Beat Saber
8.1
Beat Saber

Jeu de Hyperbolic Magnetism (2018Meta Quest)

Des petites révolutions, l’industrie vidéoludique en a connues dans ses quelques décennies d’existence. Bien entendu, quand je parle de révolutions, je ne parle pas de cet effet « whaou ! » qu’on a tous plus ou moins ressenti lors d’un changement de génération, mais bien des évolutions technologiques qui ont opérées un changement de paradigme dans la manière d’appréhender le media. Les consoles 32-bits et le développement de la 3D, la démocratisation d’internet et l’émergence du jeu en ligne, l’essor de la scène indépendante et l’arrivée d’expériences contemplatives et narratives… Voilà ce qui me vient en tête quand j’évoque révolutions.


Et alors qu’à l’aube des années 2020, la nécessité d’un peu de renouveau se faire sentir dans l’industrie, toutes les têtes se tournent vers la Xbox Series X et la PS5 à venir. Et pourtant, même si je ne doute pas que la prochaine génération de consoles repoussera sans aucun doute les limites techniques du jeu vidéo, j’ai peine à croire qu’elle initiera une nouvelle façon d’expérimenter le média. Et si ce nouveau paradigme n’allait pas plutôt venir de la réalité virtuelle ?


Disclaimer : cette critique est plus un test et une réflexion sur la VR en elle-même que sur Beat Saber. Mais pour ceux qui se posent la question : oui, c’est un jeu très sympa.



La VR, qu’est-ce que ça donne ?



Pour faire court, la VR ne m’a jamais trop enthousiasmé depuis qu’on en a vu les premiers essais. Puis récemment, j’ai eu l’occasion d’essayer l’Oculus Quest à quelques reprises. De manière surprenante : j’ai été soufflé. Depuis 5-6 ans qu’on nous rabattait les oreilles d’une VR qui, à l’époque, peinait vraiment à me convaincre, la technologie a bien évolué !


Casque sur le nez, la magie opère instantanément. Une claque. Et pourtant, on est que dans le hub principal. Les écrans se sont clairement perfectionnés par rapport à mes premiers essais datant d’il y a quatre ans, date à laquelle on voyait encore des pixels qui cassaient l’immersion. Ce n’est plus le cas. De plus la distance des oculaires, pas trop proches, permet un confort visuel qui réduit la fatigue et sera sans doute apprécié des porteurs de lunettes.


Second constat, instantané lui aussi : la réponse du matériel aux mouvements. Qu’on bouge la tête ou les mains, la reproduction des mouvements au sein de l’univers virtuel est immédiate et d’une incroyable précision. Encore une fois, on est loin des premières manettes du genre — datant d’avant la VR — tout juste bonnes à distinguer un mouvement vertical, d’un autre horizontal ou circulaire.


Enfin, la dernière surprise viendra après avoir quitté le menu pour se lancer dans un jeu : le son ! S’il est possible de brancher écouteurs au casque VR, on sera surtout impressionné de la qualité des enceintes qui fournissent un son très propre — résultat bluffant sur Beat Saber par exemple — tout en nous isolant juste ce qu’il faut du reste du monde (il faudra tendre un peu l’oreille pour entendre son pote se moquer de notre incroyable déhanché).


Donc oui, depuis qu’on a un peu oublié la VR, la technologie s’est tout de même bien perfectionnée et fournit aujourd’hui un résultat à la hauteur de ses ambitions. Tout ça dans un casque léger, confortable et peu fatiguant, et surtout — dans le cas de l’Oculus Quest — autonome ! pouvant fonctionner indépendamment d’un quelconque autre système vidéoludique et sans branchement filaire.



La VR, qu’est-ce que ça change ?



En voilà une bonne question ! Que peut-on espérer de la VR, au final ? Si, comme moi ces dernières années, vous espériez sillonner l’espace dans un vaisseau, et que votre connaissance de la techno s’est heurtée aux vidéos d’influenceurs qui se retrouvent dans des mondes virtuels superficiels et vides d’activités, il y a fort à parier que soyez tombés de haut et que vous ayez rangé vos aspirations dans un lointain coin de votre tête.


Et pourtant, ces vieux rêves de gamins sont aujourd’hui à portée. La VR n’est pas un simple gadget comme l’était la 3D qu’on a essayé de nous vendre au cinéma. Il y a un réel apport dans la manière de concevoir le monde virtuel qui tient en ces deux notions : l’immersion et la nouvelle position du joueur.


Concernant l’immersion, il suffira de le vivre quelques instants pour le comprendre : le cerveau est une machine qu’il est facile de duper. Le jeu Vader Immortal en est un exemple marquant : tandis que la gâchette permet de fermer sa main (virtuelle) et donc de se saisir d’objets, la sensation est bluffante malgré l’absence de poids. Se tenir debout sur une simple plateforme mouvante pourra suffire à nous déséquilibrer. Et pas besoin d’épiloguer sur le visuel ; les personnages qui nous entourent, se tenir sur une corniche qui s’ouvre sur le vide, les lasers de troopers qui se dirigent droit sur nous, seront autant d’expériences troublantes, impressionnantes, auxquelles on réagira parfois par simple réflexe. Il suffit d’observer la manière dont ont fleuri les jeux horrifiques en VR pour se faire une idée de cette qualité d’immersion saisissante.


