La cote des cartouches Game Boy Classic – les petits carrés gris aux jeux monochromes – semble avoir enfin atteint cette année un prix raisonnable sur les vides-greniers de l'automne. On peut enfin négocier, parfois même chez les professionnels des brocantes – les jeux sous vitrine –, des lots de jeux abaissant aux alentours de 3 euros l'unité. L'occasion de quelques séances de rattrapage et de découvertes réjouissantes dont ce Ballon Kid de 1990, conçu sous la houlette de Gunpei Yokoi et descendant direct de Balloon Fight (Arcade, NES en 1984).
De la renégociation d'un gameplay et d'un principe ludique. Il y a dans la démarche empruntée par Balloon Kid quelque chose qui n'est pas sans rappeler des ambitions croisées sur Donkey Kong 94' ou Tetris DS : une capacité à rendre un bel hommage à un authentique classique du jeu vidéo en modernisant – sans l'altérer ni la dénaturer – une mécanique de jeu simple et efficace.
Balloon Fight était un jeu d'évitement demandant au joueur anticipation et dextérité pour diriger Alice, une petite fille accrochée à des ballons rouges gonflés à l'hélium*, qui à la manière d'un Joust est soumise aux impulsions vers le ciel données par le joueur et à sa propre inertie dans un défilement automatique de l'écran de jeu. Bien évidemment, les cieux que traverse notre héroïne sont émaillés d'obstacles épineux à éviter absolument au risque de choir mortellement. Voilà donc un jeu où l'on frôle dangereusement, où l'on évite astucieusement, où l'on s'empale bêtement et en définitive où l'on recommence souvent – souvenirs douloureux remontant à mes parties d'Animal Crossing sur Game Cube en 2002 où le soft m'avait été aléatoirement attribué en début de partie.
Balloon Kid fait basculer ce principe d'un pur défi vidéoludique à celui d'un jeu de plate-forme quasiment sans plate-forme (!) avec boss de fin de niveau et montée progressive de la difficulté. Alice a gagné au passage la possibilité de lâcher momentanément ses ballons pour passer à pied les franchissements les plus étroits puis de regonfler rapidement ses appendices aérés pour s'élancer à nouveau gaillardement dans les cieux.
L'objet ludique présente pour ainsi dire une hybridité générique passionnante, arborant à l'exception notable du tir tous les aspects d'un traditionnel shoot'em up mais emballant l'ensemble dans des caractéristiques classiques du platformer : avatar anthropomorphisé, influence du conte tant sur la structure narrative – sur le mode « le Prince à la rescousse de la Princesse », genres inversés et filiation modifiée – que sur la variété des paysages traversés liés aux différents éléments (ville/feu, mer/eau, forêt/terre**, ciel/air) et bouton saut.
En donnant davantage d'espace au joueur pour s'ébrouer que ne le faisait son ancêtre, Balloon Kid propose une mécanique ludique qui invite à un ballet aérien où le dosage des impulsions, l'évitement des collisions et la gestion de la pesanteur et des trajectoires fournissent un sentiment, disons-le, plutôt enivrant, peut-être l'ivresse des sommets...
Enfin, il est amusant de constater que sur ces mécaniques de jeu finalement assez proches, les américains auront pris la direction prosaïque de la simulation mi-spatiale, mi-militaire (Lunar Lander, 1973 et 1979 pour la version commerciale chez Atari) alors que les Japonais, plus poétiques, empruntent le chemin fictionnel de la fantaisie et du merveilleux. Sans en tirer de grandes règles générales des traitements culturels du jeu vidéo selon leur aire de développement, disons simplement qu'on retrouve ici un nouvel avatar des tendances naturelles de chaque industrie face au même domaine de l'image.