Énorme avantage du jeu, les musiques sont un régal de noirceur et plongent littéralement dans l'ambiance. Gage de qualité, leurs accès de gravité jettent un pont au Dark Knight de Nolan. Pour une fois, on ne coupe pas le son et on se délecte du Dark ambient quand on n'entend pas claquer les dentiers sur le parvis.
Les instants de plateforme en 2,5 D sont une variation bienvenue dans un gameplay riche qui peine tout de même à se renouveler. Parce que l'horizon vidéoludique de Batman AA n'est pas tout rose.
Pour commencer, le jeu manque rudement d'interaction avec les décors. Preuve à l'appui : il est impossible de détruire les lumières au plafond, un comble pour un jeu qui fait largement de l'oeil à l'infiltration... 7 ans après le premier Splinter Cell sorti sur la boîte à Bilou. Ne pas pouvoir pousser des portes battantes fout un sacré coup à la « suspension of disbelief » et la fout mal pour un jeu next-gen. A l'inverse, on apprécie le détail accordé aux quelques déchirures de guerre sur le costume du chevalier noir. Étrange mélange que cette volonté de faire du beau graphisme avec du vieux gameplay, du neuf avec de l'obsolète. Mais après tout, il ne faut pas lui en tenir rigueur, car c'est un défaut qu'il partage avec de nombreux congénères de sa génération...
Souffrant donc indéniablement de quelques défauts et redondances de gameplay, on peine parfois à suivre l'aventure à cause de menus détails qui additionnés causent un gros problème.
L'astuce de level design qui consiste à nous faire faire des allers-retours est par certains endroits sérieusement gonflante. Servant inutilement à faire gonfler la durée de vie tout en recyclant les espaces de jeu, elle confine à la claustrophobie, et sert donc l'ambiance tout en desservant la crédibilité d'un jeu dont on aurait été en droit d'attendre plus.
L'aliasing est également à prendre en compte. Il pique littéralement les yeux sur PS3, et contraste pas mal avec les textures lisses et propres de l'univers.
Au rayon des avantages pervers, le confort de jeu qu'offre la vision thermique déforme non seulement la perception naturelle des couleurs prévues pendant le level design, mais il faut surtout regretter qu'elle facilite un peu trop la progression dans les niveaux, si bien que l'on ne se sépare que rarement (lors des combats pour ma part) de cette vision de peur de rater quelque-chose (un indice, une énigme...).
En dehors des points noirs, Batman a la classe de l'Agent 47, les collants et les oreilles pointues en plus. Il s'offre même le luxe de côtoyer la maestria d'un Max Payne, lors de délires psychotiques mémorables.
Une fois les quelques mécanismes de gameplay assimilés, il est facile d'enchaîner les situations sans véritablement expérimenter le challenge d'une énigme retorse (du Dr. Nigma ou d'un élément du décor à contourner) ou d'un combat dur comme la roche. Toutefois, quelques boss donnent du fil à retordre tant ils cassent avec la routine et contraignent à abandonner ses réflexes et habitudes pour s'adapter à une situation totalement nouvelle. Mais comparé à la variété de ceux-ci, ce n'est qu'un détail.
Qui plus est, le stratagème trouvé pour dynamiser les combats est redoutable et plus exigent que la bourrinade d'un God Of War. Batman multiplie les coups pour asseoir son ballet harmonieux. Les ralentis sont jouissifs et le timing de pression sur les touches fait que chaque coup porté est gratifiant.
En pesant le pour et le contre, l'équilibre penche en faveur de son ambiance mature, angoissante et respectueuse des origines du super-héros. La prison grisâtre, les cellules exiguës, crades et décrépies ne font pas rougir le titre devant un Silent Hill 2 qui mériterait un bon coup de scalpel.
En définitive, un coup de coeur, mais pas un coup de maître.