Rogue-lite mêlé à du RPG au tour par tour et avec un zeste de gestion, Darkest Dungeon est un titre qui m'a quelque peu déçu. À vrai dire je ne comprends pas tout le vacarme qu'il y a eu autour de la difficulté. Certes, on a tous une conception bien personnelle de ce qui rend un jeu difficile et justement, personnellement j'ai surtout trouvé Darkest Dungeon punitif et aléatoire, mais pas forcément dur (mise à part peut-être lors des premières heures de jeu). En l'état, on ne rencontre pas vraiment de difficultés à battre un boss ou finir un donjon. Dans le pire des cas, on s'y reprendra à deux fois avant d'atteindre notre objectif, ce qui, il faut bien l'avouer, ne rend pas Darkest Dungeon exceptionnellement dur. Ce serait même plutôt l'inverse en fait étant donné qu'on peut échouer lors de beaucoup plus de tentatives sur des RPG considérés comme plus accessibles (les anciens Final Fantasy pour ne citer qu'eux).
Du jet de dés avec des coups de martinets à la clé, la maison close BDSM Darkest Dungeon est fière de vous offrir ses services
Du coup, ce qui rend Darkest Dungeon « difficile » c'est, comme je l'ai déjà cité plus haut, sa punititivité et son côté aléatoire.
Punitif car quand on perd l'un de nos héros on le perd « définitivement », ce qui nous oblige entre autres à grinder (reterminer des quêtes plus accessibles) afin d'améliorer le niveau d’un autre héros.
On est pour ainsi dire sanctionné de quelques heures de jeux inintéressantes supplémentaires afin d’améliorer un autre héros ; et non remis en cause dans notre manière de jouer.
Ensuite, Darkest Dungeon est aléatoire. Vu qu'un exemple vaut mille mots, en voici-un (d'exemple qui vaut littéralement 1000 mots).
Je me retrouve face à un boss, le canon de 16 livres, je l'ai déjà battu plusieurs fois donc je sais comment le battre. Le canon fait des dégâts de groupe monstrueux en fin de tour mais son point faible est un ennemi humain assez peu puissant, un bandit (un allumeur plus précisément), dont la seule aptitude est de pouvoir tirer avec le canon : si à chaque tour on neutralise cet humain-là, on ne fait qu'une bouchée du boss. Afin d'optimiser mon temps, je fais en sorte que le héros qui frappe en premier lors de chaque tour ait une amélioration au niveau des coups critiques. La logique est donc simple : il tue le bandit, puis les trois autres héros font un max de dégâts contre le canon.
Le combat commence et les tours s'enchaînent sans grande difficulté : la plupart du temps, je tue le bandit du premier coup, parfois non, mais dans ce cas le deuxième héros à jouer le tue pour de bon… bref, rien de bien compliqué.
Sauf que voilà :
- Lors d'un tour, le héros qui fait des dégâts critiques loupe son coup… pas de chance.
- Le second héros qui joue ne le loupe pas mais ne le tue malheureusement pas… pas de chance là non plus.
- Le troisième héros fait assez peu de dégâts mais possède une capacité capable de paralyser l'ennemi avec un fort taux de succès… malheureusement, encore une fois, pas de chance, ça ne le paralyse pas.
- Enfin, le quatrième héros rate lui aussi son coup… Arf ! Vraiment pas de chance, ce n'est pas aujourd'hui que je vais jouer au loto.
- Le canon peut donc tirer. Heureusement pour moi, à chaque essai, il y a toujours une forte probabilité pour qu'il rate son tir… malheureusement, son tir aboutit bien et l'un de mes quatre héros se retrouvent en agonie : un coup peut alors lui être fatal.
- Il s'agit du héros rapide, celui avec le taux de coup critique élevé. Je pourrais le soigner au début du prochain tour, après que le dernier bandit qui accompagne le canon joue son coup… malheureusement, sur mes 4 héros, il vise celui en agonie.
- Il me reste encore de l'espoir : que l'ennemi rate son coup, qu'il n'achève pas le héros en agonie… malheureusement, il l'achève bien.
- Je me retrouve alors dans la panade, à devoir terminer le niveau avec trois héros, tous avec peu de vie et toujours à devoir battre l'allumeur… c'est peine perdue, je suis dans l'obligation de devoir abandonner le combat. Je ne gagnerais donc pas d’expérience et vais perdre les breloques que le héros décédé avait sur lui.
