En débutant Uncharted, j'avais clairement envie de me plonger dans un bon jeu d'action-aventure dépaysant, péchu, à la prise en main immédiate et qui me ferait vivre une intrigue digne des vieux pulps avec son lot d'antiques cités perdues, de temples labyrinthiques et de légendes appartenant à des civilisations millénaires. Au bout d'une heure de jeu, j'avais déjà déchanté. "Mais qu'est-ce que c'est que ça ?" commençais-je à me demander à la 21ème fusillade alors que j'avais à peine progressé d'un kilomètre dans la jungle.
Car Uncharted, c'est ça: des gunfights à n'en plus finir où on passe son temps à se cacher derrière des murets ou des caisses en bois pendant que des vagues d'ennemis déferlent sur vous. Si le système de couverture à la Gears of War donne un cachet incontestablement plus réaliste à l'épopée de Drake, les sensations apportées durant le jeu sont plutôt molassonnes, tandis que la fréquence de ces joutes armées devient très vite incroyablement frustrante. On veut jouer à un avatar d'Indiana Jones, et on se retrouve à crapahuter dans la jungle dans la peau d'un sous-Rambo incapable de rester plus de 5 minutes sans faire parler la poudre. La soif d'exploration, de mystères et d'énigmes que laisse entrevoir le soft à ses débuts ne semble jamais devoir se combler alors même que l'excellence graphique des environnements s'y serait admirablement bien prêtée...
Les rares phases d'exploration/plate-forme offrent des pauses agréables entre deux marathons de fusillades, des ennemis se permettant souvent de surgir de nulle part (Nathan lui-même n'hésite pas à en faire la remarque à voix haute en plein combat !) alors qu'on croyait une zone nettoyée. La crédibilité de l'ensemble en prend un coup et les échanges de coups de feu ont évidemment tendance à s'éterniser. Il ne nous est pas pour autant vraiment permis de nous défouler puisque leur relative difficulté (on meurt tout de même pas mal de fois) demande une extrème prudence.
Et puis, contre toute attente, après un certain temps d'accoutumance, on se laisse aller à la toute-puissante volonté du jeu, et on commence à accepter le gameplay pour ce qu'il est. La mécanique générale devient plutôt sympathique pour celui qui sait mettre de côté ses aspirations d'Aventurier avec un grand A. Les cuts-scènes s'enchaînent, nous contant une histoire déjà vue 100 fois mais dont les rouages sont indéniablement maîtrisés: il faut dire que les dialogues font mouche, éveillant immédiatement des souvenirs archétypaux chez les habitués du cinéma de genre.
On arrive ainsi au trois quarts du jeu, enveloppé dans une espèce d'habitude ludique presque agréable, même si elle ne laisse guère de traces dans la mémoire.
Mais ça, c'était avant le dernier quart du jeu.
L'Aventure, la vraie, revient sans prévenir. L'équilibre entre action et platte-forme devient soudain diablement efficace et une séquence vraiment intéressante, dans un lieu enfin digne d'un épisode d'Indiana Jones, nous bouscule dans notre petite routine. Juste après, le choc: le scénario prend une tournure inattendue, le gameplay change radicalement et le joueur se retrouve pour la première fois dans une position inconfortable. Et c'est tout simplement excellent. Si le soft a bien un éclair de génie, c'est cette prise de risque que nul n'aurait osé espérer et qui est capable de larguer les joueurs les plus réfractaires au changement. Certains lâcheront peut-être la manette, moi je suis presque fasciné. Cette leçon vidéoludique est courte mais intense. CA, je m'en souviendrai, au moins. De banal, Drake's Fortune en devient presque, à mes yeux, un classique du jeu vidéo. Très loin du chef-d'oeuvre, mais une étape plutôt intéressante du média qui nous occupe. Du coup le second opus, que j'avais rayé de ma liste en cours de partie, est redevenu une priorité. Même si je ne pense pas trouver dans la série un Graal ludique, les promesses augurées par ce premier épisode méritent qu'on s'y attarde.