"J'ai bien envie d'une p'tite gâterie !" "Oh, oui ! Merci bien !" Ce court dialogue rappelle sûrement de bons souvenirs à tous ceux qui se sont essayés à Démons et Manants, un excellent jeu de gestion et de stratégie en temps réel sorti sur PC en 1997. Le but est simple : exilé sur une île, le joueur doit faire prospérer son village de paysans pour pouvoir se venger du roi qui l'a envoyé dans cette contrée inhospitalière.
Car la région est habitée par de nombreux démons en tout genre, des chauve-souris géantes aux zombies en passant par les abeilles monstrueuses. Chaque scénario de la campagne permet de découvrir une nouvelle carte, de nouveaux adversaires, mais aussi de nouveaux bâtiments, de nouveaux objectifs et de nouvelles difficultés (mentions spéciales aux épidémies qui peuvent décimer un village entier en un clin d'oeil si elles ne sont pas circonscrites rapidement).
Le gameplay repose quant à lui sur un équilibre entre la gestion et la stratégie. Si les premières missions nous demandent surtout de nous occuper du village, on doit vite monter des petites armées de soldats et de mages pour partir en expédition punitive contre les monstres. C'est plutôt sympa, même si moi je préférais largement la partie gestion. De ce côté-là, on doit bien sûr gérer la construction des habitations, mais aussi de tout un tas de bâtiments dans lesquels on pouvait former des personnages spéciaux (le maçon à la guilde des bâtisseurs, le prêtre à l'église, le percepteur à l'hôtel de ville).
Il faut aussi nourrir les vilains : c'est la meilleure façon pour le joueur de remplir les caisses. On construit donc des poulaillers pour les oeufs et des fermes pour le pain et le lait. Et surtout, on peut regarder la ville s'animer, les villageois vaquer à leurs occupations, discuter entre eux, forniquer, enfanter, vieillir et bien sûr mourir. Je crois qu'aucun jeu de gestion n'a réussi depuis (en quinze ans, donc) à retranscrire aussi bien l'impression de vie qui émane de Démons et Manants.
Pour l'époque, le jeu était franchement beau. Et surtout, on pouvait voir le paysage évoluer au fil des saisons. Mine de rien, il y a quinze ans, ça faisait son petit effet. Pourtant, avec le recul, on ne peut pas dire que tout soit parfait : les bâtiments ont toujours la même apparence, il n'y a que deux niveaux de zoom et il est impossible de faire tourner la caméra. Qu'importe, les changements de couleur suffisaient à créer l'ambiance. Mais ce qui m'a vraiment marqué, c'est bien sûr l'univers sonore.
Les vilains ont tous un bel accent de la campagne, et j'entends encore leur "b'jour" ou leur "au voleur !" résonner. Ces petits personnages assez simples et autonomes peuvent être considérés comme des sortes d'ancêtres spirituels des Sims, d'autant plus qu'avec Les Sims Médiéval, la série des petits bonshommes virtuels lui rend un hommage involontaire. Ce serait tellement bien si l'on pouvait retrouver un jeu du genre, aujourd'hui. Tellement bien, mais tellement irréaliste aussi. Tant pis. Je vais sûrement me relancer ce bon vieux Démons et Manants. Ce sera ma petite gâterie à moi.