Alors bien sûr, ce cas est vraiment extrême. Il s'agit d'ailleurs et sans l'ombre d'un doute de la fois où la malchance m'a le plus frappé (je pense que mes ancêtres étaient des dictateurs) et qui m'a presque conduit à supprimer le jeu par rage (parce que pour le coup ça m'a tout de même un peu énervé). Mais cela me semble révélateur des aléas au sein du titre. Aléas que l’on rencontrera bien évidement à d’autres reprises au sein de notre aventure. D'ailleurs, en l'occurrence ce n'est pas le fait de mal jouer qui m'a conduit à l'échec. Ce boss je l'ai battu peu de temps après en étant bien plus mal préparé : en laissant le canon tirer deux fois, mais sans pour autant mettre mes héros dans l'agonie.
Bref, le jeu n'est pas difficile mais très hasardeux et punitif.
Prenez milles chewings-gums Émile
Un autre problème du titre, c'est qu'il est long... beaucoup trop long ! En plus d'être répétitif ! Je parlais plus haut de l'obligation de grinder afin d'améliorer le niveau de nos héros. Mais il faut savoir que le gain d'expérience de nos héros n'est pas la seule raison de grinder justement. Terminer et reterminer les mêmes donjons fastidieux est parfois nécessaire afin d'obtenir des ressources permettant d'améliorer notre hameau : le hub central dans lequel il est possible d'acheter de l'équipement, des compétences ou de soigner nos héros.
Soigner ses héros est obligatoire car ceux-ci peuvent soit avoir une maladie (avec son lot d'effets négatifs), soit avoir un état mental tellement affaibli qu'ils possèdent une affliction et sont obligés d'être pris en charge psychologiquement, soit possèdent un attribut négatif qui peut fortement poser problème à l'avenir (chaque héros pouvant posséder jusqu'à 5 attributs positifs et négatifs). C'est une mécanique qui aurait pu être intéressante, mais au fond, ça fait surtout perdre du temps au joueur en « paralysant » ses héros temporairement.
- Un héros à une maladie ? On l'envoie au sanatorium pendant une semaine moyennant finance.
- Un héros a un niveau de stress trop élevé ? On l'envoie à la taverne ou à l'abbaye durant une semaine moyennant finance.
- Un héros à un attribut que l'on souhaite conserver ou supprimer ? On l'envoie au sanatorium durant une semaine moyennant finance.
Mais ça, c'est un point parmi tant d'autres concernant l'artificialité de la durée de vie. On pourrait encore épiloguer sur le véritable intérêt du hameau et plus particulièrement du véritable intérêt de la guilde et du forgeron, permettant respectivement d'améliorer nos compétences et le niveau de notre équipement… qu'est-ce que cela aurait changé si leurs gains de niveaux étaient automatiques avec l'expérience ? Hormis le fait de grappiller encore artificiellement de la durée de vie en obligeant le joueur à récolter (très) lentement des ressources et de l'or supplémentaires afin qu'il puisse améliorer ces deux entités, puis l'équipement et les compétences de ses héros ? Surtout qu'il n'y a pas de choix : chaque héros possède un type d'arme, un type d'armure et chaque compétence ne possède qu'une seule branche… bref, il n'y a absolument rien de véritablement stratégique ni de fondamentalement intéressant là-dedans, bien au contraire. Le but est simple : rallonger artificiellement la durée de vie en faisant en sorte que la progression soit la plus lente possible.
Là où on aurait pu avoir des classes de héros avec les mêmes racines mais qui arrivent à se diversifier au fur et à mesure des heures de jeu, on se tape finalement un système qui prône l'uniformisation indirectement. Un beau gâchis.
Le pire c'est que parcourir les donjons, ça aussi on va vite le trouver trop long. C'est simple, il y en a 4 (plus le darkest dungeon à part), mais c'est toujours les mêmes décors, on rencontre très vite les mêmes curiosités (objets avec lesquels interagir), c'est très souvent les mêmes ennemis et c'est toujours les mêmes animations. En plus de cela, si on rajoute le fait que les mêmes quêtes reviennent en boucle… autant dire qu'on a très vite l'impression de faire tout le temps la même chose et donc que l'on s'ennuie vite.
D'ailleurs, comme sous-entendu plus haut, les boss eux aussi reviennent à plusieurs reprises. Chaque zone possédant deux boss, chacun de ses boss étant à vaincre à trois reprises et ceux-ci se battant à chaque fois de la même manière (seules leurs statistiques changent) : là aussi, vous l’aurez compris, on en fait vite le tour.
