Rétrospecfrite : 12/12


Parmi mes découvertes de BD récentes, je retiens une semi-déception : Blacksad. Malgré sa patte graphique totalement folle, j'ai trouvé ses scénarios globalement très génériques, avec des méchants trop bien définis, un héros bien plus vertueux que ce que son design noir et blanc pourrait laisser penser, et un certain manque de dynamisme dans les intrigues. J'ai beau avoir lu les 7 tomes en quelques mois, je ne retiens pas grand chose de l'expérience.

Microids, jamais les derniers sur les bons coups, ont réussi à choper les droits de la licence et à sortir ce jeu, développé par le studio Pendulo, que je ne connais que pour ses collaborations Microidesques (Tintin le mois dernier, ou l'anachronique adaptation de Vertigo d'Hitchcok sortie en 2021) mais qui a aussi bossé sur Runaway, une série de jeux d'aventure que vous trouverez sans souci dans le bac à soldes PC de votre Carrefour local. Notez que si ce studio est espagnol, tout comme Guarnido et Canales, les auteurs de la BD ne semblent pas avoir collaboré si j'en crois les crédits. Dommage, pour une fois la barrière de la langue n'aurait pas été un problème.

Editeur douteux + développeur sans grand pedigree + licence qui m'a laissé froid + auteurs qui ne sont pas impliqués dans le processus de développement, les ingrédients du cocktail du jeu bidesque sont tous réunis !


Dans Under The Skin, on incarne donc Blacksad, le chat détective, qui doit mener l'enquête sur l'assassinat camouflé en suicide du gérant d'un club de boxe. Je n'en révèle pas plus, mais j'ai trouvé l'histoire assez bien menée, les rebondissements s'enchaînent (l'antagoniste désigné au début n'est au final pas du tout lié au meurtre) sans pour autant négliger le côté posé de la licence, on passe une dizaine d'heures en très bonne compagnie. J'ai même envie de dire que le scénario surpasse ceux des BD, peut-être pas en termes de thématiques (des sujets comme la ségrégation sont présents mais survolés), mais en termes d'exécution. Le format JV permet d'avoir une trame plus longue et ambitieuse qu'une BD de 60 pages.

J'étais vraiment surpris lorsque j'ai vu que Canales n'était pas crédité au scénario, en tout cas le duo de scénaristes qui le remplacent ont fait du très bon boulot et ont su respecter l'univers tout en l'emmenant dans une nouvelle direction.


La petite originalité du jeu est qu'il s'adapte à vos actions afin de mener à bien votre enquête. Vous pouvez choisir de jouer un Blacksad chevalier blanc ou d'en faire un homme de main de la pègre locale, avec toutes les nuances de gris entre ces choix. Intéressant si on a envie de refaire une partie, mais ça ne modifie pas énormément l'intrigue non plus, la conclusion de l'enquête sera toujours la même, au contraire d'un Heavy Rain par exemple qui peut partir dans des directions très diverses selon vos choix.

Notons tout de même que les doublages français sont très bons, même si j'aurais peut-être donné une voix plus grave, "batmanesque" à Blacksad. Les animations sont malheureusement un peu simplistes, la faute en partie à la DA du jeu qui manque de détails, j'aurais adoré voir une interprétation plus réaliste du trait de Guarnido. Martial Le Minoux incarne le sidekick Weekly et nous sert sa meilleure imitation de Murfy de Rayman 3, ça fait plaisir en attendant l'épisode 4 qui devrait sortir imminemment, ah ah.

Mentionnons aussi l'OST jazzy, tout à fait appropriée pour la série (c'est le genre favori de Blacksad après tout) et qui n'est pas sans me faire penser au diptyque Hotel Dusk par moment. Le thème principal m'a aussi surpris, il est beaucoup trop intense pour un jeu où on passe le plus clair de son temps à discuter.


Entre deux séquences de dialogues (que l'on ne peut d'ailleurs pas passer, frustrant quand on rejoue une scène après un Game Over) ou de réflexion, on peut contrôler Blacksad et explorer l'environnement, et c'est là que les origines de notre héros nous sont dévoilées : Blacksad est le fils caché d'un escargot et d'un semi-remorque.

Le détective est incroyablement lent, ce qui en devient presque comique lorsqu'on évolue dans de larges zones de jeu, comme le port à la toute fin. Evidemment, il ne peut pas courir, ce serait trop beau. Plus grave cependant : il a la fâcheuse habitude de se coincer dans le décor et de ne pas pouvoir pivoter librement. Dès qu'on évolue dans un lieu un peu étroit, comme un appartement, on passe son temps à se cogner et s'arrêter, c'est extrêmement frustrant et ça rend ces séquences bien plus longues que nécessaire.

Même interagir avec des éléments du décor n'est pas chose aisée, j'ai eu beaucoup de mal à lui faire examiner certains trucs parce qu'il est très dur de l'arrêter à un endroit précis et dans l'orientation que l'on souhaite. Rien qui ne puisse être résolu par un bon spam de bouton A, mais c'est tout de même très contraignant.


Mais les problèmes techniques ne s'arrêtent pas là, malheureusement. Le jeu est connu pour être très instable, et si je n'ai pas subi de crash, l'expérience était loin d'être plaisante. J'ai souvent eu des ralentissements très violents (en général lors de scènes avec de la pluie ou des vitres teintées) qui faisaient tourner le jeu à moins d'1fps, et surtout d'insupportables temps de chargement qui cassaient totalement l'immersion. Je précise que mon PC n'est pas un foudre de guerre et que j'avais tout foutu en low pour m'épargner un maximum de problèmes. Eh bien ça n'a pas suffi, et ça m'a vraiment sorti du jeu.


Après, on ne va pas se mentir, les jeux narratifs c'est pas trop ma came à la base, niveau gameplay c'est plutôt médiocre. Comme dit plus haut, celui-ci se rattrape sur son scénario et sa présentation correcte, je ne m'attendais pas à plus. Avec une meilleure finition, ça aurait pu être un très bon compagnon pour les fans de la BD, mais en l'état j'ai du mal à le recommander. Allez regarder ses cinématiques sur YT si ça vous amuse, mais vous perdrez la possibilité de choisir l'orientation de l'intrigue, évidemment.

Ah, et c'est la première fois que je vois le logo du CNC dans un jeu vidéo. Allez savoir par quelle arnaque Microids a réussi à chopper une aide française pour son jeu créé en Espagne, en tout cas ça ne risque pas de calmer les détracteurs qui reprochent à l'institution de ne financer que des projets de merde.

Sonicvic
5
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le 13 déc. 2023

Critique lue 15 fois

Sonicvic

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