Dark Souls II : le test au stérone
Ah, Dark Souls. Si en cuisine on doit aux japonais l’identification de l’umami, ce fameux 5ème goût que l’on peut traduire grossièrement par « savoureux », dans le domaine du jeu vidéo on leur doit aussi ce chef-d’œuvre exquis pour gamers avertis. Pour rappel, Dark Souls (et Demon Souls avant lui) confrontait le joueur à un univers plus qu’hostile, où l’injustice côtoie la mort violente et la perte d’esprit.
Nous voilà donc à nouveau maudit, incapable de sentir l’étreinte froide et définitive de la Mort, en train de parcourir à l’état de mort-vivant des terres désolées mais peuplées de mille dangers. Mais pourtant il vous faudra vaincre de puissants adversaires pour espérer briser la malédiction et empêcher la folie de gagner ceux qui errent depuis trop longtemps sous forme de carcasse, sans perdre votre propre raison. Pas évident lorsque l’on se voit mourir encore et encore, pour toujours se relever… et peu seront assez secourables pour vous aider dans votre quête.
Fort heureusement pour les nouveaux joueurs, From Software a appris à varier ses ingrédients. Une fois votre classe de départ choisie (guerrier, chevalier, sorcier, clerc, et bien d’autres) , la zone faisant office de tutoriel se trouve cette fois-ci pavée – littéralement – d’explications sur les manœuvres de base du jeu. Les anciens eux se retrouveront immédiatement en terrain connu, mais il leur restera tout de même à appréhender les différences notables de timing et de gestion de l’endurance par rapport à l’épisode précédent.
Les combats restent précis et mortels, d’autant que les ennemis – généralement en surnombre – profitent maintenant de plus de patterns d’attaque et seront à même de vous surprendre. Même remarque pour les très nombreux boss, qui pour le coup ne seront pas tous mémorables, mais qui vous feront souvent hurler de rage tant que vous n’aurez pas saisi à la perfection leur panel complet d’attaques.
Et alors que l’on traverse le ravin sombre sur lequel débouche la zone-tutoriel, praised be the sun, vous allez en prendre plein la vue. Le premier regard sur Majula, petite bourgade à l’importance capitale, va vous décoller les rétines. Il vous apparaitra alors à quel point le jeu peut être beau. Et vous ne serez pas à l’abri de telles découvertes par la suite. Le moteur fait des merveilles, et si certains arrières plans lointains restent un peu dépouillés, la direction artistique fait encore une fois des merveilles.
Mais parlons de Majula en elle-même. A peine habitée, elle se peuplera au fil de vos rencontres avec de braves -et moins braves- PNJs qui vous offriront toujours leurs services contre une plâtrée d’âmes récoltées à la sueur de votre front. A moins que vous ne préfériez les utiliser avec l’aide de l’Hérault d’émeraude, cette jeune femme qu’il vous faudra visiter à chaque fois que vous estimerez qu’un petit boost de stats est nécessaire. On comprend dès alors la nécessité de rendre le voyage entre feux de camp (les points de passages qui servent également de respawn) possible dès le départ.Par ailleurs, alors que dans le premier Dark Souls les niveaux étaient très imbriqués entre eux et qu’on débloquait fréquemment des raccourcis, ici le découpage entre zones est plus marqué. On garde toujours les secrets, passages dérobés et autres phases de plateforme risquées – pour ne pas dire suicidaires, malheureusement, aucun progrès de ce côté – qu’on aura saupoudré d’un zeste de sentiment de progression plus gratifiant.
En parallèle de tous ces éléments positifs, il se trouve un système qui fait débat au sein des joueurs. Alors que la mort en soi a toujours pour conséquence de vous faire perdre toutes vos âmes et vous vider d’assez de sang pour produire votre propre boudin, chaque mort successive réduit maintenant peu à peu votre santé maximale, à moins d’utiliser une effigie humaine (l’objet faisant équivalent d’humanité dans ce second volet) pour revenir parmi les vivants.
Seulement, si votre personnage meurt de façon récurrente dans une zone, celle-ci va commencer à se dépeupler définitivement de ses adversaires à partir du feu de camp où vous réapparaitrez. Et puisque vos ennemis disparaissent également lorsque vous les avez vaincus une quinzaine de fois, on se retrouve parfois à traverser de grandes étendues dépeuplées sans risque.
Ce n’est finalement pas un vrai cadeau fait aux joueurs les moins expérimentés, car un farm possible d’âmes sur des cibles faciles se fait potentiellement difficile pour eux en cas de morts successives. On pourrait également polémiquer sur le fait que les feux de camps réparent votre équipement non brisé automatiquement, mais vos armes perdent tellement vite de leur durabilité que l’on finit par trouver cette simplification salutaire.
Mais au-delà de ces considérations, l’expérience vécue est intense et gratifiante, le dépassement de soi nécessaire à chaque tournant de chaque couloir. L’aspect multijoueur est renforcé avec la possibilité d’invoquer avec une vraie facilité (adieu le windows live imbuvable) plusieurs joueurs pour vous aider dans votre quête insensée, l’invasion d’autres mondes sous la forme de spectre est toujours d’actualité, et si le système de messages a évolué, il n’a pas véritablement changé et reste toujours utile, amusant, et frustrant lorsque vous vous laissez bêtement piéger par une fausse affirmation.
Je ne parlerai pas en détail des différents covenants, mais ils restent assez nombreux et différents pour satisfaire les appétits de chaque joueur en PVE comme en PVP, et surtout gagnent pour certain une utilité supplémentaire pour vos explorations. Le jeu en soi approche la trentaine d’heures en ligne droite, autant dire que vous serez passés à côté d’énormément de choses, vous pouvez sans souci tripler le tout si vous avez l’âme d’un explorateur et que vous défendez votre covenant avec ferveur. On retrouve également le newgame+, qui à chaque recommencement augmente la difficulté du jeu. C’est peu dire que d’affirmer que vous en aurez pour votre temps et votre argent.
Qui serait donc assez fou pour passer à côté d’autant d’émotions, partagées ou non ? Et même si le jeu peut s’envisager comme une friandise légèrement amère à savourer par petites sessions, il a tout d’un plat de grande cuisine qu’il faut déguster avec délicatesse pour en saisir toutes les saveurs.