Le titre aurait gagné à être plus court, à ne pas s'étirer sur la longueur comme il le fait là. C'est encore plus ironique quand on sait que certains membres du studio sont proches de Klei Entertainment… un autre studio qui moins d'un an auparavant publia le très sympathique Invisible, Inc.. Un titre certes loin d'être parfait mais qui arrivait tout de même à mixer rogue-lite et RPG sans s'étirer sur la longueur et en arrivant à plutôt bien se renouveler lors de chaque partie. Parce que là, franchement, je ne vois pas l'intérêt de reterminer le jeu tant le déroulement reste le même d'une partie à une autre. Peut-être pour terminer le jeu en difficulté max ? De ce que j'ai lu, ça rallonge encore artificiellement la durée de vie… vous l'avez deviné, ce sera sans moi.
Heureusement, bien qu'ils se répètent tôt ou tard, les différents événements aléatoires qui ponctuent l'aventure ont tendance à lui apporter un peu de diversification. Il y a même un boss qui viendra directement vous les casser dans votre hameau… on va tenter de voir le verre à moitié plein.
Le théorème de Chiantos de Milet : (Punition + aléatoire) x (ennui + répétitivité)² = Darkest Dungeon
Maintenant que nous avons tout décortiqué, il est temps d'expliquer comment va se dérouler votre partie de Darkest Dungeon.
Encore une fois, le jeu n'est pas difficile, mais long et punitif. À partir de là on comprend donc très vite que l'on a tout intérêt à économiser ses meilleurs héros afin de les envoyer en pleine formes casser du boss afin d'accroitre nos chances de l'emporter. Les temps de rétablissement étant assez longs, on se retrouve alors à devoir jouer entre-temps avec des héros moins optimisés (avec des niveaux plus faibles et des attributs négatifs pouvant vraiment se montrer désavantageux) et en ayant pour objectif de leur faire gagner des niveaux (afin de rattraper le niveau des héros les mieux entraînés) ou de récolter différentes ressources, y compris de l'or.
Ainsi, sur presque 100 heures de jeu (en comptant l'intégralité des DLC) on peut résumer grossièrement le fonctionnement de nos excursions dans les donjons de la manière suivante : deux tiers d'entre elles se révèlent être des runs que l'on pourrait qualifier de runs poubelles. Où l'intérêt est tout simplement de grinder des ressources et donc de ne pas réellement progresser dans l'aventure. Le dernier tier concerne quant à lui les parties où l'on joue réellement : dans lesquelles on bat des boss par exemple.
Je le répète, ça reste une observation grossière qui n'a rien de vraiment concret. D'ailleurs, plus on progresse dans le jeu, plus on le maitrise (logique) et plus les parties réellement utiles prennent de l'importance. En fait, pour apporter encore plus de précisions, on passera bien trois quarts de nos premiers runs à faire des runs poubelles pour enfin atteindre seulement un run sur deux une fois arrivé à la fin de l'aventure. Encore faut-il avoir le courage d'aller jusque-là.
Dans tous les cas, ça reste beaucoup trop long pour ce que ça apporte… à savoir rien. En plus de ça, il ne faut pas oublier d'ajouter le temps passé au hameau à soigner nos héros, les améliorer, s'occuper des bâtiments, etc. et le temps passé à préparer nos expéditions en choisissant les héros adéquats pour chaque mission. Pour peu que l'on souhaite faire ça bien, par exemple en ne composant pas notre équipe uniquement de héros possédant des capacités de saignements alors que l'on va parcourir une zone composée d'ennemis résistants au saignement.
Encore une fois, je résume grossièrement, mais les premières heures de jeu demandent de prendre quelques notes sur les curiosités et ennemis qui composent chaque zone afin de se préparer au mieux.
Pour être franc, j'ai hésité à arrêter de jouer au jeu de multiples reprises. J'ai même failli définitivement arrêter et commencé à écrire une critique à ce sujet. En fait, ça faisait longtemps que je ne m'étais pas forcé autant à terminer un jeu… peut-être même que j'aurais dû tant j'ai eu l'impression de perdre mon temps devant Darkest Dungeon.
Je suis gentil moi, je critique mais je ne propose rien. Du coup ? Qu'auraient dû faire les développeurs pour que je sois acquis à leur cause ?
Pour commencer, encore une fois, le titre aurait gagné à être moins aléatoire mais aussi beaucoup plus court. Pourquoi pas même à imposer au joueur le fait de devoir terminer le jeu en un certains nombres de semaines (une excursion étant égale à une semaine, on peut très bien imaginer qu'au bout d'un an le hameau est envahi) quitte à supprimer une bonne partie de la gestion du hameau, notamment de ses améliorations ?
Ensuite, ça aurait pu être intéressant de pousser plus loin la gestion des héros, d'accentuer les différences entre ceux d'une même classe. Comme je l'ai indiqué plus haut, les héros d'une classe spécifique finissent par converger, atteindre le même point et seuls leurs attributs positifs changent un peu la donne. Du coup on aura à terme une Furie de niveau 6 interchangeable avec une autre furie de niveau 6 : rien de réellement attrayant en somme.
