui se prétend « de rôle ».
Mais Baldur’s Gate c’est surtout la possibilité de recruter des compagnons d’aventure. Outre le fait d’avoir là aussi la possibilité du choix, que serait un voyage épique sans eux ? Seigneur des Anneaux, Jason et les Argonautes, l'Odyssée,... C'est aussi la première chose qui se produit lorsque l'on se réunit entre amis autour d'une table pour un jeu de rôle papier !
C'est encore un point basique mais fondamental qui fait de BG une expérience - en solitaire face son écran - très différente d'un jeu dit « de rôle » où l’on ne dirigerait que le seul héros avec des compagnons de passage sur quelques quêtes.
Une expérience qui par les différences, la complémentarité et la personnalité des personnages recrutés va donner l'illusion de vivre une grande aventure à plusieurs, façon Communauté de l’Anneau.
Et pour continuer sur cette comparaison, beaucoup d’éléments vont aussi contribuer à l'illusion d'un long voyage épique en groupe façon Communauté de l’Anneau, notamment grâce à l’architecture du monde qui nous est offerte.
D'une part, parce que les différentes zones qui composent le monde de Baldur’s Gate sont d'une très grande cohérence entre elles. Elles conservent surtout une grande cohérence lors du passage entre deux zones contiguës (et je vous laisse le soin de découvrir sur « la toile » le résultat quand toutes ces zones sont collées bout à bout). De plus, elles se débloquent progressivement et naturellement au fil de notre exploration, créant ainsi l'illusion d'un véritable « monde ouvert » continu et cohérant, tel que l’on pourrait en concevoir aujourd’hui.
D'autre part, bien que dicté par les limitations techniques de l'époque, ce découpage en zone avec temps de chargement renforce encore l’illusion d'un long voyage grâce à l'affichage du temps écoulé lors de la transition d'une zone à l'autre.
On avait surtout ce sentiment pour l'époque de parcourir librement des contrées sauvages, boisées et verdoyantes, avec tous leurs dangers. Arrivé en ville, on avait aussi le droit au réconfort de l’auberge du coin. Et les rumeurs au travers des boissons ajoutaient encore à l’immersion dans ce voyage (comme les hobbits quittant la Comté pour Bree, en s’arrêtant à l’auberge du Poney Fringant avant de repartir pour Rivendell).
Ce souffle épique d’un voyage - dans sa cohérence, sa continuité et sa temporalité - est un point fondamental dans l'expérience ressentie par le joueur (comme me l’avaient déjà démontré les deux premiers Fallout).
Malheureusement pour moi, dans le deuxième volet, BioWare fera le choix radical d'instancier son univers avec des zones thématiques (face à certaines critiques émises à l’époque sur le fait que les différentes zones traversées pouvaient se ressembler et étaient relativement pauvres en points d'intérêts).
Certes les zones dans Baldur’s Gate 2 sont plus riches du point de vue de la scénarisation des quêtes secondaires et bénéficient aussi d'une plus grande diversité et d’une identité thématique forte et bienvenue. Mais elles sont aussi éloignées géographiquement sans « zone de transition ». Plus regrettable que tout, l'ellipse du voyage n'est pas matérialisée sur la carte du monde quand bien même l'affichage du temps écoulé est conservé.
Le choix de « compartimentage » du monde du jeu sans « zone de transition » dans BG2 crée un contraste fort lors de la transition d'une zone à l'autre et provoque un effet de téléportation brutale qui casse complètement le souffle épique d'un long voyage continu et cohérent tel que je l'ai qualifié plus haut.
A mes yeux, ce changement radical est surtout dû à cette peur maladive du vide qui lasse les plus impatients s’ils ne sont pas constamment dans l’action (mais admirez-moi ces parterres de fleurs et ses papillons !).
