Clock Tower: The First Fear
7.6
Clock Tower: The First Fear

Jeu de Human Entertainment (1995Super Nintendo)

Un bon Point & Click horrifique sur Super Nintendo, et pourquoi pas ?

Un Point & Click horrifique sur Super Nintendo, la vie est parfois pleine de surprises et cette console aussi, à l’image des développeurs de chez Human Entertainment, démultipliant jeux de sport et jeux de course automobile plutôt moyenne gamme en temps normal, se mettant à explorer un mélange des genres des plus audacieux à l’exact opposé des plus gros titres de la machine et un an avant la popularisation du genre horrifique par Resident Evil sur la génération suivante. Cette soudaine qualité dans leur ludothèque s’explique probablement par le game-designer du jeu, Hifumi Kono, qui se retrouve à ce poste pour la première fois et qui dirigera dans la suite de sa carrière quelques jeux tout aussi méconnus mais très appréciés tels que les Steel Battalion dans les années 2000.



GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★☆☆☆☆



Si la lenteur du Point & Click peut être présagé comme inapproprié au genre horrifique, les menaces évoluant en temps réel sur l’écran et la possibilité d’accélérer les pas de notre protagoniste permette au mélange des genres d’opérer assez efficacement dans ses mécaniques de bases. Les commandes de ce Point & Click sont ainsi extrêmement simples, on ordonne au personnage de se déplacer en marchant ou en courant vers sa gauche ou vers sa droite, on lui demande d’aller interagir avec un élément du décor dont on voit qu’il peut y avoir une interaction avec ou sans objet de notre inventaire, en étant aidé par un curseur changeant de forme selon si l’interaction est possible ou non.


Vous aurez remarqué que j’ai seulement parlé de pouvoir interagir, ce qu’il faut comprendre c’est que c’est la même commande pour examiner ou pousser un objet par exemple, ce qui fait que pour passer de l’un à l’autre, il faut qu’un script précis se soit déroulé, ce qui peut gêner la progression un peu bêtement. **On retrouve ainsi tous les petits problèmes inhérents au genre du Point & Click de ces années-là :**devoir balayer l’écran pour être sur de ne pas louper les interactions possibles, penser pouvoir faire quelque-chose en combinant un objet à un décor alors que ça n’a pas été prévu par les développeurs…


Le sentiment d’urgence propre au genre horrifique peut ainsi vite être problématique, contradictoire avec des actions que l’on pense a priori possibles et qui s’avéreront finalement impossibles, voire même en ordonnant des déplacements au lieu d’une action sur place à cause d’une ergonomie perfectible, nous faisant perdre un temps précieux. Pour pallier le problème, entraînant de nombreux échecs, surtout au premier run, un système de checkpoint très permissif a été mis en place. Ce n’est pas plus mal mais ça montre bien le problème, les développeurs partant du principe que l’on mourra souvent et que le maniement n’est pas suffisamment fun pour justifier des retrys intempestifs.


Pour en revenir aux commandes, il y a tout de même un élément de gameplay important dont je n’ai pas encore parlé : la gestion du sang-froid. Dans l’idée c’est excellent, dans l’exécution je n’en dirais pas tant… Matraquer une touche pour en limiter les effets est assez paradoxal mais surtout pas très plaisant, la commande de méditation est trop contraignante à la longue vu le délai de récupération imposé, surtout comparé à la chute vertigineuse du sang-froid pour un rien. Je trouve que c’est un peu nul finalement comme mécanique de défense, heureusement on a pas à le faire trop souvent.


