En préambule, je tiens à dire, en bon Hzéroïen, que ça manque de flingues et de grosses cylindrées, et en tant que Deadcellois pure souche, que ça manque de poules.
Ceux qui comme moi suivent DCs depuis juin 2013 comprendront.
Alors évidemment, comme je parle alors que le jeu est en accès anticipé, tout est à prendre avec recul, mais le jeu nous a déjà donné un bon aperçu du produit final.
Avant tout, il est important de clarifier comment je vais poser la fatale note.
Vous savez, un jeu vidéo est, plus encore qu'un film, à la fois un produit de consommation, comme un aspirateur, et une possible œuvre d'art. C'est pour ça qu'on teste un jeu vidéo, et non qu'on le critique, comme ce serait le cas d'un film ou d'un livre.
Je vais donc vous livrer deux analyses, une dite jugement-aspirateur et une dite jugement critique.
Jugement-aspirateur :
Comme le disait 3615 Usul, à propos des tests sur les aspirateurs :
« Aspire-t-il bien ? Ne fait-il pas trop de bruit ? Permet-il de voyager dans le temps ? »
Donc, pour Dead Cells :
Aspire-t-il bien ? (Comprenez : remplit-il sa fonction de jeu, est-il divertissant.)
DCs est un rogue-like, ce qui implique un cahier des charges stricts : combat, ennemis, environnement, système d'améliorations, difficulté sont les points cruciaux.
Les ennemis sont relativement variés, chacun ayant leurs attaques, compétences, faiblesses. On pourrait regretter que leur IA est toujours sensiblement la même : si l'ennemi a des attaques de mêlée, il te fonce dessus, s'il a des attaques à distance, il essaie de rester éloigné tout en te tirant dessus. C'est basique, voire sommaire, mais efficace. Quelques ennemis ont des attaques ou des fonctions passives qui tranchent cela, ce qui fait qu'on arrive à un parfait équilibre entre la monotonie et le surplus. On peut connaître sans problèmes tous les ennemis du jeu, savoir comment et avec quoi les vaincre facilement tout en interdisant l'ennui et la répétitivité.
Il y a 2 boss, plus des monstres d'élites dont les attaques changent légèrement des monstres de base, souvent dans une version plus puissante. Je n'ai rien à redire à leur sujet, ils arrivent tous à remplir leur fonction, c'est à dire infliger un réel défi avec tension, préparation nécessaire et une difficulté mordante, puis une fois qu'ils sont vaincus, ils se laissent tuer sans trop de problèmes tout en interdisant qu'on les considère comme des ennemis de base. En somme, ils servent parfaitement leur fonction : les boss sont de vraies barrières, et les franchir exige une maîtrise du jeu, et les franchir par la suite permet de confirmer cette maîtrise en sanctionnant tout relâchement.
Le combat s'axe autour de 8 mécaniques : sauter, esquiver, chuter, frapper au corps-à-corps, parer, tirer, utiliser des armes spéciales et des compétences passives.
Le saut est bien géré, on ne saute ni trop haut ni trop bas, assez vite, on a pas de savonnettes greffées sur les chaussures.
L'esquive est le bouton que vous allez le plus marteler, je ne vous conseille donc pas de mettre son bouton sur l'annulaire ou l'auriculaire, sauf à ne plus pouvoir utiliser que trois doigts le reste de la journée. Elle se combine efficacement avec le saut, permet d'enchaîner les attaques facilement, rien à dire, c'est fluide, du bon boulot là-dessus.
Quand on chute, on peut faire une attaque plongeante, ce qui revient à appuyer sur le bouton bas, ce qui déclenche une onde de choc dont la force augmente avec notre hauteur de saut. C'est un mécanique intéressante qui inflige des dégâts substantiels, et permet donc de passer des ennemis même sans armes puissantes.
La frappe est conditionnée par le type d'arme. Chacune a une vitesse et des effets uniques, qui permettent d'adapter le jeu aux envies de chacun. Cependant, vous vous rendrez vite compte que certaines armes ne vous conviennent pas à cause justement de leur trop grande diversité, bien qu'aucune ne soit inutile, ce qui est un vrai plus.
La parade n'est possible qu'avec un bouclier. Certains ont des effets spéciaux, ils peuvent infliger des dégâts aux ennemis mais requièrent d'augmenter sa force (au détriment de ses PVs), ce qui fait que très vite vous allez préférer l'esquive à la parade, sauf à aimer particulièrement ça, mais c'est relativement inefficace contre les boss et monstres d'élite, qui peuvent briser le bouclier ou le contourner.