Cela va faire grincer des dents les afficionados de BG2 (sachant que beaucoup de joueurs considèrent le deuxième volet comme meilleur) mais c’est l’une des raisons qui fait que j’apprécie moins BG2 (que je trouve seulement plus copieux). Pire, comme je l’expliquerai plus loin, cette approche modulaire et compartimentée va avoir un effet désastreux sur la quête principale offerte dans BG2.
3. Une bonne intrigue qui n'est pas sacrifiée sur l'autel de l'exploration
Dans sa narration, Baldur's Gate (à l'instar encore une fois des deux premiers Fallout) possède ce qu'un Baldur's Gate 2 fait là encore en beaucoup moins bien : l'exploration d'un monde dans la cohérence et la continuité de la quête principale de notre héros.
Un concept relativement simple à comprendre et à mettre en œuvre dans un jeu dirigiste avec un « monde fermé » et une trame narrative linéaire.
Dans Baldur's Gate, la quête principale (qui consiste dans un premier temps à résoudre le mystère qui entoure la crise du fer et les attaques de bandits qui sévissent le long de la Côte des Epées) est assez générique sans qu'il soit incohérent de vouloir explorer « à droite à gauche » ce qui nous est proposé par le monde du jeu. Quand bien même dans sa quête principale BG reste très linéaire, toutes les quêtes secondaires et l’exploration peuvent s'inscrire aisément dans la logique narrative de ce fil d'Ariane que constitue cette quête principale. Du moins, cela reste vrai avant les derniers chapitres qui vont précipiter les choses en reliant notre situation personnelle aux évènements du monde.
Dans Fallout et sa suite, cette cohérence narrative entre la quête principale et ce que j’appelle « tout le reste » (qui implique donc avant tout l'exploration et les quêtes secondaires) étaient encore plus fortement ressentie car l'objet de la quête principale du héros (trouver la puce d'eau pour sauver son Abri/ trouver le Jardin d’Eden en Kit pour sauver son village) constituait le véritable moteur de l'exploration, de l’enquête et de la découverte. Surtout, on ne vous indiquait jamais précisément où chercher, comme aujourd'hui à coup de « balise GPS » et autres marqueurs (hein Witcher 3 !).
Dans Baldur’s Gate 2, le problème c’est qu’environ 80% de l’exploration du monde du jeu et des quêtes secondaires sont sans lien avec la quête principale, outre le fait d’accumuler 20000 pièces d’or.
En plus de savoir pertinemment que l'on ne fera ne pas progresser l'intrigue d’un pouce tant que l’on n’aura pas réuni cette condition, le pire c’est qu’une fois cet objectif atteint, si on se risque à enchainer la suite (secourir Imoen sur l'ile de Brynnlaw), les évènements nous entraineront dans un long tunnel linéaire et dans une irrémédiable course vers le dénouement… (Plus récemment, je pourrais faire exactement la même critique à The Witcher 3 et on pourrait aussi faire de nombreux parallèles entre ces deux jeux. Le sauvetage de Ciri sur l’Ile des Brumes, entre autre).
En tout cas, Ray Muzyka, l'un des papas de la saga Baldur's Gate, constatera avec regrets cet état de fait avant la sortie de son deuxième bébé mais il était visiblement déjà trop tard pour changer les choses...
Pour moi, le problème vient surtout sur le choix initial du compartimentage du monde du jeu qui est donc, avant tout, construit autour de ses quêtes secondaires…
Pour son monde, BG exploite ce qu’on pourrait appeler le « semi-ouvert/ semi-fermé » : beaucoup de zones y sont explorables librement sans que ce soit incohérent avec la continuité de la quête principale. Beaucoup d’autres sont volontairement cachées et ne seront accessibles qu’à partir d’un certain niveau de l’intrigue comme Bois-Manteau ou encore la cité de Baldur’s Gate, renouvelant pour le joueur le plaisir libre de la découverte et de l'exploration dans ces nouveaux lieux sans sacrifier l’intrigue.
