En toute franchise, je n’aime pas Crysis (Crytek, 2007). Sous bien des aspects un héritier de Far Cry (même studio, 2004), il en reprenait les concepts de base – les mécaniques de jeu comme une bonne partie de l’environnement – mais sans en corriger les défauts pour autant, voire parfois même en les amplifiant. Une fois ajoutée la complexification du game design par l’introduction de la nanocombinaison, au demeurant un élément tout à fait intéressant sur le papier mais dont l’implémentation souffrait de contrôles peu intuitifs, le jeu devenait vite une corvée que son récit à base d’intrigues nord-coréennes et saupoudré d’une menace d’invasion extraterrestre ne pouvait parvenir à sauver. Le titre rencontra néanmoins son succès, tant public que critique.
Avec celui-ci vint logiquement une suite, cette fois pensée pour le marché des consoles de salon et donc assez simplifiée tant au niveau du level design que des contrôles compte tenu des limitations matérielles de ce type de support. De cette épuration d’un certain agrément au final plutôt accessoire sortit un titre peut-être un peu moins exigeant, ou plutôt moins permissif, mais surtout bien plus digeste. Voilà un principe de base de la conception de jeu : si un élément n’est pas nécessaire, il est certainement superflu – ce que les créateurs de jeux vidéo oublient souvent, peut-être en raison des facilités que permet le matériel informatique en comparaison de l’analogique : je pense en particulier au cas des jeux de plateau.
Bien sûr, les fans du premier Crysis ne le virent pas ainsi et très vite après la sortie du jeu, les complaintes habituelles saturèrent les relais d’information dédiés. Rien de nouveau sous le soleil. On peut néanmoins souligner que cette suite d’un titre devenu une référence dans son genre illustre un cas d’école toujours plus récurrent avec le succès croissant du jeu vidéo auprès d’une audience pas forcément profane mais néanmoins plus soucieuse du pur plaisir de jeu que de la performance. Si certains n’hésitent pas à affirmer que cette popularisation du jeu vidéo implique sa dégradation, il vaut de noter qu’un tel processus concerne tous les médias, quels qu’ils soient, dès que ceux-ci sortent du registre du confidentiel pour toucher le grand public…
On peut malgré tout s’accorder sur le fait qu’un autre aspect du titre présente, lui, une maturation certaine : son récit, ici scénarisé par l’auteur de science-fiction Richard Morgan dont les sensibilités intellectuelles trouvent là une place de choix pour s’exprimer. Outre ses nombreux rebondissements, somme toute assez attendus dans ce type de production, Crysis 2 propose ainsi quelques réflexions, sommaires mais néanmoins bien présentes, sur certains concepts typiques du transhumanisme en plus d’orienter les éléments de base du premier opus de la série dans une direction pas forcément originale mais en tous cas bien moins clichée. On apprécie en particulier comment l’antagoniste principal y prend un visage tout à fait… humain.
Plus qu’une simple suite, Crysis 2 s’affirme avant tout comme une évolution d’un titre en fait moins novateur dans ses mécaniques que dans sa technique. Pour son emphase sur le plaisir de jeu et sur l’ambiance, ainsi que pour son récit porteur d’idées rafraichissantes et substantielles, le successeur surpasse bel et bien l’original sur les plans principaux, ceux qui en font une expérience méritant votre temps.