Petite digression introductive à mon introduction (Oui, oui, j'ose ! ) :
Mythe, mythologie et légende, voici trois termes relativement proches qui ne sont pas si évident au quotidien à clairement différencier. Pour éviter d'élaborer de complexes définitions, établissons ce qui les unit et les différencie.
Tous trois nous livrent des récits imaginaires à forte connotation symbolique. D'une certaine manière, le mythe est l'unité première de ces notions.
La mythologie est un ensemble de mythes qui cohabitent ensemble dans un même monde, le nôtre fantasmé, et qui peuvent être rattachés à une culture spécifique, un ensemble de valeurs, provenant principalement d'une civilisation ou d'une religion. S'il fallait donc être précis, on ne peut guère aujourd'hui parler comme on le fait souvent, d'une mythologie des comics, car s'il fallait être précis ce sont principalement deux mythologies qui cohabitent aux Etats-Unis, celle de DC Comics et celle de Marvel. Chacune brossant son propre tissage de mythes. Un mythe peut cependant réussir à traverser les âges, sans s'intégrer à une mythologie. L'Europe (la France particulièrement d'ailleurs) ne réussit guère à créer une mythologie propre à sa civilisation, principalement parce qu'elle aime à se reposer sur les mythologies de ces civilisations fondatrices, grecque et romaine. De nouveaux mythes ont continué à naître cependant et à perdurer avec vigueur : Don Juan, Dorian Gray, Dr Jekyll et Mr Hyde, Dracula, Frankenstein....
Outre ces mythes, elle peut se targuer de légendes vivaces, celle de Robin des Bois, mais surtout des Les légendes Arthuriennes, probablement celles qui sont aujourd'hui encore les plus prolifiques. Aujourd'hui encore, le terme de légende est systématiquement associé à cet ensemble de récits, centrés sur divers héros, jamais on n'entend suggérer ici le terme de mythologie. Beaucoup pensent que les légendes contrairement aux mythes laissent place au doute quand à leur réalité historique tandis que la mythologie n'aurait jamais été prise au sérieux. Une petite étude culturelle montre que mêmes les mythologies romaines et grecques furent à certaines époques pris au sérieux. Aujourd'hui encore, on parle toujours de mythologie chrétienne lorsqu'on évoque notamment les différentes créatures spirituelles (anges, archanges, séraphins, chérubins, démons, incubes...), leur organisation (enfer, paradis, purgatoire...), voire leurs récits (La chute de Lucifer , genèse, apocalypse...), et un certain nombre de chrétiens croient précisément à cette mythologie. On ne parle alors pas de légende. Ce terme par contre peut-être associé aux récits concernant Jésus-Christ, les Apôtres ou les Saints. Aujourd'hui, il est utilisé pour mettre en doute la véracité historique de ces récits, à l'origine pourtant le terme de légende est un terme revendiqué par les chrétiens lorsqu'il narrait le récit des saints.
La particularité d'une légende en réalité est bien de circonscrire nécessairement le récit à un contexte historique plus ou moins précis. L'an 0 pour les récits sur Jésus et ses Apôtres, la croisade de Richard Coeur de Lion pour Robin des bois, les premiers roi de Bretagne (on parle de la Perfide Albion là hein, pas de notre douce région) pour les légendes Arthuriennes. Japonais mis à part qui violent souvent nos légendes dans leurs mangas ou animes, ces récits sont intrinsèquement liés à leur contexte historique, c'est pourquoi on parle de légende. Les mythes européens plus récents, cités précédemment, auraient pu n'être que des légendes. Don Juan étant à l'origine très lié à l'Espagne qui suivait la reconquista, Dracula à l'Angleterre Victorienne..., cependant la puissance symbolique de ces mythes les a poussé à dépassé le cadre spatio-temporel originel pour être repris et actualisé à de nombreuses époques.
S'il fallait donc élargir et abâtardir le sens des adjectifs légendaires et mythiques, comme on le fait au quotidien, j'aurais tendance à qualifier une oeuvre de mythique lorsqu'elle n'a en rien perdu de sa superbe par rapport au temps de sa création et je qualifierais de légendaire, une qui fut le parangon de son époque, et qui tout en restant savoureux serait quelque peu ternie si on la comparait à certains de ses successeurs les plus réussis.
