Avant d'élaborer sur ce qui fait, pour moi, la beauté de ce jeu, il convient de dire que je n'ai jamais joué à un seul Metal Gear. Je n'ai jamais été un admirateur de Kojima ; au contraire, j'ai longtemps apprécié le moquer pour son (prétendu) ego surdimensionné.
C'est donc avec beaucoup de distance que j'ai acheté Death Stranding, avec pour seule connaissance du jeu qu'il s'apparentait à être un simulateur de livreur Amazon. Cependant, le jeu avait tellement divisé la critique que je me suis senti obligé de découvrir ce qui faisait la spécificité de Death Stranding. Le concept est donc simple : on incarne Sam Porter, un livreur dans un monde apocalyptique, qui a pour tâche de reconnecter l'Amérique. Ce qui m'a immédiatement plu, c'est que le gameplay est exclusivement au service du concept. On ne se perd pas dans des systèmes de combats, d'exploration ou de craft. NON, tout est au service de la livraison. Le jeu incorpore donc des fonctionnalités connues dans le jeu vidéo, mais tout cela est adapté pour la livraison. Aucune effusion de sang (sauf quelques exceptions) dans Death Stranding, et c'est tout à fait normal ; c'est un jeu sur le partage et la reconnexion. Quel aurait été l'intérêt d'y ajouter de la violence ou un gameplay axé sur le combat ? Simplement pour divertir ? Non, Kojima ne fait pas ce choix. Que ce soit dans son histoire ou dans son gameplay, Death Stranding reste fidèle à son message : la corde et le bâton. La corde représentant une manière de s'unir aux autres, tandis que le bâton représente une manière de les repousser. Je ne peux d'ailleurs m'empêcher de penser que c'est cette vision que Kojima a de notre monde. Nous n'avons jamais été autant liés grâce à la technologie, mais d'une certaine manière, on ne s'est jamais senti aussi seul. Il utilise notamment l'exemple des réseaux sociaux, un média qui, dans ses débuts, reposait beaucoup sur le partage et qui, paradoxalement, divise plus les gens qu'il ne les unit. Les gens ne se sont jamais sentis aussi seuls que depuis qu'ils sont autant connectés. La faute au consumérisme ? Sans doute, c'est l'analyse de Kojima qui semble être critique du capitalisme. C'est pour ces raisons que, chose exceptionnelle, le jeu ne contient aucun système d'argent. Tout ce que l'on obtient, ce sont des likes. Rien d'autre que des likes, que ce soit de la part des personnages ou d'autres joueurs. Paradoxalement, je n'ai jamais été autant motivé à aider les autres dans un jeu, malgré l'absence de système de récompense. Il n'y a rien de plus beau que de se dire qu'un joueur quelque part dans ce monde a décidé de me donner un coup de main en me stockant une échelle ou une ancre d'escalade, et cela simplement pour le faire. Ce joueur n'obtiendra jamais rien d'autre que des likes. Kojima met donc le partage au centre du jeu, et cela fonctionne.
L'histoire est donc axée sur ce concept. Tandis que Sam Porter, sous les directives d'une mystérieuse compagnie appelée Bridges, s'évertue à connecter le monde, des terroristes appelés les "Mules" tentent de saboter les efforts. Mais l'histoire représente surtout celle de Sam, un écorché vif qui, pas à pas, s'ouvre de plus en plus aux autres malgré les coups durs que lui réserve ce monde. Le jeu comporte une dizaine de personnages importants. Ces derniers sont développés dans des chapitres spécifiques. J'ai vu que beaucoup de personnes reprochaient à Kojima le caractère cliché, voire neuneu, de ces personnages. Ils comportent en effet des aspects que l'on pourrait qualifier de clichés, mais c'est cependant nier l'humanité que Kojima essaie d'insuffler à ces personnages. Leurs émotions sont mises au premier plan, de même que les dilemmes qui les habitent. Dans ce jeu, tout ce qui importe ce sont les relations humaines ; le reste n'est que superficiel. Tout tourne autour du fait que, malgré la peur et la douleur que cela peut engendrer, il est nécessaire de s'attacher aux autres. On ne vit réellement que par le partage. De la même manière que Sam, qui semble être une coquille vide et ne parle quasiment jamais, semble reprendre vie peu à peu en présence de son BB. Sam, comme le joueur, finit par s'attacher à ce bébé qui est loin d'être un simple outil.
Si Death Stranding est devenu mon jeu préféré et que j'ai décidé de passer outre la physique limitée et certains dialogues un peu foireux, c'est parce que Death Stranding s'attache à un message simple (et non simpliste) et décide de s'y consacrer entièrement, tant par le gameplay que par l'histoire. Il devient donc difficile pour le joueur totalement immergé dans ces thématiques de ne pas être ému devant certaines scènes, notamment:
la scène finale où Sam tient Lou dans ses bras et où ils ressentent la pluie pour la première fois.
Dans Death Stranding, Sam Porter doit outrepasser sa peur des autres pour redonner vie à l'humanité. De même, je conseille aux joueurs d'outrepasser leurs appréhensions sur ce jeu et ce gameplay pour se laisser porter par cette aventure si singulière.
Je finirai donc ma critique en rendant hommage à tous ces joueurs qui, dans cette aventure curieuse qu'a été Death Stranding, ont pavé des routes ou des tyroliennes et m'ont fourni divers équipements dans les boîtes de stockage, me permettant d'affronter ce jeu avec plus d'assurance. Aucun like ne suffira à les remercier.