Control
7.3
Control

Jeu de Remedy Entertainment et 505 Games (2019PlayStation 4)

La réputation de Remedy Entertainment n’est plus à faire : après avoir donné vie à Max Payne et à Alan Wake, deux des héros les plus cultes de l’industrie, chacune de leurs productions est attendue comme un événement. Pourtant, après un Quantum Break qui en a déçu plus d’un, le studio Finlandais doit prouver qu’il est encore à la hauteur lorsqu’il s’agit de proposer des expériences narratives portées par leur gameplay. Control signe-t-il ce retour en force ?


Perdre le contrôle


Le premier contact avec Control en surprendra plus d’un : oui, l’histoire évolue aux confins de l’étrange, du paranormal, dans un univers où les bizarreries extra-dimensionnelles sont monnaie courante. Le pitch, lui-même, pourra décontenancer : en quête de réponses, Jesse Faden se rend au Bureau Fédéral de Contrôle et, en ramassant l’arme gisant sur le cadavre du directeur, en devient immédiatement la nouvelle directrice !
Cette promotion inattendue ne sera que le cadet de ses soucis car elle devra très vite affronter une menace surnaturelle, le Hiss, une sorte de virus psychique qui, dans le meilleur des cas, plonge les employés dans un état de lévitation léthargique et, dans le pire, les transforme en ennemis redoutables.
De prime abord, le scénario pourra donc paraître cryptique, d’autant plus que les personnages non-jouables ont la fâcheuse habitude d’utiliser un jargon d’abord indéchiffrable. Mais qu’est-ce qu’un ODP ou un EAM ? Et pourquoi ne semblent-ils pas surpris par le fait qu’autant de leurs collègues soient morts ? À cela s’ajouteront d’autres excentricités, comme les voyages sur un autre plan astral, les apparitions fantomatiques de l’ancien directeur ou le fait de tirer trois fois sur une tirette pour se téléporter dans un hôtel. Quelque chose ne tourne décidément pas rond dans l’Ancienne Maison, le quartier général du FBC.


Une narration sous contrôle


Si le contexte dans lequel évolue notre héroïne peut être difficile à appréhender, il y a pourtant une réponse à chaque mystère. Ainsi, Control se vit un peu comme une enquête : il faut arpenter le Bureau pour comprendre ce qui s’y passe. C’est peut-être l’un des meilleurs aspects du titre : transformer cette intrigue obscure en quelque chose de familier.
Jusqu’à présent, les productions Remedy parlaient plus d’un personnage que d’un univers. Max Payne était le héros, New York n’était qu’un décor. Control, c’est l’inverse : Jesse Faden s’efface pour mieux laisser briller l’Ancienne Maison, le véritable protagoniste de cette aventure. Notre quête nous mène ainsi dans ses différents secteurs, de la recherche au confinement, et on s’apercevra bien vite qu’ils font tous sens dans l’univers. À quoi sert exactement le laboratoire de synchronicité ? Ou la zone de parapsychologie ? Dans les décors ou dans les documents laissés à notre disposition, on trouvera toujours des réponses. En cela, le soin apporté aux détails est tout simplement édifiant, d’autant plus que Control n’est pas avare en easter eggs et en trouvailles fascinantes pour ceux qui prendront le temps de l’observer sous toutes les coutures.


Des dérapages mal contrôlés


Si l’exploration de l’Ancienne Maison peut donc s’avérer passionnante, la quête de Jesse Faden est en revanche un peu plus classique. Attention, elle n’est pas ratée pour autant ! Son parcours sera toujours ponctué de nombreuses révélations et de nouveaux mystères. Néanmoins, l’héroïne n’est pas aussi attachante que les protagonistes habituels du studio et certains rebondissements paraissent parfois un peu faciles. De la même manière, on sent parfois que les détours que prend le scénario ne sont qu’une excuse pour nous faire visiter une nouvelle zone du FBC. Quant au climax final, il paraît étrangement expédié, comme s’il fallait s’empresser de conclure.
Ces quelques déceptions ne causent heureusement pas trop de tort à la qualité du récit, suffisamment riche et complexe pour rester passionnant de bout en bout. Remedy Entertainment ne manque d’ailleurs pas d’idées pour raconter son histoire à travers le gameplay : vidéoprojecteurs, enregistrements audio, visions surnaturelles ou même des séquences filmées en live-action, tout y passe ! Toutefois, cela ne nous empêche pas de pester en découvrant qu’il faut rester à côté des enregistrements audio pour les entendre (il y a plus de 10 ans, BioShock prouvait que l’on pouvait se battre et écouter en même temps !) ou encore qu’il y ait trop, mais beaucoup trop de documents papiers. Non pas que la lecture ne soit pas notre fort, loin de là, mais on ramasse littéralement un nouveau document tous les trois mètres, ce qui nuit considérablement au rythme de l’aventure ! Au total, on en compte plus de 250 : pensez au tri.


L’oppression à l’état brut


Ce qui frappe d’entrée de jeu, avant même nos premiers affrontements, c’est l’incroyable atmosphère dans laquelle nous installent les créateurs d’Alan Wake. Inspirée par ce que le brutalisme architectural a fait de meilleur, l’Ancienne Maison est majestueuse et étonnamment variée. Malgré son style sobre et ses énormes blocs de bétons, les artistes de Remedy ont concocté des lieux à la mise-en-scène éblouissante, jamais redondants, jouant sur les échelles de grandeur, les éclairages, les effets de contraste et la disposition du mobilier pour offrir des décors qui ne cessent de claquer la rétine. En outre, puisque tout est destructible, il y a un étrange plaisir à contempler des surfaces lisses qui seront ensuite plongées dans le chaos au moindre affrontement.


