Temps de jeu : 10 heures
Test rédigé pour Nintendo-Difference [#1]
Disponible sur l’eShop de la Nintendo Switch depuis le 5 décembre dernier et précédemment sorti sur PC, Xbox One et PS4 le 22 septembre, Caveman Warriors est le premier titre console de JanduSoft. Jusqu’alors habituée des plates-formes mobiles, la boite barcelonaise compte bien profiter du succès des indés sur la plate-forme hybride de Nintendo. Toutefois, à en juger leurs anciennes créations, innovation et originalité ne sont pas leurs maîtres-mots. Assurément plus ambitieux que tous leurs précédents titres, le nouveau bébé de JanduSoft est-il réellement là pour briller ou ne cherche-t-il qu’à gratter sa part du gâteau ?
Yabba Dabba Bouh !
Alors qu’ils jouaient paisiblement devant leur grotte natale, deux gamins se font sauvagement kidnapper par un vaisseau extra-terrestre. Ni une, ni deux, les quatre personnages que contrôlera le joueur se lancent à la poursuite du ravisseur. Volontairement éculé, le scénario de Caveman Warriors parvient quand même à souffrir d’un manque de cohérence dans sa progression ; si l’action se déroule bel et bien dans des paysages d’inspiration préhistorique ou dans la base spatiale de l’alien, la toute fin du jeu téléportera sans aucune logique les héros dans une simili seconde Guerre Mondiale. Les ennemis, jusqu’alors affublés de masses et de peaux de bêtes, vont jusqu’à se retrouver grimés en nazis. Cette cassure d’ambiance tardive – elle arrive au dernier tiers du jeu – est assurément discutable, quand bien même le scénario d’un platformer reste très secondaire. Un manque crucial de liant que le joueur retrouvera dans l’anecdotique bande-son, en décalage total avec les environnements traversés.
Qu’importe le script ! les hommes des cavernes – tels que le jeu vidéo les imagine souvent – sont avant tout voués à la castagne, pas à la parlote. Ça tombe bien, ils ne parlent pas malgré la présence d’une localisation française, uniquement là pour traduire le nom des niveaux et des boss. Toujours présents à la fin d’un stage, ces puissants ennemis offrent des affrontements complexes sans jamais se montrer impossibles, leurs patterns étant généralement fairplay à défaut d’être originaux. À contrario, les niveaux se révéleront quant à eux extrêmement frustrants, tant dans leur équilibrage en dents de scie que dans leur level-design franchement pauvre. Plat, répétitif et sans jamais apporter la moindre surprise à quiconque aurait déjà touché un ou deux jeux de plates-formes, leurs constructions se révèlent au mieux basique, au pire fainéante. Leur traversée ennuie rapidement tant les situations semblent se répéter, quand bien même ils ne demandent pas plus de dix minutes pour être complétés. Caveman Warriors nous invite tout de même à revisiter ses étapes à la recherche de collectibles représentés par des piles.
Mort de vieillesse… mais jeune
Bien cachées ou involontairement mal placées, rendant obligatoire le fait de les rater la première fois qu’on les croise, seuls les plus acharnés s’attaqueront à cette quête secondaire, laquelle débloquera petit à petit huit autres niveaux bonus. Encore faut-il avoir envie d’y revenir. Il faut dire que le jeu souffre de nombreux points frustrants. Impossible de ne pas pester sur le scrolling à deux vitesses, hésitant sans cesse entre donner ou non la possibilité au joueur de retourner en arrière. Un choix illogique comparable au placement vicieux des ennemis qui, lorsqu’ils n’apparaissent pas à l’écran au dernier moment, spam de projectiles le joueur depuis le bord d’une plate-forme. Tout en sachant que chaque coup reçu projette le héros assez loin en arrière, il ne sera pas rare pour le joueur de chuter dans l’eau ou dans le vide. Très punitif, le jeu cumule alors les dégâts de ce puissant combo qui fera fondre de moitié votre barre de santé. Heureusement, chaque niveau contient trois points de sauvegarde permettant de se soigner entièrement en plus de recharger à fond son stock de vies ; à zéro, il vous faudra reprendre le stage depuis le début.
