C'est un plaisir habituel de cinéphile que de visionner les premiers courts métrages de ces cinéastes favoris, dans l'espoir de parvenir à déceler, dans le meilleur de cas, les prémices de la future filmographie de génie qui transparaît déjà en dépit des contraintes techniques et des maladresses de jeunesse. Et si c'est une expérience hélas beaucoup plus rare dans le jeu vidéo, c'est pourtant ce que nous propose ce Cloud révélant déjà en son temps les clés du génie interactif de Jenova Chen.
En effet tout est déjà en place : le parti pris intimiste et humain plaçant le joueur dans les rêves aériens d'un enfant malade, le gameplay instinctif délaissant les obstacles pour privilégier la sensation onirique de liberté et même la touche mélancolique d'écologie qui saupoudre l'ensemble. Pour le reste, ces nobles ambitions n'étaient évidemment pas encore concrétisées à leur paroxysme dans ce premier jeu. Les contraintes techniques offrent bien sûr un rendu visuel grossier en comparaison de l'imaginaire foisonnant de Journey mais surtout contraignent le joueur à ne voler que sur un plan horizontal, ce qui amoindrit considérablement le sentiment de liberté qu'essaie de véhiculer l'expérience interactive. Enfin quelques maladresses bien compréhensibles de Game Design ternissent le tableau de par un manque de clarification des objectifs contrairement aux chefs d’œuvres ultérieurs de Jenova Chen.
Mais malgré tout il serait dommage de ne pas s'intéresser à cette première expérimentation, gratuite de surcroît, si vous avez été sensibles à la démarche humaniste de Flower et Journey dont la réussite émotionnelle n'était vraiment pas due au hasard comme le démontre ce premier essai perfectible mais déjà gorgé de bonnes intentions. Et il ne serait d'ailleurs pas inintéressant de voir un remake de ce projet qui possède un potentiel certain dont Jenova Chen et son équipe sauraient aujourd'hui le transcender avec brio.