Fin de la digression introductive à l'introduction.
Chrono Trigger est, selon moi, une légende méritée du jeu de rôle japonais. Je ne le découvre réellement qu'aujourd'hui avec cette version DS. Je suis persuadé qu'il aurait été à l'époque mon J-RPG, loin devant les Final Fantasy 5 et 6. Il aurait même pu bouleverser ma vision du jeu vidéo, comme le fit Final Fantasy 7 sur PS1 à sa sortie. Aujourd'hui encore, il reste un véritable plaisir à jouer et n'a sur beaucoup de points que très peu vieilli.
Son gameplay est d'une efficacité redoutable. Je restais tout d'abord circonspect devant sa simplicité apparente. Jeu de rôle au tour par tour comme j'aime, il limite cependant ces menus à "Attaque" "Technique" et "objet". L'option technique regroupant finalement tout ce qui n'est pas l'attaque de base, ainsi les magies comme les attaques physiques améliorées. Ces dernières consomment tout autant que les premières les fameux MP.
Je m'attendais tout d'abord à ce qu'un tel système soit très limité, mais la plupart des compétences d'un personnage peuvent s'associer à celle d'un autre personnage pour former une technique qui propre à un duo en particulier. Sept personnages, permettent donc quinze duos différents, chaque duo ayant trois techniques qui leur sont propres, et les quinze trio de personnages ont chacun une technique spécifique. Cela a aussi comme avantage de nous inciter élégamment à varier nos équipes de personnages, sans pour autant nous y forcer.
Ce système pousserait un j-rpg traditionnel à surexploiter l'attaque et à réserver tous ces coups aux boss mais finalement les combats ne sont pas si nombreux. Les ennemis apparaissent à l'écran et ne réapparaissent que lorsque l'on change de zone, on peut très souvent les éviter d'ailleurs. L'avantage est de pouvoir confortablement fouiller les zones, une fois le ménage fait, sans avoir un exploration laborieuse car interrompue toutes les trente secondes par un combat. Le désavantage de ce système habituellement est de rendre le leveling plus fastidieux en obligeant à faire des aller retours entre deux zones impliquant donc au minimum deux temps de chargement. Ce n'est cependant pas un problème dans Chrono Trigger car le leveling n'est absolument pas nécessaire. Si vous combattez tous les monstres que vous rencontrez sur la map, vous pourrez facilement terminé le jeu. Pas besoin non plus d'intense séance de leveling pour rattraper le niveau d'un ou des personnages que vous ne prenez que rarement dans votre équipe et qui a donc accumulé beaucoup de retard. En effet, tout vos personnages même ceux qui ne combattent pas prennent de l'expérience. Certes ceux qui combattent en gagnent davantage et pourront donc au final avoir quelques niveaux d'avance sur les autres. Mais quelques combats avec le personnage en retard permettra alors de le rattraper. Seuls les compétences ne progressent que pour les personnages présents. Si vous souhaitez donc débloqué TOUTES les compétences de TOUS les personnages, un peu de leveling sera certes nécessaire. Mais c'est vraiment une option. Personnellement, quand le gameplay me plait, j'aime bien le leveling. Et je déteste galérer face aux personnages, je préfère ainsi passer des heures à entrainer mes personnages, plutôt que de battre un boss sur le fil du rasoir après plusieurs essais. C'est pourquoi j'ai malgré tout passer du temps à entrainer tous mes personnages au maximum. Et j'en fus récompensé car le jeu est devenu bien plus facile, mais sans non plus rendre les combats une simple formalité. Bref, la difficulté est assez bien dosé pour pouvoir plaire à beaucoup de monde. Seuls se cherchant un jeu très difficile risque d'être déçu par Chrono Trigger sur ce plan. On appréciera aussi que les combats s'intègrent totalement à l'exploration, aucun chargement donc ne vient faire la transition entre les deux temps.