Entre les ennemis qui défouraillent comme jamais, ceux qui débarquent en cours d’action, ceux qui sont camouflés par un filtre graphique posé au premier plan, ceux qui possèdent une hitbox douteuse et ceux qui vous attendent au bord d’un précipice, Caveman Warriors jouera plus avec vos nerfs qu’avec votre skill – c’est encore pire avec le mode arcade (déblocable une fois l’histoire finie) où les trous vous tuent sur le coup. Ajoutez à cela la nécessité de changer régulièrement de personnage en cours de route façon Trine et le challenge se montre particulièrement relevé. À quatre en revanche, l’aventure se révélera être une ballade de santé. Cumulées toutes ensemble, les capacités uniques de chacun seront bien trop puissantes pour n’importe quel ennemi lambda, créant un fossé de difficulté abyssal entre le joueur solitaire et la bande de copains. Parfait en soirée entre mectons, le titre se montrera bien moins clément pour celui ou celle qui préfère s’y adonner seul(e) dans son coin. Un équilibrage aux choux qui en appelle un autre, celui desdites capacités uniques.
Jarrets Léthaux
Jack peut charger et détruire des rochers, Liliana peut planter son javelot dans un mur pour s’en servir de plate-forme d’appoint, Brianna peut bloquer les projectiles avec son jarret de dinosaure tandis que Moe se contentera de divertir les ennemis grâce à son fidèle petit singe. Et si les deux premiers se montrent assez versatiles et souvent mis à contribution, les autres zigotos devront attendre presque la moitié du jeu pour enfin briller comme il se doit. Autant le dire tout de suite, dans un groupe de quatre, certains seront sacrifiés sur l’autel de l’ennui. Tout comme dans Trine, il sera possible de changer de personnage à la volée à l’aide d’un bouton. Un petit mot sur les contrôles, eux aussi étrangement expliqués : au cours du tutoriel du premier niveau, le jeu indique au joueur qu’il devra appuyer sur la touche de saut tout en maintenant le stick gauche vers le haut pour effectuer un bond plus grand. Inutile quand on découvre soi même l’existence d’une autre touche, laquelle réalise la même action sans demander l’appui du stick.
Il est désormais temps de parler des choses qui fâchent vraiment, à savoir la technique et le game design de manière générale. Heureusement très fluide, Caveman Warriors se montre toutefois assez illisible en mode portable, la faute à une caméra dont la tendance à s’éloigner nuit à la précision des sauts – une précision déjà bien entamée par des hitbox un peu pétées. En mode télé, là ça tâche ; pas franchement hideux dans sa globalité (et même plutôt joli sur la dernière ligne droite), force est de reconnaître que certains niveaux sont particulièrement laids. Bel et bien développé sous Unity, le titre a trop souvent des relents de mauvais jeu mobile pour que le joueur ne le remarque. Quant au jeu en lui-même, il souffre tout autant d’un manque crucial de personnalité, préférant se gargariser des références dont il est bourré. Des clins d’œil à Terminator, King Kong, Nintendo et sa Game Boy, la casquette de Mario, les Fous du volant, Musclor et bien d’autres sont autant d’hommages à la pop culture qu’ils en deviennent presque indigestes. Des coups de coude incessants dont le joueur se serait bien passé.
Verdict : Non !
Clamant haut et fort s’inspirer de New Super Mario Bros., Castle Crushers, Metal Slug, Joe & Mac, Trine ou plus généralement ce qu’il se faisait sur arcade à l’époque, le joueur de longue date a de quoi se questionner ; ne possédant ni le level-design du premier, le fun en multi du second, le rythme effréné du troisième, la cohérence de l’univers du quatrième ou encore l’équilibrage parfait entre difficulté et frustration des derniers, Caveman Warriors semble n’avoir réellement capté que l’essence de Trine. Le passif de JanduSoft ne trompe pas, l’aspect mobile se dégageant du jeu égratignant le produit final à chaque minute passée dessus. Ennuyeux, plat et sans surprise, difficile de conseiller Caveman Warriors à quiconque, même le temps d’une soirée entre potes. Avec une durée de vie s’étalant entre deux et cinq heures, le tout pour un prix s’approchant des treize euros, le joueur pointilleux préférera passer son chemin ou investir dans un autre titre coop.