4. Et puis Baldur’s Gate n’est pas une histoire à deux Bhaal !
Boutade mise à part, dans BG tout est construit subtilement dès nos premiers pas dans l’aventure, comme à Château-Suif avec les chantres récitant la Prophétie d’Alaundo ou les assassins envoyés à nos trousses. Pourquoi veut-on notre tête ? Pourquoi le fer se désagrège-t-il ? Existe-t-il un lien entre notre situation personnelle et les évènements du monde ? Autant de questions, autant de suspense ! Et le mystère sera entretenu suffisamment longtemps (sans négliger quelques subtils indices pour nous mettre sur la voie) jusqu’à ce que nos récentes découvertes sur les évènements du monde et la levée du voile sur nos origines relient le tout.
BG aurait pu se suffire à lui-même en tant que récit classique et épique qui vient parachever toute cette prophétie par les morts laissés dans le sillage du héros. On aurait très bien pu envisager d’y placer le trône de Bhaal à la fin qui aurait sonné comme la consécration suprême à toute cette ascension, une fois notre demi-frère terrassé et la bataille pour notre héritage remportée.
Et au titre de récit classique qui le relie à de grands récits mythiques, BG reprend beaucoup des concepts d’écriture et de structure du Héros aux Mille et un Visages de Joseph Campbell.
A contrario, si BG2 brille par ce qu’il offre dans l’écriture de ses quêtes secondaires, son intrigue principale m’apparait comme un énorme détour mal ficelé et Throne of Bhaal comme une prolongation redondante et excessivement « bourrine ».
Entre enquêter sur les mystérieux évènements qui sévissent le long de la Côte des Epées dans BG et accumuler 20000 pépètes d'or pour libérer l'autre garce d'Imoen dans BG2, que choisissez-vous ?
Entre la découverte de nos origines et l'affrontement fratricide qui va relier cette histoire à de grands mythes classiques dans BG ou la course-poursuite d'un mage au plan douteux pour récupérer notre âme dans BG2, que choisissez-vous ?
Vit-on si mal de ne plus avoir d’âme dans BG2 ? Est-il cohérent de pouvoir se transformer en avatar de Bhaal alors que Irenicus vient précisément de voler ce qui fait la source de cet héritage ?
Donc au risque de faire enrager encore plus les fans du deuxième volet, BG m’apparait sans conteste comme étant le plus cohérent, le mieux structuré, le plus passionnant ainsi que le mieux équilibré sous tout rapport !
5. L'équilibre du tout est la recette du maitre
En vérité, il n'y a pas la même approche ou la même philosophie derrière ces deux titres.
Baldur's Gate est avant tout une histoire de survie avec la plongée brutale dans un monde sauvage. C'est particulièrement palpable au début de l'aventure où le premier ours venu peut nous éclater d'un coup de patte. Pour s'en sortir, on dispose de peu (sorts, équipement, munitions,...) et on doit faire au mieux avec intelligence et parcimonie. La montée en puissance de notre personnage y était subtile jusqu'à en devenir grisante au vue de la découverte de nos origines et de l'affrontement final.
Baldur’s Gate 2 est une course à toujours plus de pouvoir et de puissance pour défoncer tous ceux qui se dressent sur notre route. Sans que cette approche soit, pour le coup, incohérente du point de vue de la destinée de notre personnage, elle ressemble malheureusement à une longue séance de bodybuilding constituée par les 80% de l’exploration sans véritable lien avec la quête principale dont je parlais plus haut. Et on trouve malheureusement trop de tout dès le début de l'aventure.
Un constat particulièrement palpable aux travers des récompenses et des objets magiques. Dans BG, ces derniers sont relativement rares. La plupart vont nous accompagner jusqu'à la toute fin (Ashideena, Varscona, la Dague Venin) ce qui les rend vraiment précieux et unique aux yeux du joueur.
(C'est un peu comme dans Le Hobbit, lorsque Gandalf, Bilbo et les nains découvrent les épées elfiques dans la caverne des trolls.)
