Le portage iOS de ce jeu rappelle combien son équilibre était finalement subtil
La maniabilité du portage de Carmageddon sur iPhone / iPad m’a surpris.
Comme souvent avec les portages pour smartphones et tablettes, je m’attendais à un truc injouable, loin de mes souvenirs, car inadapté / pas conçu initialement pour ce type de périphériques et d’interfaces.
Mais il n’en est rien.
J’ai alors tenté d’attribuer cette réussite à la possibilité de customiser les contrôles, en les plaçant exactement comme on le souhaite sur l’écran. Mais malgré tout, ça ne suffisait pas à expliquer que le jeu se prête si bien au tactile. C’est alors que j’ai fini par comprendre que c’est bel et bien dans le concept même du jeu originel que se trouvait l’élément qui le prédisposait d’office à ce type de support.
Cet élément, c’est cette fameuse inertie, qu’on retrouve à tous les étages du gameplay. D’abord via la physique si caractéristique des véhicules, bien sûr - lourdauds et massifs - qui oblige à anticiper et calculer constamment les changements de trajectoire (de sa propre voiture aussi bien que de celle de ses adversaires, logés à la même enseigne, et pas forcément plus habiles à composer avec la physique de bolides qui mettent un certain temps à changer de course).
Mais c’est aussi l’inertie de la caméra, qui ne se repositionne jamais instantanément, laissant le joueur vulnérable pendant quelques secondes lorsque, après un emboutissage loupé, il doit faire demi-tour et/ou faire chauffer le frein à main pour se repositionner.
REACTION vs ANTICIPATION
Là où on aurait vite fait (et à raison) d’épingler ces deux points comme des défauts majeurs pour n’importe quel jeu de caisses arcade lambda, il s’avère qu’ils font ici toute la réussite et tout le sel de Carmageddon. En effet, ils offrent ainsi au jeu un gameplay bien différent de celui des jeux de course habituels (hors simu’), mettant l’accent non pas tant sur les réflexes et la réactivité que sur l’anticipation et la capacité d’analyse de la situation - lesquels deviennent absolument nécessaires lorsque le véhicule qu’on conduit ne peut changer de direction / s’arrêter instantanément. Dans un genre différent, c’est d’ailleurs peu ou prou sur la même distinction que jouait un I-War pour se démarquer des Freespace, Wing Commander et autres space shooters.
Dès lors, pas étonnant que le gameplay de Carma’ s’accommode très bien des tares inhérentes aux interfaces tactiles, pas toujours aussi précises et réactives que de bonnes vieilles commandes analogiques.
CHAMP / HORS-CHAMP & SUSPENS DE TOUS LES INSTANTS
Par ailleurs, la petite bataille que le joueur doit constamment livrer à l’inertie - en sus de rendre palpable la masse des engins qu’il conduit - instaure une tension permanente. S’il est impossible de rectifier le tir à la dernière seconde (et par conséquent inutile de réagir au quart de tour), il faut en contrepartie sans cesse réajuster sa trajectoire, et donc maintenir son attention tout du long (et non pas juste avant l’impact et/ou le tournant). Et en cas de carambolage raté, lorsqu’il faut péniblement faire demi-tour et que la caméra se repositionne lentement, c’est un suspens insoutenable: un adversaire va-t-il profiter de cette situation où le joueur est une proie toute désignée (car quasiment statique) pour l’embrocher ? par où va-t-il arriver ? L’impossibilité de bouger librement la caméra fait qu’on ne le découvre bien souvent qu’au dernier moment, préservant à chaque fois la surprise.
Après des dizaines d’heures passées sur les deux premiers opus de la série pendant mon adolescence, il m’aura donc fallu attendre ce portage pour me rendre compte combien ce qui passait parfois pour des lourdeurs de gameplay était en fait des choix de design cruciaux et cohérents (comme la fameuse lampe torche du Doom 3 originel).
Reste plus qu’à espérer que la suite Kickstartée soit à la hauteur des deux premiers épisodes !