Si vous pensiez que le mercantilisme était un phénomène relativement récent dans le milieu du jeu vidéo, je me vois contraint (et désolé) de briser votre utopie : ça ne date pas d'hier. En effet, le secteur n'a pas attendu le 21ème siècle, les DLC et les rééditions HD pour se payer la tronche des joueurs. Je vais vous en apporter la preuve pas plus tard que tout de suite, mais il me faut pour cela remonter loin dans le passé…
Nous sommes en août 1976 (chuis même pas encore né!), en pleine préhistoire du média. Aux USA sort une machine révolutionnaire, la Fairchild Channel F (connue à ce moment-là sous l'appellation VES, soit Video Entertainment System). Cette console d'un genre nouveau offre une featurette inédite jusqu'alors dans le milieu : on peut compléter sa ludothèque en achetant de nouveaux jeux dans le commerce, vendus à part. Et heureusement d'ailleurs, car la bête est vendue avec seulement deux jeux, intégrés à son système, respectivement Tennis et Hockey, qui sont de plus de simples PONG-clones, là où la concurrence d'alors en proposait généralement entre 6 et 15…
Mais où est donc le problème, me direz-vous ? On y arrive. La première cartouche apparue sur le marché s'intitulait Videocart-1 – Tic-Tac-Toe, Shooting Gallery, Doodle, Quadra-Doodle, tandis que la seconde, celle qui nous intéresse, s'intitulait Videocart-2 – Desert Fox, Shooting Gallery. Vous saisissez l'entourloupe ? Il y a DEUX FOIS LE MÊME JEU dans les deux softs !! Ce sont les deux premières cartouches de jeux vidéo de l'Histoire de l'Humanité, et ils ont déjà trouvé le moyen de nous entuber !! Sans parler du fait qu'on passe d'un soft "4 jeux en 1" à un soft "2 jeux en 1"…
Alors ok, contrairement à la VC-1 qui proposait des jeux de dessin ou du morpion, cette VC-2 propose de "vrais" jeux vidéo. Attardons-nous d'ailleurs brièvement sur Shooting Gallery, puisque c'est exactement le même jeu : on contrôle une sorte de tourelle mobile devant détruire des cibles mouvantes qui se déplacent de haut en bas. Elle peut agir sur une zone d'action plutôt restreinte, mais surtout orienter son viseur sur 180°. Le soft est particulièrement ardu car les cibles sont petites et rapides, et le jaugeage des distances pas DU TOUT évident…
Desert Fox, à l'instar de l'ancêtre PONG, est un jeu exclusivement multi. Chacun des joueurs contrôle un tank (bleu pour le J1, vert pour le J2), et le but est bien évidemment de canarder son vis-à-vis, le vainqueur étant logiquement celui qui a atteint le plus de fois l'autre lorsque le chrono tombe à zéro. Notons un zest de stratégie appréciable, grâce à la présence d'obstacles multiples placés aléatoirement sur l'aire de jeu, sachant qu'entrer en collision avec l'un d'entre eux compte tout autant qu'un tir adverse reçu…
Ainsi, et malgré l'entubage en règle subi, je serai paradoxalement plus clément avec cette VC-2. On commence enfin à voir apparaître de vraies mécaniques de jeu un minimum "élaborées", tandis que l'interface graphique se veut plus fouillée, plus dense, justifiant son statut de jeu VIDÉO. VC-2 était donc à l'époque un investissement fort honnête, et encore plus si on n'avait pas acheté la VC-1…