Le statut « parcimonieux » de l'objet magique dans BG va être remplacé dans BG2 par l'opulence et la profusion. Le cas échéant, l'objet magique devient banalisé et affublé d'une date de péremption souvent très courte. Bien sûr, forger le Crom Faeyr ou ajouter des têtes au Fléau de l'Eternité était une excellente idée mais ils auraient pu - et ils auraient dû - éviter la surabondance…
(Si vous aussi, vous êtes contre la prolifération des armes magiques, veillez signer ici…)
Néanmoins, et malgré tout le mal que je viens d’en dire, BG2 reste quand même un très bon titre. Je l’aime seulement moins que BG et malgré son côté « gros bill » et « bling-bling » (qui veux nous faire avaler au passage tout le bestiaire D&D), il ne verse clairement pas dans du hack 'n'slash pur et dur. Je l’apprécie surtout pour ses quêtes secondaires et la beauté et l’ambiance de certaines zones (Ah les Tréfonds Obscurs ! Qui rappellerons forcément le passage des Mines de la Moria ou encore le Voyage au centre de la Terre de Jules Verne. Et puis, il y a les dragons, fantasme de tout fanboy de fantasy). Je trouvais juste nécessaire (à l’instar de PS : T) de le remettre à sa juste place devant l’adulation dont il fait l’objet.
6. Jouez mauvais c’est Mal !
Mais BG n’est pas non plus sans défauts. La principale critique que je pouvais lui faire à l'époque de sa sortie (en dehors de son mauvais pathfinding), c'était la difficulté de jouer une équipe foncièrement mauvaise sans que cela soit contraignant.
Avec de mauvaises actions et une mauvaise réputation, tout était clairement désavantageux pour notre pomme : des prix des marchands aux récompenses qu'il était possible d'obtenir via certaines quêtes, jusqu'au harcèlement barbant des mercenaires du Poing Enflammé qui voulaient notre tête.
A cette époque (mais c’est encore un peu vrai aujourd’hui), Donjons & Dragons, la plupart des jeux de rôles - et par extension leur adaptation vidéo-ludique - baignaient dans un certain puritanisme à l'américaine, calé sur le modèle traditionnel du « gentil héros » qui était mieux récompensé pour ses bonnes actions.
Ce n’est pas pour rien que Bioware modifiera la donne pour de futurs titres comme Mass Effect ou Dragon Age : Origins, où l'on pourra y jouer les salauds sans pénalité !
Pourtant avec l'expérience, ce constat n'est plus tout à fait vrai pour Baldur’s Gate, bien qu’il soit quand même recommandé de connaitre un minium le jeu et les conséquences de ses actes pour ne pas souffrir de tous les inconvénients évoqués. Je trouve surtout que savoir maintenir une réputation suffisamment basse sans qu'elle devienne contraignante est une mécanique de gameplay intéressante qui rajoute un peu de pigment à l'aventure.
Mais le plus important pour moi, c'est que thématiquement, toute cette histoire de Bhaal m’apparait beaucoup plus cohérente et intéressante en y incarnant un « mauvais » aux vues de nos origines (en devenant soi-même le monstre que l'on pourchasse). On pourrait m'y opposer mille arguments, en fonction de ses propres goûts ou sensibilités, mais c'est aussi ça la force d'un bon RPG !
Et il va être grand temps de refermer ce long exposé de matière textuelle « à vous éclater les yeux » mais qui je l’espère vous a quand même permis de cerner mon point de vue sur ce joyau du RPG à l’occidental. Ou mieux encore, vous a peut-être donnez l’envie d’y replonger !
Par le plaisir ludique qu’il procure, le souffle épique de son voyage, ses compagnons inoubliables et son histoire classique qui le relie à de grands récits mythiques, ce Baldur’s Gate demeure encore aujourd’hui mon RPG de fantasy préféré !