Tirer est possible grâce à des armes de tir. Certaines ont des munitions illimitées, d'autres non, et dans ce dernier cas, les munitions restent fixées au corps des ennemis jusqu'à ce qu'ils meurent. C'est con, car du coup elles deviennent totalement inutilisables en combat de boss et quand il y a trop d'ennemis, sans pour autant être plus puissantes : il existe un arc givrant les ennemis avec très peu de munitions et un sort permettant de geler les ennemis sans coût, des couteaux provoquant un saignement et une épée le provoquant (ainsi que plus de dégâts)... Je ne sais pas qui peut jouer archer dans DCs.
Les armes spéciales sont variées et d'efficacité tout aussi variable, mais aucune n'est inutile, encore une fois la vraie force de DCs.
Les compétences passives sont principalement des résistances, le terrible dégâts subis x2 et infligés x2, enflammer le sol sous ses pieds, créer un nuage toxique à la mort d'un ennemi, etc. Très aléatoire, jamais nécessaire mais toujours intéressant. On sautillera de joie en en possédant une, mais sans pour autant qu'elle ne conditionne notre victoire, ce qui est la preuve d'un équilibrage maîtrisé.
Le système d'amélioration, soit les monnaies, le mana, l'expérience, toussa, prend ici trois formes : les cellules, l'or et les runes. Ces dernières permettent de débloquer des passages spéciaux donnant accès à des chemins alternatifs et plus difficiles mais à la meilleure récompense, pour faire court.
L'or permet d'acheter de l'équipement dans des échoppes placées dans le niveau et d'ouvrir des portes divines, contenant d'autres pièces d'équipement. Globalement, ça n'arrivera presque jamais que vous ayez tellement d'argent que vous achèterez tout ce qui vous passera sous le nez juste parce que vous le pouvez ou au contraire que vous deviez consentir à moult calculs et sacrifices et hésitations pour acheter le moindre truc. Le bon équilibre en Skyrim et Darkest Dungeon.
Les cellules sont collectées au cours du niveau en tuant du monstre et présentées au Collecteur, énigmatique personnage qui en échange améliore nos équipements. Finir le niveau est indispensable pour dépenser ses cellules. Les améliorations permettent simplement d'acheter de nouvelles armes dont les plans ont été acquis sur nos ennemis, d'améliorer leurs statistiques et d'acheter des bonus, comme un meilleur choix d'équipement en début de partie, une plus grande potion de soin, etc. Rien à redire là dessus, ce n'est pas follement original mais efficace.
Il y a 10 niveaux : la prison, la prison en mode défi, l'extérieur, les égouts, le charnier, les tours, les égouts 2, les maisons, l'extérieur 2, le terrain plat et le carré à plates-formes, ces deux derniers étant réservés aux boss.
Ce n'est pas follement original, mais à chaque fois efficace, et même ce qui pourrait ressembler à une version revue et corrigée d'un niveau a en fait nombre de différences, certes dans les ennemis mais aussi dans les pièces et l'architecture globale, soit le choix et l'agencement procédural des pièces. On va retrouver, globalement, les mêmes composants de base : bloc solide, plate-forme traversable, pics, boules reliées à des chaînes qui tournent, eau, eau empoisonnées dans les égouts. Rien de bien folichon, mais c'est peut-être mieux : DCs est centré sur la gestion de l'espace ; bien combattre c'est savoir utiliser l'espace à son avantage, et c'est bien plus difficile si cet espace est très varié et donc que beaucoup de situations différentes, selon la pièce, ses équipements et les monstres peuvent se présenter à nous. Là, on a assez de situations pour ne jamais être décontenancé mais toujours suffisamment pour être en permanence sur nos gardes ; ne jamais avoir le sentiment qu'on est en terrain connu.
Ne fait-il pas trop de bruit ? (Comprenez : est-il plaisant de l'utiliser ?)
On se retrouve bien dans l'interface qui est assez simple à utiliser.
Les musiques sont correctes et pas trop pénibles, ce qui leur donne un vrai poids sans pour autant nous faire couper le son et mettre une liste de lecture de hard rock en arrière-plan.
Graphiquement, le jeu a quelques défauts, mais tout est très lisible, les ennemis clairement identifiables, de même pour les équipements, jamais on ne pourra dire qu'on avait pas pu voir quelque chose, les animations sont fluides, c'est coloré sans être pétant et sombre sans être illisible, ce qui permet des effets de contraste de lumière d'une certaine beauté. Dead Cells est très joli.