Visuellement le jeu est magnifique, j'aurais aimé le découvrir à l'époque sur Super Nintendo. J'aurais probablement été aux anges. Les personnages dessinés par Toriyama sont très réussis et nous rappellent d'ailleurs avec nostalgie son style. Bien entendu, hors cinématiques et portraits dans les menus, les personnages sont davantage un assemblage de pixel. Cependant ils restent très réussi, on les reconnait facilement et les développeurs ont réussir à bien caractériser leur gestuel et même l'expression de quelques émotions. Aucun personnage ne semble de trop dans l'histoire, intégré de force, et aucun n'est antipathique. Ils restent très classiques cependant, très simples. On assimile certes très rapidement leur caractère, mais qui ne sera jamais vraiment développé. Tout comme le début du jeu commençant par le réveil du personnage, on suit finalement un univers très classique, presque cliché, mais qui n'en est pas moins efficace.
On s'attache notamment à l'univers car on le découvre avec de nombreuses variations. Le jeu ne cessant de nous faire voyager dans le temps, on quitte donc régulièrement l'univers médiéval fantastique très classique du début, pour un univers futuriste post-apocalyptique très classique lui, pour un univers pré-historique très classique, une légère variation 400 ans avant le présent, un passé-futuriste plein de magie. Finalement, l'univers réussit à devenir original par la découverte de ces multiples époques chacune très classique, mais aussi très différente des autres. Le tout permettant donc à l'univers de se complexifier et à l'histoire aussi de prendre une ampleur épique à travers un récit trouvant son début et sa fin sur une période de plusieurs millénaires.
Le scénario rythmé nous fait ainsi vivre différents chapitres, découvrant petit à petit chacune de ces époques, que l'on pourra visiter vers la fin du jeu aux grées de ses envies. Il est à noter, qu'il semble possible d'accéder au boss de fin à presque n'importe quel moment du jeu. Bien entendu le moment que l'on choisira déterminera grandement la fin du jeu. Affronter le boss dès le début du jeu n'est bien entendu une possibilité raisonnable que lors d'un New Game +. Ce mode permettant de refaire l'histoire sans prise de tête permet de motiver le joueur à réellement découvrir toutes les fins. Bien entendu, la durée de vie en est ainsi beaucoup accrue mais non pas de manière démesurée et donc démotivante pour beaucoup. Le scénario de Chrono Trigger est très classique là-encore pour un amateur de J-RPG, outre un début correspondant au réveil du héros, on retrouvera ainsi une princesse qui cache son titre et qui sympathisera avec notre héros qui partira à sa recherche sans connaitre son identité lorsqu'elle disparaîtra. On retrouvera aussi le traditionnel méchant qui cache le véritable méchant, et à la fin du jeu la présence d'un petit boss avant le grand boss. Mais là encore, tout cela se déroule efficacement grâce à l'alternance réussie entre des moments dramatiques et des moments plus légers, sans jamais en faire trop ni dans le comique, ni le pathétique. Un ou deux rebondissement sont même véritablement inattendus. Alors que la simplicité de l'histoire d'un Dragon Quest par exemple me semble rendre le jeu quelque peu enfantin, celle d'un Chrono Trigger qui ne recherche pas non plus la profondeur et la complexité psychologique, ou les dialogues philosophiques, ne m'est jamais apparue puérile. D'ailleurs, même après vingt ans de j-rpg, je n'ai pu m'empêcher d'être surpris par le scénario quand celui-ci se joue des habitudes des joueurs. Lors d'une scène, on pourra par exemple se voir reprocher d'anciennes actions que l'on a accompli, sans penser à mal et par habitude et que l'on pensait anodines, qu'on imaginait pas une seconde avoir des conséquences, si limitées soient-elles. Imaginez ainsi que dans un Zelda, parce que vous avez cassez un pot dans une maison pour vérifier qu'il y ait ou non un objet à l'intérieur, on vous accuse bien plus tard d'avoir saccager une maison et qu'on vous trouve dès lors très suspect. Ces moments rares dans le jeu, sans importances déterminantes non plus, n'en sont pas moins agréablement surprenants d'autant plus pour un jeu de cette époque, où il est rare qu'on réfléchisse dans le jeu à ce qui est humainement logique et non ludiquement logique, si je puis dire.