Ces décors, aussi ravissants soient-ils, sont également oppressants. Tout, de l’architecture aux noms des niveaux s’affichant en grand à l’écran, favorise un sentiment d’encloisement permanent. Cette claustrophobie est alimentée par une ambiance sonore cultivant le malaise. Même si l’on sillonne de longs dédales dans la solitude la plus totale, ces derniers sont rarement plongés dans le silence. Autour de nous, le Hiss s’exprime au travers des corps suspendus dans les airs, dans un discour sans queue ni tête mais effrayant à souhait. S’ajoutent à cela des voix humaines déformées ou encore un le bruit d’un « sifflet de la mort » que les aztèques utilisaient pour terroriser leurs ennemis. Et comme si cela ne suffisait pas, le studio Finlandais fait appel à Martin Stig Andersen, l’improbable compositeur des glaçants Limbo et Inside, ainsi qu’à Petri Alanko, le compositeur d’Alan Wake et de Quantum Break, pour qu’ils mélangent leurs terrifiants univers. Inutile de préciser que, grâce à cette atmosphère unique, Control n’est jamais très loin d’être un jeu horrifique. Heureusement, pour alléger le tout, les habitués de Remedy seront ravis de retrouver les Old Gods of Asgard, qui offrent quelques pistes métal dont ils ont le secret.


Le DOOM-like inattendu


D’accord, l’histoire et l’ambiance valent le coup, mais est-ce un bon jeu de tir ? La réponse est oui. Grâce à ses mécaniques mélangeant pouvoirs psychiques et armement futuriste, Control parvient à être constamment vif et explosif. Concept original, Jesse ne possède qu’une seule arme mais celle-ci est capable de prendre plusieurs formes : du pistolet au fusil à pompe en passant par la mitrailleuse et le sniper. Dans tous les cas, les sensations sont bonnes, à l’exception peut-être du lance-missile qui semble étrangement faible. Par la simple pression d’une touche, on passe d’une forme à l’autre parmi les deux que l’on a équipées. C’est simple et efficace.


En parlant de simplicité, il n’y a pas besoin de gérer ses munitions puisqu’elles sont illimitées et se rechargent automatiquement. La seule contrainte que le joueur doit prendre en compte est un système de surchauffe qui l’oblige à alterner régulièrement entre son arme et ses pouvoirs. Ces derniers permettent à Jesse d’esquiver, de créer un bouclier à l’aide de gravas, de prendre le contrôle de ses ennemis, de lancer des objets par télékinésie et même de s’envoler. Si le jeu est amusant, c’est principalement grâce à toutes ces mécaniques qui forment un éventail de possibilités jouissif !


Extrêmement facile à prendre en main, le titre de Remedy offre un plaisir de jeu immédiat. À notre grande surprise, ses sensations sont plus proches d’un DOOM que d’un Gears of War. Cela s’explique par l’absence de couverture et de régénération de vie automatique. Pour regagner de la santé, il ne faudra donc pas rester à distance des ennemis mais, au contraire, se précipiter vers eux pour récupérer les soins qu’ils laissent derrière eux quand ils sont blessés. Ainsi, par essence, Control est un jeu qui se vit dans l’instant et demande davantage de réactivité que de précision. Pour survivre, il faudra savoir attraper la roquette d’un ennemi à temps, en exécuter un autre à proximité pour récupérer de la vie ou esquiver des attaques in-extremis tout en mitraillant au jugé. Le rythme de jeu est frénétique et le plaisir naît du mouvement constant. Cette fulgurance compense d’ailleurs le fait que les adversaires se renouvèlent finalement assez peu et souffrent d’une intelligence artificielle un poil trop sommaire. Et ce ne sont pas les quelques boss qui relèveront le niveau, ceux-ci n’étant généralement que des ennemis lambdas avec plus de vie.
Enfin, pour nous tenir en haleine pendant les quinze heures qui composent l’aventure, on trouvera des missions secondaires plutôt inspirées (et d’autres dispensables), des énigmes ingénieuses sans être trop difficiles ainsi que de véritables moments de mise en scène qui nous marqueront durablement.


Contrôle Technique


Aïe aïe, j'ai bien peur qu'il faille faire quelques réparations avant qu'il ne passe ce contrôle là. Sur PS4 normale, c'est la catastrophe. Sur PS4 Pro, c'est honnête, malgré quelques chutes de frame qui posent problème. Privilégiez le sur un bon PC.


Contrôle sur table


En choisissant de se focaliser davantage sur son univers que sur son héroïne, Remedy Entertainment donne naissance au personnage le plus fascinant de son illustre carrière : L’Ancienne Maison est d’une richesse telle qu’on aimerait en voir plus dans le jeu vidéo. Remplie de détails, d’histoires étranges et renforcée par une cohérence rare avec sa direction artistique et son atmosphère sonore, c’est elle qui nous fascine le plus. Une réussite qui n’est en rien entachée par les phases d’action, rendues jouissives par les pouvoirs de Jesse Faden et le rythme des affrontements. Si cette dose d’adrénaline nous prouve bien une chose, c’est que Control s’inscrit dans la droite lignée des plus grands jeux du studio Finlandais.

Créée

le 16 janv. 2020

Critique lue 497 fois

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