Le plus souvent, il nous faudra comprendre comment sortir d’un endroit facilement ou bien se planquer pour échapper au némisis-like invincible et mortel qui nous poursuivra tout du long du jeu. Comme quoi Résident Evil 3 n’a absolument pas inventé ce concept bien qu’il en ai donné le titre, et celui-ci est particulièrement efficace sur le plan ludique, une vraie surprise pour l’époque ! Ça se mêle notamment très bien au travail sur les scripts pour la mise en scène qui peuvent aider à semer notre agresseur de bien des manières. Ce n’est pas non plus parfait, plusieurs impasses seront répétées jusqu’à ce que le script fasse partir le tueur sans que l’on comprenne pourquoi, mais généralement ça marche bien, à l’image du gameplay dans son ensemble.


Le jeu n’est pas très long en contenu, 2 à 3 heures suffiront pour en faire le tour, encore moins si l’on débloque certaines fins plus rapides que d’autres, mais des pièces sont interverties d’un run à un autre et des scripts assez variés permettent un bon potentiel de rejouabilité des plus bienvenus. Si ce n’est donc pas là que Clock Tower se démarquera le plus, la proposition originale tient tout de même la route malgré quelques maladresses et lourdeurs. Il est temps d’aborder un point sur lequel le jeu fera preuve de beaucoup plus de maîtrise à mon sens.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆



Sorti en fin de vie de la console, en 1995, on a sans surprises droit a une réalisation de bonne qualité avec des décors fournis en détails, l’éclairage offrant des versions très différentes les unes des autres d’une même pièce, des animations plutôt bien décomposées, des effets de brume assez bien rendus, des bruits de pas forts et dépendants des surfaces… Mais là où la réalisation m’a le plus impressionné, ce n’est pas tant sur le rendu visuel à proprement parler que sur les différents scripts amenant une mise en scène en temps réel des plus développées.


Certes, ça peut être assez simple dans l’idée, comme le sol s’effondrant sous nos pieds une fois que l’on arrive à un endroit précis, assez cliché. Mais ça peut aussi être beaucoup plus élaboré, je me souviendrai toujours de ce moment où je vois l’ennemi sortir de la pièce, me disant c’est bon je suis tranquille, et là paf il défonce le plafond au dessus de moi et me découpe en morceau, le coup de flippe total assuré par un ensemble de scripts se mêlant parfaitement pour que la tension s’instaure, s’apaise pour enfin resurgir brutalement. En ce sens, Clock Tower est un incontournable de l’histoire des survival-horror, étant l’un des premiers jeux à utiliser aussi efficacement une mise en scène suscitant aussi bien la peur par le biais du jeu vidéo.


L’écran-titre reflétait déjà ces intentions avec l’apparition du titre lettre par lettre en fonction des notes angoissantes et sons de cloche, et ça se confirme par la suite. Les différentes postures du portrait de la protagoniste permettent aussi d’assez bons feed-backs horrifiques, avec un code couleur représentant le niveau de panique, un zoom sur l’œil pour témoigner de l’effroi suscité par ce qu’elle regarde… utilisant ainsi habilement les contraintes de la 2D pour servir au mieux l’expérience horrifique. Il est surtout dommage que les plans d’illustrations en grand plan soient si pixelisés, mais même là le jeu peut réussir à justement jouer sur le fait que le personnage n’est pas semblé bien voir, comme avec un cadre photo abîmé.


Les très nombreuses références esthétiques au film d’horreur Phenomena, dans les décors comme dans le chara-design, manquent peut-être d’originalité en ce sens mais certainement pas de pertinence pour cet univers angoissant. Plusieurs découvertes macabres pendant l’aventure sauront choquer les âmes sensibles, corbeaux décapités accrochés au mur, créatures étranges piégées dans des bocaux... sans même parler de ce que l’on découvre derrière ce joli rideau rouge, pour ne certainement pas proposer un survival-horror timide dans ses visuels.


La musique principale du titre est excellente pour appuyer les phases de tension comme de panique et les autres notes pouvant être poussées tels des cris perçants contribuent bien à l’aspect anxiogène. Elle sera également efficacement dans le registre de la mélancolie au cours d’un passage bien précis, à ne pas oublier. Seules certaines partitions très dynamiques me semblent un peu hors-sujet mais ce n’est pas très grave, elles ne parasitent pas l’excellent travail rendu par ces petites notes cristallines tels des frissons d’angoisse. Voyons désormais scénario et narration qui ne sont pas en reste également.



