Noir c'est noir, d'où naîtra l'espoir (MAJ)
J'ai mis deux ans à changer d'attitude envers ce jeu. Avant, j'avais peur et je n'osais pas avancer dans le jeu. Il me faisait tout simplement trembler. Le Playstation Plus m'a aidé, en m'offrant la version française tandis que j'avais buté sur la version américaine du jeu en créant la "mauvaise" classe de personnage.
En effet, il arrive très souvent, dans Demon's Souls, qu'on fasse de mauvais choix irréversibles : mauvaise classe de départ, assassinat accidentel d'un PNJ vendeur de ressources importantes (un coup et ensuite il est hostile... jusqu'au New Game + !), laisser filer des lézards de crystal (synonymes de trésors uniquement détenus par eux) sans recharger la partie directement (idem : faudra lancer terminer le jeu et lancer un New Game + pour y avoir accès !!!), abattre un ennemi sans avoir la place de mettre son loot dans son inventaire (idem pour certains loot uniques ! : New Game +)... Bref, si l'on sait qu'il faudra au minimum 50 heures (86 dans mon cas) pour arriver au bout du jeu une première fois, on se dit que ça ne doit PAS nous arriver, le moins possible, ce genre de mauvais choix irréversibles. Et donc, on va sur internet.
J'en suis moi-même le premier étonné après coup mais si j'ai parvenu à aller au bout de ce jeu, ce n'est qu'avec l'aide EXTENSIVE du wiki anglais des joueurs : http://demonssouls.wikidot.com/ . Un ami m'expliquait qu'il fallait le guide de jeu de Final Fantasy VII pour l'apprécier et surtout pour le finir pleinement, et qu'il y avait passé prés de 100 heures. Je ne comprenais pas comment on pouvait passer prés de 100 heures à suivre les indications d'un livre pour terminer un jeu que beaucoup d'autres joueurs avaient terminé avant soi... A présent je comprends.
Demon's Souls m'a appris la modestie, la persévérance, l'échec, la prudence. Déjà, en regardant un speed run du jeu, j'ai compris qu'il y avait des magies toutes puissantes et c'était dés lors mon objectif. Ce que j'ignorais, c'est que le personnage du speed run était complètement cheaté : quand on fait un new game +(ou ++, ou +++, ou ++++...), on garde les acquis de son personnage. De là, on peut apprécier le fossé qui sépare un débutant d'un joueur tout-puissant capable de se jeter au devant d'un boss et de laisser ses 5 flèches d'âme en venir à bout d'un seul coup (Homing Soul Arrow style, represent!). Ce fossé, vous allez passer votre vie à tenter de le combler, pour soulager votre âme ! Vous voudrez être tout-puissant, pour vous sentir à l'abri des simples ennemis hors boss, pour ne pas avoir à recommencer 30 fois un niveau et mourir EN PLUS avant même d'arriver au boss que vous tentez de vaincre dans le niveau actuel. Et c'est cette motivation là qui vous permettra de progresser, davantage que le simple instinct de survie ou l'envie de progresser. Vous mettre à l'abri de la mort brutale, à tout prix ! Même si ça veut dire farmer pendant deux heures un niveau pour faire progresser un ou deux points des statistiques de son personnage lui permettant finalement de se munir de tel bouclier ou de telle arme aux propriétés salvatrices.