On va commencer simplement : quitte à faire payer des améliorations d'équipements et de compétences au joueur, pourquoi ne pas créer plusieurs branches ? Avec par exemple pour la furie, une fois arrivé au niveau max, le choix entre une arme qui fait un max de dégâts, une autre qui a un bonus passif de saignement et enfin une dernière qui a de maigre chance pour que nos attaques infligent aussi des dégâts aux ennemis proches de celui qu'on vient d'attaquer. Idem pour les compétences.
Allons plus loin, les héros peuvent par exemple avoir des afflictions durant une quête si leur stress monte à 100. Il y a donc une certaine ouverture pour de la narration environnementale. Pourquoi ne pas étendre et approfondir le concept ? Imaginons par exemple que deux héros font plusieurs donjons ensemble ou se soignent en même temps dans le même endroit, pourquoi ne pas créer une sorte d'amitié entre les deux ? Cette amitié apporterait par exemple des bonus entre les deux personnages (soins supplémentaires, plus de dégâts s'ils attaquent le même ennemi) mais pourrait aussi complétement dégénérer si l'un des deux agoniserait. On pourrait ainsi imaginer des situations où le personnage lié à celui agonisant ne ferait plus qu'attaquer l'adversaire ayant occasionné le dernier coup à son ami jusqu'à ce l'adversaire meurt. On pourrait aussi imaginer d'autres afflictions si l'un des deux venait à mourir, l'un tombant par exemple en dépression durant plusieurs semaines.
Autres propositions. Pourquoi un héros qui possède un attribut négatif concernant un donjon ne repartirait pas avec un bonus positif (le malus devenant un bonus) s'il était amené à parcourir ce dit donjon et à la terminer ? On aurait ainsi une logique de quitte ou double. Pourquoi les capacités n'évolueraient-elles pas en fonction de notre manière de jouer ? Pourquoi ne pas créer des mini-biographies concernant les héros, la raison de leur présence et le pourquoi du comment ils ont obtenu telle ou telle affliction ou attribut ?
Bref, je propose, je propose, je propose, parce qu'en l'état, encore une fois, le jeu se résume bêtement à : « T'es malade ? Tu payes et t'attends une semaine. Et si tu veux progresser, prends le moins de risques possibles et économises tes meilleurs héros pour les boss et le darkest dungeon. » C'est très scolaire fin de compte.
Pour terminer sur une note plus positive, j'ai apprécié la direction artistique du titre. Même si ça manque globalement de variété, ça a son style. Je suis moins fan des musiques par contre, mais bon pour le coup j'ai très vite joué au jeu sans son, avec un podcast ou une vidéo à côté. Je suis encore moins fan du scénario qui ne m'a même pas intéressé ne serait-ce que une seconde ; en plus la fin est nulle… heureusement que j'étais censé terminer sur une note plus positive.
Allez ! Terminons vraiment sur une note plus positive. Certains des DLC ont été ajoutés gratuitement aux jeux ; et bien qu'imparfait eux aussi, ceux payants apportent un peu d'intérêt en renouvelant l’expérience, du moins temporairement (j'espère par contre que vous n'avez pas été aussi con que moi et lancé le DLC Crimson Court en plein milieu de votre partie). À noter qu'il y a pas mal de mods, principalement des nouvelles classes, des reskins et des options qui accélèrent la progression. J'ai attendu d'avoir battu le boss final avant d'en télécharger (par conscience professionnel bien évidement) mais j'avoue regretter un peu tant ça m'aurait épargné quelques heures de jeux fastidieuses. D'ailleurs, au cas où vous trouveriez le jeu trop difficile, certaines classes provenant des mods feront le travail à votre place… s'il fallait prouver encore une fois que le titre n'était pas si difficile que ça.
Artificiel ! Voici le mot qui symbolise selon moi l'expérience de Darkest Dungeon. Pas pour rien que le terme soit revenu à de multiples reprises dans cette critique d'ailleurs. Je suis surtout surpris de voir autant de joueurs appréciés un titre qui les prends autant pour des cons. Parce qu'au fond, au lieu de rester presque 100 heures devant Darkest Dungeon, une simple question aurait pu m'épargner tout ce temps perdu, une simple question dont la réponse aurait été la même que savoir si j'allais aimer ou pas l’expérience, parce que cette question, ça aurait été la suivante :
« Est-ce que j'aime être pris pour un con ? »
Et franchement, je crois que je n'aime pas être pris pour un con… en fait, je crois que je n’aime vraiment pas ça.
Et vous du coup ? Ça ne vous dérange pas d'être pris pour des cons ?