Rien n’est immuable, même dans le microcosme des jeux vidéo. Les hommes partent, les entités restent. Et malheureusement pour Naughty Dog, ça n’a pas été pour le meilleur (un peu comme Rareware). Qu’il est loin le temps des jeux de plateforme exceptionnels et du meilleur jeu de karting de tous les temps !!
Lorsque les premières infos sur Uncharted sont apparues, j’ai vraiment cru avoir affaire au digne successeur de la série Tomb Raider, qui avait pas mal perdu de sa superbe au fil du temps. Sauf que la réalité rattrapa bien vite ma fiction : malgré ses décors exotiques, Uncharted n’était pas un jeu d’aventure, mais un TPS hollywoodien scripté, 75 % action, 14,99 % plateforme scriptée, 10 % énigmes, et 0,01 % exploration. Et très largement perfectible de surcroît.
Je profite d’ailleurs de cette critique pour m’excuser auprès de mes voisins (mieux vaut tard que jamais), qui ont dû subir quelques poussées de gueulerie du style "bordel, mais tu meurs jamais ou quoi !?!", ou bien des "mais merde, vous sortez d’où, vous !?!" ou encore du "putain mais là, ça en devient vraiment ridicule !!".
L’ironie dans l’histoire, c’est qu’aujourd’hui Tomb Raider est devenu un Uncharted-like… Tristesse…
Dans Uncharted, on traverse quelques chemins linéaires, entrecoupés ponctuellement de décors un peu plus étendus que la moyenne, et truffés de petites cachettes potentielles, destructibles ou non : intervient alors une véritable armée de pirates modernes, qui se sont apparemment tous ligués contre ce pauvre Nathan Drake, arrivant par demi-douzaines, et souvent par plusieurs vagues successives… D’où sortent-ils, et pourquoi ne profitent-ils pas de leur surnombre évident pour fondre sur nous en une seule et même vague, et assurer par cette action une victoire violente et magistrale ? Parce que. C’est comme à la Poste, tu prends un ticket et t’attends ton tour.
La localisation des dégâts est une grosse blague tellement elle est aléatoire, et les ennemis sont des sacs de PV ambulants, même lorsqu’ils ne portent ni casque, ni gilet pare-balles. Un headshot doit se faire obligatoirement entre les deux yeux, alors qu’une balle dans la carotide a une efficacité toute relative. Le pire, c’est quand on vise ailleurs (le corps, les bras, les jambes) : l’ennemi titube un coup mais continue de courir comme un cabri, et ne lâchera jamais son arme sous l’effet de la douleur…et il faut une bonne dizaine de balles pour le vaincre, ce qui fait que les gunfights durent, et durent encore…
À propos des armes, leur gestion est super mal foutue. Déjà, les grenades s’utilisent avec la sixaxis, ce qui rend leur précision utopique. Quand on achève une séance d’acrobaties, Nate dégaine toujours l’arme de poing, même quand l’arme sélectionnée avant la voltige était un gros calibre, pratique quand on est bien accueilli. Aussi, il range toujours son arme lorsqu’il n’y a aucun danger apparent (vive le manque de surprises!). Et pourquoi ne peut-il pas automatiquement ramasser les munitions lorsqu’il passe dessus, comme des millions d’autres jeux du genre ? Pour peu qu’il y ait une arme vide et/ou peu intéressante à côté, dans le feu de l’action, on se retrouve à ramasser le mauvais item…
Le pire à mon sens, ce sont les quelques passages en jetski, et particulièrement le tout dernier. À bord d’un engin pas spécialement maniable, le parcours est ponctué d’ennemis parfois bien cachés qui nous canardent avec un arsenal conséquent, auxquels on rajoute des tonneaux explosifs sur le chemin (sinon c’est pas drôle), un chemin qu’on doit de plus arpenter à contre-courant !! Je crois que pour rendre l’expérience plus horrible, il aurait fallu jouer de nuit et/ou avec un jetski défaillant…
Les autres mécaniques de jeu ne sont malheureusement pas spécialement plus reluisantes… Les énigmes par exemple, en portent rarement le nom, puisque le petit calepin trouvé dans le cercueil de sir Francis Drake offre quasiment toujours au premier coup d’œil la solution. Quant aux quelques phases de plateforme, elles sont ultra balisées, et il n’y a bien que les passages avec les lianes qui peuvent poser problème, Nate ayant parfois du mal à s’en extirper pour atteindre la corniche suivante…
Enfin, scénaristiquement parlant, il y a du bon et du clairement moins bon. Le postulat de base est génial et certains persos sont attachants, notamment le trio de héros. À l’inverse, les antagonistes sont ultra clichés, et l’histoire est bourrée d’incohérences, et pas des moindres ; la plus évidente pourrait se résumer en une question : pourquoi les ennemis semblent toujours avoir un temps d’avance sur Nate alors que c’est lui qui est en possession du journal de Drake ? Dans le même genre, pourquoi rencontre-t-on certains de ces ennemis dans des cryptes scellées depuis des années que l’on vient à peine de réussir à ouvrir ? C’était vraiment si difficile d’éviter ces erreurs scénaristiques grotesques ?
Bon, arrêtons un instant de descendre Uncharted, qui dispose tout de même de certains atouts. Le plus évident, c’est sa plastique superbe, et notamment ce choix de teinte de vert tendant vers le fluo pour la nature, qui donne presque l’impression d’évoluer sur une autre planète. L’IA s’en sort également avec les honneurs, les opposants étant bien souvent mobiles et sachant assez bien se coordonner pour maximiser les dégâts. Et puis, les nouveaux ennemis intervenant dans le dernier quart du jeu sont plutôt une bonne idée, modifiant radicalement l’approche tactique (bye bye la couverture), et c’est encore plus vrai quand on doit affronter les deux types d’ennemi en même temps…
Mais tout ça ne suffit pas à faire un bon jeu. Comme dirait une certaine connaissance, Uncharted est "thematically wrong" : on rappellera que uncharted se traduit par "inexploré", mais à aucun moment on ne part en exploration, puisqu’on reste cantonné à suivre un chemin balisé à mort, à trucider à la chaîne des hordes d’ennemis en adamantium qui rappliquent à la queue-leu-leu, avec quelquefois des semblants d’énigmes histoire de faire croire au joueur qu’il est dans un Tomb Raider-like, ce qui n’est pas le cas ; Uncharted est en fait un GeoW-like avec un skin Tomb Raider, et c’est bien différent.
Jason Rubin, Andy Gavin, vous me manquez tellement…