Permet-il de voyager dans le temps ? (Ses mécaniques sont-elles originales, surprenantes, inventives, créent-elles un nouveau canon dans leur genre.)
Globalement, vous avez déjà joué à tout ce que propose DCs. Vous avez déjà vu, déjà fait, déjà expérimenté tout ce qu'il contient. Il n'y a pas, comme pour FTL dans le domaine du rogue-like (même si je ne considère pas à proprement parler FTL comme étant un rogue-like) d'approche foncièrement nouvelle du genre. Quelqu'un qui veut créer un TPP (tir à la première personne) doit impérativement jouer à Portal et Half-Life avant, car ces jeux ont redéfini le genre. Quelqu'un voulant jouer à un jeu de combat doit jouer à Street Fighter 2, etc. On peut sans problèmes créer un rogue-like sans jouer à DCs, et en règle générale, si vous avez déjà joué à beaucoup de rogue-like, DCs ne vous apprendra rien de nouveau.
En revanche, c'est, dans son domaine, un très bon rogue-like qui actualise et travaille à fond les mécaniques du genre. C'est un bon classique, dans le sens où il obéit parfaitement aux codes de son genre tout en leur donnant un agréable coup de neuf. Si vous avez déjà joué à des rogue-likes et aimez le genre, DCs sera une expérience plaisante.
Maintenant, il faut savoir ce que DCs vaut en tant qu’œuvre d'art.
C'est pas excellent. Le point faible du jeu est là ; l'univers a peu d'intérêt, est un pur prétexte et se fourvoie souvent.
Par son ambiance sonore et visuelle, DCs se veut comme proche de Dark Souls, c'est à dire sombre, rocailleux, gothique, épais, brumeux. Et graphiquement, cet aspect est très bien rendu, avec sa lune écarlate sur un cimetière parcourus de feux-follets saphirs, ses statues de démons, ses prisons glauques aux cages et instruments de torture entreposés ça et là, ses égouts étouffants et son extérieur à la beauté sauvage et automnale ; suggérant la décrépitude, l'effondrement, le malaise aussi. Il y a quand-même une certaine ironie, un décalage qui fait l'effet d'un rire goguenard dans un monde en ruine, avec les petites vannes des marchands, notre personnage parfois un peu ridicule, mais ces pointes ne font qu'ajouter à la noirceur de l'ambiance, par leur absurdité, leur côté dérisoire.
Et des fois dans la description d'une arme on va te dire : « Devenez Palpatine. »
Bordel à truies. Comment fusiller une ambiance âprement construite. L’œuf de pâque, c'est une astuce d'humour au premier degré strict. On en met pour faire un clin d’œil, un petit rire amusé au joueur. C'est bienvenu, dans Left4Dead qui est certes noir comme la suie mais se veut aussi une parodie de film de zombie, donc il joue délibérément sur un humour un peu facile, ce qu'est par nature l’œuf de pâque. C'est bienvenu dans Terraria qui en abuse à toutes les sauces et veut créer un décalage puissant ; un univers qui va de Cthulhu au sapin de noël, du grandiose au risible, du sombre à l'enfantin, du majestueux au banal, et ainsi rendre effrayant ce qui est ridicule et ridicule ce qui est effrayant.
Qui, qui ici en voyant DCs pourrait penser qu'un quelconque trait d'humour pourrait y être bon enfant ? L'humour de DCs devrait être celui de Hordes.fr, le jeu de Motion-Twin dont Dead Cells avait été annoncé comme le successeur. C'est à dire, l'humour des condamnés à mort, l'humour d'un jeu où tu te réunis avec des égoïstes, des traîtres, des voleurs, des drogués et des tueurs pour tâcher de retarder le plus possible une mort douloureuse causée par la faim, la soif, la maladie et les zombies affamés.
A cause de ça, DCs foire son ambiance. Il réussit tout bien, mais s'ingénie à le saloper. C'est aussi triste que de voir un grand artiste peindre un chef-d’œuvre puis faire une bite en peinture fluo dessus. Mauvais et inutile.
Maintenant que c'est fait, il faut déterminer la valeur qu'on attribue à ces deux jugements.
Étant un rogue-like, les mécaniques sont les plus importantes. Elles compterons donc pour 6 points de la note finale ; 2,5 pour l'aspiration, 2 pour le bruit et 1,5 pour le voyage dans le temps.
Mais étant un jeu à forte ambiance, le jugement critique comptera pour 4 points.
Ce qui nous donne donc :
Aspiration : 2.
Bruit : 2
Voyage dans le temps : 1
Jugement critique : 2
Soit 7/10. Merci d'avoir lu.