Je rêve, donc je suis
Note à moi-même : je serais peut-être quelqu'un de plus joyeux et de moins torturé si je jouais un peu à autre chose que des jeux sur la dépression, les ténèbres intérieures de l'être humain et la...
Par
le 10 avr. 2020
J'ai découvert ce jeu grâce au système de recommandation Steam (qui pour le coup a tapé assez juste je ne sais trop comment d'ailleurs, en tous cas bien plus que l'algorithme moisi de Netflix) et ai profité d'une promotion pour l'acheter vu qu'il semblait plutôt sérieux (en effet, il est assez risqué d'acheter des jeux asiatiques sur Steam, la plupart semblent être un ramassis de merde pour otakus en pleine crise de puberté). Le titre, les images et la description ont largement contribué à me le faire acheter ainsi que quelques passages des rares commentaires.
A ce propos, les commentaires de joueurs indiquent clairement qu'il s'agit d'un "walking simulator" - ou, en français, simulateur de marche - et ils ne sont globalement pas trop à côté de la plaque. Même si la frontière entre le jeu d'aventure 3D traditionnel (Dreamfall, Sherlock Holmes, …) et le simulateur de marche est mince, ici on est quand même dans l'ensemble plus proche de la seconde catégorie. En effet, si le jeu vous fera ramasser des objets ou lettres voire accomplir des tâches, il n'y a pas à proprement parler d'énigmes, de choix ou de véritable interaction. Pour autant, je ne dirais pas que l'on atteint non plus le niveau de passivité de jeux comme Dear Esther, il y a ici un effort de mémorisation des pièces, de choix pertinents pour ne pas tourner en rond voire d'un peu d'"""action""" (assez chiante mais ça passe) dans un des chapitres du jeu. Il est néanmoins très difficile de se perdre définitivement (tout au plus vous tournerez en rond cherchant le prochain truc à débloquer malgré une carte par chapitre, sachant que la progression peut varier selon ce que vous toucher, à l'intérieur des chapitres et en dehors). Une partie du jeu fait planer l'ombre de la mort mais une sauvegarde et c'est reparti. Bref, Cineris Somnia n'est pas du tout difficile et si vous êtes un joueur occasionnel comme moi il n'y aura pas de souci.
D'un point de vue technique, la jouabilité - sans être horrible - rappelle celle des jeux PS2 d'horreur/aventure. La marche est un peu lente, les mouvements pareil et tout est très basique. Cependant, la jouabilité à la souris rend le pivotement rapide, ce qui sera d'ailleurs indispensable à un moment… Tout se limite à marcher et cliquer sans cible précise, vous vous placez à côté d'un objet/d'un endroit et vous "examinez". Parfois, vous chercherez un objet à utiliser comme une clé, mais aucune combinaison. Sachant que le jeu dure entre quatre et cinq heures, ce qui est assez long vu les modalités de jeu, vous êtes prévenus ! Si vous êtes déjà allergique à ces jeux quel que soit le niveau de narration, c'est MORT. En tous cas, gardez à l'esprit que c'est un jeu entre l'aventure 3D et le simulateur de marche à la troisième personne.
Si le gameplay est si simpliste, pourquoi l'avoir fini dans ces conditions me demanderez-vous ? Eh bien cela me semble évident pour ce type de jeu : pour l'atmosphère, pour la narration et - c'est spécifique à ce jeu - pour la subtilité générale de l'ensemble.
S'il est difficile de parler du scénario sans dévoiler des segments importants de l'aventure à découvrir soi-même, grosso modo le jeu commence par la prise ne main d'une petite fille qui se réveille sur une plage. Sa sœur, sa mère ont disparu et elle se dirige vers un phare. A ce stade, le jeu est à 100% un simulateur de marche, il faudra attendre plusieurs minutes pour enfin avoir un peu d'interaction. Bref, dans ce phare, après avoir lu des lettres étranges ici et là, elle tombe sur un homme vêtu de noir avec des yeux verts dorés. Il se tourne vers elle et voilà que commence le jeu qui vous emmènera dans trois situations distinctes impliquant des petites filles. Le ton est plutôt morose, voire proche du poncif de larmoiement japonais. Malgré cette dernière petite phrase, sachez néanmoins que le jeu est assez sobre tout simplement car il emprunte énormément à des figures du genre "horrifique" comme Rule of Rose dont il partage plusieurs codes de narration jusqu'au poisson géant qui se retrouve dans l'environnement on en sait trop pourquoi. En effet, chaque endroit du jeu est globalement vide sauf une personne. On entend d'autres gens au travers des portes seulement ou on lit leurs lettres mais jamais on ne les voit.
