Un vrai jeu d'aventures... mais il est temps de renouveler la recette !
Le début est incroyablement mauvais. Directement parachuté en pleine Apocalypse, je jette un regard plein d'avidité sur ce fameux spectacle que la Bible nous promet depuis 2000 ans. Il était temps ! En plus, j'ai un rôle à jouer dans tout ce merdier, et quel putain de rôle: je suis Guerre, le Cavalier de l'Apocalypse ! Bravo, les mecs, vous avez bien choisi votre homme, je vous dis pas comme ça va péter, HAHAHAHAHA ! Sauf que, pour Vigil Games, l'Apocalypse, c'est une trentaine de personnages qui courent et qui volent dans tous les sens au carrefour d'une grande ville américaine modélisée à la hache avec un sens artistique proche du néant. D'accord.
Je comprends rien à ce qui se passe et c'est pas les quelques cinématiques pitoyables qui vont arranger les choses: c'est confus, sans aucun sens de la mise en scène, les protagonistes sont présentés en une demi-seconde avant que tout pète dans tous les sens et que tout le monde meure sans jamais me procurer le moindre frisson de puissance et... ha ben, je viens de comprendre que je suis mort aussi. Et ressuscité un siècle plus tard ? Pourquoi ? Comment ? Bon, là, les cinématiques deviennent un peu plus compréhensibles. Une histoire s'installe, stéréotypée et un peu immature (à base d'Anges et de Démons plus ou moins crédibles) mais le pitch semble suffisamment intéressant pour donner envie de continuer... A cet instant, je ne sais pas encore que le scénario de Joe Madureira a été écrit sur un ticket de bistrot et qu'on aura tout au plus 15 minutes d'histoire réparties sur une bonne trentaine d'heures de jeu.
Au niveau artistique, ça oscille entre le moyen (les trois quarts du temps) et le franchement beau (le dongeon final, surtout). Désert plein de...sable, ville pleine de gros immeubles qui se ressemblent tous, cimetière avec de vilains arbres et quelques tombes... le moins qu'on puisse dire, c'est que les développeurs ne se sont pas cassé la nénette. Les personnages sont très anguleux voire carrément carrés et si je trouve cela personnellement assez moche, c'est une question de goût puisqu'il s'agit du style de Joe Madureira. Oui, le même mec qui est responsable du « scénario ». Il parait que c'est une pointure dans le monde du comic... Rappelez-moi de ne jamais lire ses oeuvres.
Il y a tout de même quelques personnages visuellement intéressants, les boss sont souvent assez beaux mais le héros... Guerre n'est qu'un playmobil bodybuildé doté de la psychologie d'un éléphant blessé. On a vu franchement mieux.
Dernier point noir: la maniabilité. Plutôt correcte dans l'ensemble, les combats ne procurent cependant que de trop rares sensations. A des univers de l'effet de puissance procuré par un God of War, dont il s'inspire manifestement, les coups donnés sont un poil trop mou pour vraiment convaincre. C'est d'autant plus triste que Guerre dispose d'un impressionnant panel d'armes permettant de sortir pas mal de combos de folie. Seulement, assez peu récompensé par mes efforts de diversité martiale, j'en suis tristement arrivé à utiliser les deux armes les plus efficaces (l'épée et le gant). Un peu trop facile, le jeu, en normal, encourage franchement une approche « pépère » des combats. On ne peut pas dire que le côté beat them all soit le point fort de Darksiders... Mais le pire de tout concerne le saut. Personne ne le signale, alors je vais faire encore une fois la grande gueule de service: lorsque vous appuyez sur la touche de saut, il faut UNE DEMI-SECONDE à Guerre pour effectuer le mouvement. Une demi-seconde. Ca semble risible, n'est-ce pas ? Alors imaginez-vous un Mario qui ne répondrait pas au doigt et à l'oeil durant les séquences de plate-formes. C'est juste affreux. Je ne compte plus le nombre de fois où je suis tombé dans le vide à cause de cette demi-seconde. On a beau savoir que ce lag existe, tôt ou tard on l'oublie, habitué à un demi-siècle de saut vidéoludique instantané, et on tombe, et on tombe et on tooooooooooooooooooombe...
Oui, mais bon, il en a un, de point fort, finalement, ce jeu ? Ben oui, d'où ma note positive, rassurez-vous: le côté réflexion du soft est effectivement très séduisant.
Dans la majorité de la production vidéoludique actuelle, les sempiternelles énigmes sont une insulte à l'intelligence du joueur. Dans Darksiders, pas de statues à déplacer, pas de signes cabalistiques à aligner ou d'autres conneries ostentatoires du genre. Non, ici, les énigmes sont parfaitement intégrées à la progression du joueur, l'environnement lui-même est une énigme presque continuelle qu'il faut résoudre pour pouvoir avancer. Observation du décor, débrouillardise, esprit logique sont une composante majeure, harmonieusement entrecoupée de scènes de combat. Le ratio entre le versant cérébral et le versant guerrier est d'ailleurs l'un des meilleurs qu'il m'a été donné de voir ces dernières années. Le dernier dongeon est même un petit chef-d'oeuvre à ce niveau (et tant pis s'il pompe allègrement sur Portal...). Finalement, c'est à un vrai jeu d'aventure que nous avons affaire, le premier auquel je suis confronté sur cette génération de console, c'est dire (non, Uncharted n'est pas un jeu d'aventure)...
J'ai été bloqué à de nombreuses reprises durant plusieurs minutes, sans frustration, simplement guidé par l'intuition que le game-design recelait la clé de l'énigme. Et puis, la compréhension d'un mécanisme parfois original, la jouissance de la fusion entre mon esprit et l'environnement virtuel, le plaisir de l'exploration, tout simplement. Même si Darksiders parait souvent assez vide ou terne, de nombreuses voies demandent une bonne dose de subtilité pour en découvrir tous les secrets, sans confiner à l'impossible du genre « retrouve les dix mille plumes éparpillées sans aucune logique dans les niveaux ». Ici, tout à un sens, une raison d'être, et chaque coffre bonus vous demandera de vous confronter à une mini énigme de logique ou d'observation, et ça, c'est franchement très bon.
Dommage que le reste soit si moyen. Je l'ai dit, le jeu est assez long, au moins une trentaine d'heures, surtout si vous voulez trouver tous les secrets. Je ne me suis jamais ennuyé, mais je n'ai jamais ressenti de vertige non plus, excepté peut-être lors d'une ou deux séquences. Le gameplay s'enrichit au fur et à mesure de l'avancée, sans jamais vous octroyer de sensation de puissance non plus. Ainsi, j'ai traversé Darksiders dans un état de douce rêverie, mais je n'ai jamais tutoyé l'épique ou l'intime. Un entre-deux plaisant que j'aurai sans doute déjà plus ou moins oublié dans 1 mois, malgré le temps que j'ai passé dessus. Peut-être que faire la synthèse de tous les grands jeux sortis ces dix dernières années n'était pas une bonne idée (God of War, Portal, Prince of Persia,...). Peut-être qu'il est temps d'explorer de tous nouveaux horizons. Quant à Darksiders II... on va dire que j'ai trop de choses à faire pour passer mon temps dessus même si ce premier épisode se termine par un cliffhanger insoutenable. Je déconne.