J'ai lu un article anglophone qui parlait de ce jeu à propos des vertus de l'échec. En substance, la journaliste expliquait qu'elle préférait échouer à quelque chose encore et encore, plutôt qu'avoir des victoires faciles mais non satisfaisantes. Elle préférait échouer à dessiner un beau chat (à force d'essais successifs, elle parvenait seulement à en dessiner un "correct") plutôt que de réussir (j'imagine ce qui suit) à rédiger un texte lisible mais sans génie. Elle a raison ! C'est aussi vrai dans Demon's Souls qu'ailleurs. Si vous commencez par vous dire que tous les joueurs de la planète arrivent au bout de ce jeu et que vous n'osez pas affronter le boss du premier niveau (ce qui était mon cas : je recommençais sans cesse jusqu'à obtenir 99 potions de vie et même alors je ne voulais pas en perdre une seule), vous n'avancerez pas d'un iota. En revanche, si vous lorgnez d'un oeil torve le petit bout de phrase du wiki du jeu qui vous conseille de porter tel item pour affronter tel boss, item que vous n'obtiendrez qu'en parcourant trois mondes et en battant tel autre boss un peu moins fort tout en "évitant de mourir" pour ne pas perdre les âmes (la monnaie du jeu) en chemin, et que c'est plus faisable que d'affronter ce boss, vous verrez le résultat : vous vous retrouverez à courir comme Laura Ingals dans la Petite maison dans la prairie vers cet item, son heure de farming et l'attitude craintive de rigueur nécessaire pour "éviter" de mourir en chemin. Vous apprendrez alors en quelque sorte ce que ça veut dire que de vous ruer quelque part avec minutie, précaution, dans l'éminente certitude que vous faites ce qu'il faut.
Vous serez alors heureux(ses) et motivé(e)s, et vous comprendrez pourquoi dans la vraie vie vous ne l'êtes pas toujours autant. Car dans Demon's Souls au moins, il n'y aura personne pour vous reprocher de gâcher votre talent naturel en n'étant pas brillant mais juste bon. Car dans Demon's Souls, plus l'embuche est grande, plus votre talent est petit, et plus vous avez à gagner en battant le pavé !
Ayant fini Demon's Souls, ma prochaine mission est de reproduire ce cheminement dans la vie, en me frottant méthodiquement à ce qui me fait le plus peur.
A ce propos, je crois, les amis, qu'il faudrait commencer un wiki sur le monde du travail. Et puis un autre sur la relation hommes-femmes. Des walkthrough détaillés sur l'écriture d'une chanson romantique crédible ou sur la tenue d'une carrière politique. Une fiche pédagogique recto-verso sur la physique quantique ou sur l'histoire de l'opéra. Un nuancier universel et mis à jour en permanence pour s'habiller de manière harmonieuse afin de ne pas être dévisagé dans le métro à Paris. Un nuancier universel et mis à jour en permanence pour juger de la grisaille relative et tout à fait raisonnable du ciel Parisien au beau milieu du mois de juin par rapport à ce qu'il était au mois de mai... J'attends vos propositions.
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Enfin, par respect pour les 9 lecteurs qui ont apprécié ma critique originale, je la laisse ci-dessous :
(Ancienne critique)
L'effroi s'était déclaré très tôt : je n'osais avancer parmi les féroces adversaires, et quand ils me concédèrent des potions de soin, j'en profitais paradoxalement pour repousser mon vrai départ, jusqu'à avoir accumulé 99 potions (la limite).
Je m'étais complu dans cette sécurité, les quelques couloirs connus et leurs attaques immuables, si bien que je n'allai pas plus loin. Et je n'allas pas plus loin depuis, surtout que je perdais systématiquement toutes mes âmes gagnées au combat, sans savoir qu'on pouvait faire ses emplettes dans l'intermonde que l'on peut rejoindre via les points de chargement (je l'ai lu depuis mais ne l'ai pas essayé).
La peur panique qui ne m'a jamais lâché m'est-elle venue des critiques lues ici et là, présentant le jeu comme tout bonnement intraitable ? Ou bien était-ce dû à cette esthétique extrêmement dépouillée, à ces amures/armes encombrantes et austères, traduisant les dangers encourus, et donc le courage nécessaire pour se lancer dans l'aventure... ? Cette difficulté est censée pousser le joueur à travailler ses skills (compétences) : apprendre l'esquive, le maniement du bouclier, etc. Soyez assurés qu'il est possible de devenir meilleurs, de tromper la mort.
Mais pour moi, il est trop tard. J'ai trop connu la mort, je n'ai plus l'habitude, les jeux du 21ème siècle m'ont rendu moins endurant. Les plaies que ce jeu m'a laissées suintent encore, et elles ne se refermeront pas. J'ai peur.
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