Se présentant comme une exploration du subconscient/du rêve, le jeu voit ses décors se transformer, les objets changer de place, de texture (et en général vers le plus gore) pour illustrer l'état émotionnel, état émotionnel porté d'une main de maître par une bande sonore exceptionnelle (je l'ai d'ailleurs achetée avec le jeu, c'est une sorte de pourboire...et pour le coup un sacré bon achat !). Ainsi, la narration est assez sporadique bien que globalement assez explicite. Seules les conclusions et implications seront plus tacites. D'ailleurs le jeu repose sur des thèmes communs comme la solitude, la déliquescence, le rapport père-fille, etc. Rien de bien difficile à saisir d'ailleurs, il ne s'agit pas de symbolisme à décrypter mais de symbolisme figuratif des sentiments, etc. Ce symbolisme est d'ailleurs bien plus puissant que les lettres, la plupart ayant un contenu peu passionnant mais nécessaire à cette peinture générale dans leur somme.
Le jeu se clôt par plusieurs fins, la "meilleure" (que j'ai vue sur internet, inutile de dire que je ne risque pas de refaire le jeu même s'il est passionnant une fois tant le gameplay peut être pénible à la longue ; en plus je n'y retrouverai surtout pas la même chose, c'est une aventure qui se vit une fois) demandant de récupérer des objets. Ces objets n'ont d'ailleurs rien de spécial et n'impliquent pas une exploration poussée, juste de sans arrêt faire attention à avoir cliqué sur tout à tout moment et surtout dans les moments où l'on se détend. Bref, rien de bien intéressant pour une minute de plus avant la fin. Le pire, c'est que si vous avez loupé un ce ces objets, impossible de revenir au chapitre donc...voilà. Ce qui est dommage est de rater le beau générique blanc et le nouvel écran d'accueil mais bon… Pour ma part, j'ai eu la fin standard déjà relativement belle et suffisante (la meilleure fin explicitant la situation) mais il est aussi possible de sombrer dans le "cauchemar" si vous échouez dans un des chapitres, chapitres que vous arpentez dans l'ordre que vous voulez mais je vous déconseille de commencer par le papillon noir. Avant ces fins, les trois histoires sont proches sur le thème global mais chacune a un style différent. Une seule des trois se démarque par son gameplay mais je vous laisse découvrir…
Quoi qu'il en soit, Cineris Somnia offre une bien belle aventure relativement profonde malgré le thème un peu facile dans l'imaginaire japonais. Vécues du point de vue d'un observateur mystérieux, les histoires du jeu se dévoilent avec une subtilité et un sens artistique remarquables. Sans coup d'éclat mais pourtant poignant, Cineris Somnia demande d'adhérer à ses conditions de jeu pour en profiter. En effet, c'est le genre de jeux auquel on joue pour sa seule caractéristique principale en signant pour toutes les choses négatives qui vont avec (même si ici la jouabilité n'est pas horrible non plus, j'ai vu pire comme dans Deadly Premonition). Si vous aimez le symbolisme à fleur de peau et ce style de narration, vous ne perdrez pas grand chose avec ce jeu qui est un petit trésor caché derrière une façade qui aurait pu faire penser à un énième jeu indé japonais moisi. Je lui mets un 8/10 mais dans l'absolu ce serait plutôt un 7/10. La raison est que le manque de budget se voit dans la densité générale, pour autant l'ensemble reste captivant et avec un budget de AA on aurait sans doute eu un enrobage qui aurait pu en faire un chef d'œuvre. Bravo.
Créée
le 10 mars 2019
Critique lue 429 fois
1 j'aime
D'autres avis sur Cineris Somnia
Note à moi-même : je serais peut-être quelqu'un de plus joyeux et de moins torturé si je jouais un peu à autre chose que des jeux sur la dépression, les ténèbres intérieures de l'être humain et la...
Par
le 10 avr. 2020
Du même critique
Le problème quand on critique un jeu de gestion c'est de réussir à prendre en compte le prix du jeu tout en en évaluant l'intérêt ludique absolu qui repose grandement sur le contenu en sus des...
Par
le 13 mars 2014
31 j'aime
6
Aucune critique négative sur un tel film ? Il doit y avoir une erreur, ce n'est pas possible...heureusement, la nature a horreur du vide et je suis là pour le combler. Commençons sans détour : ce...
Par
le 7 août 2019
20 j'aime
1
Le titre pourrait paraître contradictoire étant donné que je suis un fan absolu des Misérables de Josée Dayan mais il s'agissait d'une des rares superproductions qui contredisaient la règle. Pourquoi...
Par
le 11 déc. 2018
19 j'aime
2