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★☆☆☆



Si l’introduction du jeu est celle de la mise en place d’un slasher des plus classiques, elle recourt à une astuce plutôt ingénieuse pour ne pas devenir trop bavarde sans pour autant ne créer aucune empathie pour les personnages, tout est centré sur la protagoniste attachante de par sa seule apparence et par l’évocation au personnage du film Phenomena. C’est un procédé un peu paresseux certes, mais qui pour moi est très efficace, que ce soit avant ou après avoir vu le film, j’avais peur pour ce personnage d’apparence si innocente confrontée subitement à un monde d’horreur qui la dépasse, et ça s’est renforcé de par le fait qu’elle évoque autant le personnage du film.


Clock Tower ne fait pas que référencer gratuitement le film Phénoména, il en reprend vraiment des éléments d’intrigue fondamentaux, notamment pour l’antagonisme auquel on doit faire face, dans ses origines, ses motivations, son mode opératoire... c’est presque une adaptation non officielle à ce niveau-là. Mais comme le film est plutôt bon et peu connu, ça passe très bien pour ce jeu qui innove déjà beaucoup dans d’autres domaines, se reposer ainsi sur les forces scénaristiques et narratifs d’un film d’horreur efficace et méconnu s’avère à mes yeux un bon choix.


Le récit du jeu a su notamment reprendre du film ce qui l’intéressait en laissant tomber tout ce qui n’y aurait pas sa place. Pas besoin d’avoir vu le film pour comprendre l’intrigue du jeu qui dispose de tous les éléments pour s’appréhender par le jeu seul. Il faut juste accepter le rythme qui réserve ses révélations en fin de partie avec une première axée sur l’ambiance, étant donné la courte durée de vie du titre ce n’est pas bien grave. Il ne faut pas être allergique bien entendu à certains clichés du genre, ce dernier étant très codifié de toute manière.


Il y a aussi quelque-chose d’autre qui peut déplaire, même si personnellement je préfère y voir une force, le passage le plus émouvant et le plus chargé en informations du jeu peut être manqué. C’est vraiment incontournable pour comprendre le scénario du jeu, les motivations des uns et des autres et avoir un peu de background pour notre protagoniste, et c’est un récit des plus tragiques. Je trouve ça très audacieux d’avoir rendu cette partie facultative et ça vient récompenser le joueur qui va jusqu’au bout du jeu, ce qui est logique vu ses nombreuses fins.


Ces multiples fins sont assez bonnes dans l’ensemble et bien incitées qui plus est avec le système de sauvegarde particulièrement bien fichu pour l’époque. Même la plus mauvaise fin est une très bonne fin en soi, pas du tout bâclée, avec un vrai sens de la mise en scène très surprenant, un message qui lui est propre, des petites variations selon la progression avant de la débloquer… C’est particulièrement soigné en tout point et ça permet de quitter le récit et cette critique sur une bonne note avant de conclure dans le même état d’esprit.



CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆



Entre ses nombreuses références narratives et esthétiques au film d’horreur Phénomena dont il s’inspire beaucoup, Clock Tower s’avère être un bon mélange des genres Point & Click et Survival-Horror grâce à une ambiance anxiogène réussie dans ce manoir post Alone in the Dark mais pré Resident Evil, une OST bien flippante et bien exploitée, des mises en danger surprenantes par un Némésis-like particulièrement tenace et fourbe, une dizaine de fins possibles et une dimension aléatoire pour le potentiel de rejouabilité... Un titre assez original dans la ludothèque de la Super Nintendo pour laquelle il fut une exclusivité temporaire des plus curieuses et intéressantes.

damon8671
7
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le 10 déc. 2020

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damon8671

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