Et j'oubliais de préciser que les musiques aussi sont très agréables, l'ambiance sonore d'une manière générale est très réussie !
Il m'est très difficile de trouver des défauts à ce Chrono Trigger, tant son expérience a été plaisante. Je pourrais peut-être reprocher cependant le défilé des anciens boss lors du combat final, rendant le combat un peu laborieux, pas spécialement plus difficile, mais plus long, plus embêtant et perdant un peu ainsi en intensité dramatique.
Si ce jeu est donc véritablement légendaire, je ne dirais pas pour autant qu'il est mythique, car il est malgré tout à re contextualiser, car il reste pour moi une catégorie en-dessous des Final Fantasy 7, 8, 9 10, Valkyrie Profile 2 et d'autres. En effet, si je ne peux guère lui relever beaucoup de défauts, je regrette cependant le peu de cinématiques dans cet opus. A l'origine sur Super Nintendo, il n'y en avait bien entendu pas. Quelques animations miment joliment des cinématiques pour l'époque, mais ce ne fut que par la suite sur un portage Playstation que quelques très très très peu nombreuses et très courtes cinématiques ont été rajoutées. Les cinématiques me semblent un élément primordial à la réussite complète de tout jeu se fondant sur son scénario, à tout jeu narratif. Certes il a été prouvé désormais que le jeu vidéo, contrairement aux films, séries, romans, bande-dessinées, inhibent temporairement la compassion du joueur. C'est entre autre pourquoi, il sera très difficile pour un jeu de réussir à nous faire pleurer, infiniment plus difficile que pour un livre, un film, une série... Cependant l'implication émotionnelle du joueur est pour autant réduite. Je me souviens encore, et me souviendrais jusqu'à ma mort, de la mort d'Aerith dans Final Fantasy VII. Et oui, en effet ma compassion inhibée n'a pas permis à mes larmes de couler. Pour autant, si je ne ressentais pas la tristesse qui naît de la compassion, j'ai ressenti bien d'autres émotions, le choc, l'incrédulité, la colère... Et dans un J-RPG, les cinématiques permettent de mettre en scènes les événements primordiaux ne manière beaucoup plus intense. Les personnages apparaissent aussi bien plus réels et surtout bien plus subtils, ne se limitant plus aux quelques émotions figées qu'il est possible de retranscrire avec quelques pixels. Et finalement, c'est ainsi que l'on s'attache bien davantage aux personnages, que le scènes importantes du scénario se gravent dans la mémoire. D'ailleurs dans les quelques secondes que durent les rares cinématiques de Chrono Trigger sur DS, les personnages acquièrent un charisme fou, Chrono, Magus. Et dans la cinématique de fin, la présentation du personnage préhistorique a même pris plus d'épaisseur en quelques secondes en intégrant des traits de caractères qui ne peuvent pas être aussi bien retranscrit à travers de simples dialogues ou une dizaine de pixels. Si une adaptation animée, à la hauteur de ces cinématiques , venait à sortir, je sauterais dessus tellement j'aurais envie de la voir.
En conclusion, Chrono Trigger est un excellent jeu. Il est le meilleur J-RPG de sa génération, la super-nintendo faut-il le rappeler, et des précédentes. Tant son gameplay, ses graphismes que son scénario dénote une véritable maitrise du genre. La structure relativement classique, bien qu'une telle utilisation des voyages dans le temps soit surtout à l'époque assez originale, prouve à chaque instant son efficacité en alliant quelques éléments sympathiques et inattendu à une explorations familière et entrainante. Les contraintes de l'époques cependant, principalement l'absence d'une narration soutenue par de fortes cinématiques, l'empêchent d'acquérir pour moi le statut de chef d'oeuvre que certains Final Fantasy ont pu mériter depuis la Playstation 1. Alternant comme il faut la légèreté et le sérieux, Chrono Trigger pâtit néanmoins de l'absence de ces cinématiques qui lui auraient permis d'acquérir une intensité bien plus remarquable.