Le visual novel, genre énormément présent au Japon, s’exporte doucement dans le reste du monde grâce, notamment, au studio 5pb.Games. Chaos;Child sort en 2014 sur l’archipel puis en 2017 dans le reste du monde sur PS4 et PS Vita (il faut attendre 2019 pour le voir débarquer sur Steam). Il est édité chez nous par PQube et Spike Chunsoft. Ce roman graphique fait suite à Chaos;Head, lui même sorti en 2008 (suivi, un an plus tard, d’une version director’s cut appelée sobrement Chaos;Head Noah). Cette séquelle prend place dans l’univers « Science Adventure » au sein duquel coexistent les licences Chaos et Steins (composée notamment des jeux Steins;Gate et Steins;Gate 0). Au vu de la qualité des précédent titre du studio 5pb.Games, ce nouvel opus est-il un digne ambassadeur du visual novel chez nous ?
Shibuya, un quartier secoué
En 2015, Shibuya, l’un des plus gros quartiers de la ville de Tokyo, se remet doucement d’un terrible tremblement de terre l’ayant complètement ravagé six ans plus tôt, en 2009. Cette catastrophe a également provoqué l’apparition d’une nouvelle maladie appelée syndrome Chaos;Child. Celle-ci touche principalement les plus jeunes victimes de la catastrophe sismique, et parait se manifester sous la forme d’un stress post traumatique. Malgré tout, cela n’empêche pas ces jeunes gens de mener une vie normale. Nous incarnons l’un des rescapés de cette catastrophe. À noter qu’il n’est pas nécessaire d’avoir lu *Chaos;Head* pour apprécier l’histoire.
Notre protagoniste s’appelle Miyashiro Takuru, étudiant en troisième année au lycée Hekiho et président du club de journalisme. Celui-ci se retrouve, avec les membres de son club, à essayer de résoudre une série de meurtres sordides faisant fortement penser à une affaire similaire ayant eu lieu… six ans pus tôt ! S’agit-il d’une simple coïncidence ou un lien existe-t-il entre les deux affaires ? Ce sera à eux et au joueur de trouver des réponses à ces questions.
Un récit entre légèreté et drame
Tout au long de l’histoire, nous assistons au quotidien de Takuru et de ses amis. Les personnages sont tous plus attachants les uns que les autres. Le lecteur est le témoin de nombreuses discussions au ton léger, assaisonnées d’une bonne dose d’humour, mais contrebalancées par la morbidité d’une enquête complexe et pour le moins étrange poussant les nerfs des différents protagonistes à bout.
Les meurtres sont commis de manière tout à fait horrible et les images de ces derniers peuvent s’avérer assez dérangeantes pour les lecteurs n’ayant pas le cœur bien accroché. Ce récit combine ainsi habilement vie lycéenne et enquête policière, le tout saupoudré d’une pointe de surnaturel.
Notre héros est en effet victime, à de nombreuses reprises, d’illusions plus ou moins inquiétantes. Certaines proviennent notamment de sa propre imagination. Pour celles-ci, c’est au joueur de décider à l’aide des gâchettes L2 et R2 (pour la version ps4) si la délusion sera positive ou négative. Malheureusement, toutes les illusions ne sont pas dépendantes des choix du joueur. Certaines, généralement bien plus sombres, sont en effet imposées à Takuru et viennent perturber sans le moindre scrupule une scène joyeuse.
Un récit trop linéaire ?
Le choix du joueur concernant certaines délusions, et la présence par moment de phases d’enquête simplistes, mais néanmoins sympathiques, permettent un tantinet de liberté au sein d’un récit linéaire nous menant vers une fin inéluctable. Celle-ci peut-être atteinte au bout de 30 ou 40 heures selon la vitesse de lecture de chacun (bien sur il est possible d’atteindre la fin du jeu bien plus vite en passant tous les textes mais où se trouve l’intérêt à faire cela !?).
Cependant, une fois arrivé à la conclusion, on débloque la possibilité d’explorer quatre nouvelles « routes » (scénarios) alternatives centrées sur des personnages précis du jeu. À noter que ce n’est qu’une fois l’ensemble de ces routes terminées que se débloque un ultime scénario faisant office de véritable épilogue. Comptez donc bien un total de 50 heures pour assister à l’intégralité de l’histoire.
Toutefois, il faut savoir que, pour accéder à ces différentes histoires, il est essentiel de choisir des délusions particulières tout au long du récit, ce qui est loin d’être simple, rien n’indiquant celles qui doivent être positives ou négatives. Heureusement, le jeu effectue une sauvegarde rapide avant chaque choix, permettant ainsi de recharger sa partie si le choix effectué n’est pas le bon. En plus de cela, le jeu nous récompense d’un trophée dès que l’on atteint l’une de ces routes, évitant ainsi la frustration de ne pas savoir si le jeu va, où non, dans une direction inédite.
Ces différents embranchements scénaristiques proposés au joueur créent une certaine illusion de choix et d’influence de ce dernier sur les événements. Malgré cela, l’histoire reste linéaire avec une fin définie. Ces routes supplémentaires permettent uniquement d’en apprendre plus sur certains personnages sans apporter beaucoup d’informations sur le scénario principal.
Heureusement, ces longues heures de lecture sont également accompagnées de visuels et de musiques de très bonne qualité.
Un récit techniquement peaufiné
Tout au long du jeu, le joueur est accompagné par des personnages au chara design soigné. Celui-ci les rend tous uniques et agréables à regarder. De plus, la modélisation des visages fait passer à la perfection les différentes émotions qu’ils ressentent malgré une palette d’expressions quelque peu limitée. Les doublages accentuent grandement la transmission desdites émotions au lecteur. Ceux-ci, disponibles uniquement en japonais, collent parfaitement à chacun des protagonistes ainsi qu’à leur personnalité et rendent ainsi les dialogues très crédibles.
Ces doublages sont également accompagnés d’une bande son efficace mêlant thèmes angoissant et joyeux à la perfection. Elle retranscrit aussi parfaitement les moments de tension de l’histoire.
Les différents décors du jeu bénéficient des mêmes soins que ceux apportés aux personnages et aux musiques. On retrouve ainsi un Shibuya lumineux et fourmillant de vie en son centre, contrasté par des ruelles plus sombres et inquiétantes. Les plans de certaines scènes de l’histoire illustrent efficacement la barbarie des crimes commis. On ne peut s’empêcher, cependant, de constater une certaine répétitivité des décors qui, malgré leur qualité, restent, hélas, assez peu nombreux.
En plus des expressions faciales limitées et des décors peu nombreux, nous pouvons aussi déplorer l’absence d’une traduction française. *Chaos;Child* est, en effet, uniquement disponible en anglais, ce qui pourra en rebuter plus d’un. Sachant, en plus, que le jeu est très verbeux et utilise parfois des termes techniques (décrits en détails dans une encyclopédie consultable à n’importe quel moment dans le jeu), une très bonne connaissance de la langue de Shakespeare est requise pour apprécier pleinement l’histoire, réduisant ainsi le nombre de joueur souhaitant se lancer dans l’aventure.
Malgré ces quelques défauts, *Chaos;Child* est un récit captivant et intense tenant en haleine le joueur du début à la fin, même si on peut quand même noter une introduction un peu longue le temps de mettre les événements en place. Les personnages attachants, l’aspect visuel et la bande son illustrent parfaitement les différents événements de cette histoire dont on ne ressort pas totalement indemne. Tout cela fait de ce titre un excellent ambassadeur du visual novel en France et prouve que ce genre vidéoludique mérite amplement d’être mis en avant chez nous.