Mais c’est sans doute le changement de position du joueur qui constitue l’aspect le plus intéressant de la VR. Puisque le joueur entre en interaction directe avec son environnement, un certain nombre d’éléments deviennent particulièrement intéressants à explorer. Quelques exemples :


• le moindre objet peut se retrouver au cœur du gameplay, ce qui apporte de nouvelles possibilités en matière de puzzle-game, ou encore devrait permettre d’explorer plus en profondeur la narration environnementale de façon plus impactante que jamais.


• le sound-design qui fait partie intégrante de la technologie et qui prend tout son sens lorsque le joueur se retrouve virtuellement propulsé dans un espace à 360°. Le nouveau porte-étendard de la VR, Half-Life Alyx, l’a démontré dans quelques séquences de gameplay où l’enjeu est de faire le moins de bruit possible.


• la gestion de l’espace et de sa propre hitbox, comme dans SuperHot VR qui prend une toute autre dimension en nous forçant à nous mouvoir avec précision pour éviter les balles.


Alors attention, on n’est — pour le moment — jamais sur quelque chose de fondamentalement novateur d’un point de vue strictement ludique, mais on est clairement sur une technologie qui opère une plus-value monumentale quant à des aspects de gameplay oubliés à l’heure actuelle. En fait, la manière dont est conçue la réalité virtuelle impose de prendre en considération des paramètres qui n’étaient auparavant pas forcément pertinents avec des jeux sur écran. Gardons en tête que les expériences actuelles capitalisent encore énormément sur l’incroyable immersion que fournit la VR, et qu'elles peinent à s’en émanciper. Mais s’il s’agit encore d’une technologie balbutiante, les quelques exemples précédemment cités montrent qu’avec un peu d’inventivité, la promesse de nouveaux horizons ludiques semble bien réelle.



La VR, qu’est-ce qui lui manque ?



Reste à comprendre pourquoi la démocratisation des casques prend autant de temps.


Beh, parce que c’est cher, crénom ! (Oui, j’enfonce des portes ouvertes). On peut effectivement se demander pourquoi se procurer une technologie encore peu accessible financièrement tandis que le catalogue de jeu ne s’agrandit que lentement. Autant attendre qu’il y en ait davantage. Et en même temps on comprend aussi la frilosité des éditeurs à se lancer à corps perdu sur des projets dont le potentiel vivier d’acquéreurs est encore restreint.


La VR, il lui manque surtout de la variété dans son catalogue. Parce que oui, des jeux de rythme et des expériences horrifiques, il y en a pléthore, vu qu’on sait que ça marche. Mais ça ne suffira pas. À un moment donné, il faudra bien que certains — à l’instar de Valve avec son Half-Life Alyx, — ne se retroussent un peu les manches pour défricher le terrain et proposer des concepts innovants.


Mais ce n’est pas tout. La VR, il lui manque peut-être aussi une bonne presse. Je crois qu’elle a pas mal souffert d’avoir été surmédiatisée à ses débuts, lorsqu’elle n’était pas encore maîtrisée et convaincante, la propulsant sur la liste des technos ayant subi un effet boomerang — aussi appelé « effet No Man’s Sky », — c’est-à-dire une communication vendant du rêve pour un produit pas au niveau, accouchant finalement d’un formidable prout ! Le problème, c’est que depuis, la VR a évolué, et maintenant qu’elle pourrait commencer à convaincre, peu de gens s’y intéressent puisqu’elle traine comme un boulet son échec passé derrière elle.


Pour ceux qui seraient curieux, comprenez qu’une vidéo d’influenceur ne rendra jamais honneur aux qualités d’immersion de la VR. Je m’en suis aperçu moi-même. Au regard du prix de la techno, c’est même dommage qu’elle ne soit pas plus accessible, car certains pourraient se laisser convaincre en l’essayant.



Conclusion



Si vous attendez une expérience hors du commun à la Ready Player One ou à la Sword Art Online, vous pouvez clairement vous rendormir encore quelques années.


Néanmoins, depuis son introduction sur le marché, il faut admettre que la technologie est désormais mieux maitrisée. Les casques sont légers, faciles à porter, totalement autonomes pour certains, et offrent un réel confort visuel et sonore.


Capitalisant encore sur sa stupéfiante capacité d’immersion, le catalogue de jeux VR s’étoffent lentement en raison d’une industrie encore frileuse à parier sur une technologie non démocratisée. Néanmoins, pour gagner en accessibilité et pour séduire le public, il va falloir passer à la vitesse supérieure et commencer à proposer de vrais concepts novateurs. Et vu les nouveaux paramètres à prendre en compte dans la VR, ça me semble parfaitement envisageable de créer de nouveaux game-design. Il y a encore du chemin à parcourir, mais à mon sens, le terreau est fertile à une révolution vidéoludique de plus en plus attendue.

Gilraen
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le 16 août 2020

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