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Une première chose qu’il est essentiel de se mettre en tête avant d’évoquer Destiny : il ne s’agit absolument pas d’un MMO. Il ne partage aucune caractéristique avec ce genre. En premier lieu, les options de personnalisation sont ridicules. L’apparence du perso ne peut être modifiée que de façon extrêmement sommaire et les compétences se montent toutes seules. La liberté du joueur se limite à choisir telle ou telle compétence, mais il n’existe pas de points à répartir comme dans un MMO lambda. Deuxièmement, les interactions entre joueurs sont minimalistes : il existe un chat vocal entre joueurs, quatre emotes sont disponibles et… c’est tout. Vous êtes membre d’un clan ? Le nom de celui-ci s’affichera IG, mais c’est tout ; il n’existe aucun moyen de communiquer avec d’autres membres du clan en jeu. Cela signifie que la seule solution est d’ajouter tous les membres de votre clan en ami, pour bénéficier des services PlayStation (gestion de la liste d’amis & co). Ce sera peut-être corrigé par la suite, mais c’est révélateur : connaissez-vous un seul MMO dans lequel les guildes n’existent qu’en-dehors du jeu ?
Ce n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres. Les échanges entre joueurs sont totalement impossibles. En outre, l’intégralité du jeu est instanciée : chaque phase se déroule dans sur une carte pouvant accueillir jusqu’à 25 joueurs et sur laquelle vous rencontrerez d’autres joueurs avec qui vous ne pourrez de toute façon pas communiquer. Néanmoins, même à ce stade, le butin reste instancié. Cela signifie que vous serez le seul à voir votre propre butin (équipements, engrammes, mais aussi munitions). Si vous jouez en coopération avec un ami, vous l’entendrez certainement se plaindre de ne pas avoir telle ou telle munition, alors que vous en avez à revendre et que des chargeurs se trouvent au sol devant vous, sans qu’il ne puisse y accéder. Apogée de cette caractéristique : les cinématiques sont individuelles. Vous venez d’ouvrir un bâtiment particulier en compagnie de deux autres joueurs de votre escouade et cela déclenche une cinématique ? Ils n’apparaîtront pas sur ladite cinématique. Au final, les autres joueurs servent juste à tuer les ennemis que vous avez en commun et à vous ressusciter de temps en temps, mais ils n’ont aucun autre impact sur votre partie. Pas terrible pour un prétendu MMO.
Cette prétendue « composante MMO » de Destiny n’est qu’une vaste fumisterie nourrissant deux buts : faire accepter une connexion en ligne obligatoire et pousser davantage de joueurs à l’achat. À l’inverse, n’espérez pas jouer à Destiny en solitaire : le contenu est pensé pour plusieurs joueurs (au moins 2, idéalement 3 en général et 6 pour quelques rares activités). Le mode histoire, qui peut être joué seul, contient des zones de « réapparition limitée » qui rendent le jeu très frustrant si vous jouez seul. En somme, Destiny est un FPS en coopération, à l’image d’un Left for dead, d’un Payday ou d’un Borderlands, mais en aucun cas un MMO. Cela n’en fait pas forcément un mauvais jeu, cela dit.
Le gameplay (pensé pour les consoles) est parfait. Il est très agréable, facile à prendre en main et dynamique. Ainsi, monter de niveau permet de gagner en force, mais ne rend pas invincible : des mobs ayant 5 à 10 niveaux de moins que soi peuvent être létaux si l’on est trop imprudent. Plus généralement, ce ne sont en général pas les boss qui sont les plus dangereux (même s’ils peuvent tuer en un ou deux coups), mais la vague de monstres beaucoup moins résistants qui les accompagne. Il en résulte un jeu très intense, dans lequel il est possible de mourir très vite si on se laisse submerger. En outre, la bande son et les graphismes sont plutôt bons, la finition est excellente (les serveurs sont particulièrement stables) et le scénario est passable. Alors, Destiny est-il un excellent jeu co-op, à défaut d’être un MMO ? Malheureusement, non, pour deux raisons.
La première, ce sont les interactions si limitées que j’évoquais plus tôt. Pour un jeu co-op ayant misé sur un monde persistant, on pouvait s’attendre à des options bien plus poussées que dans d’autres jeux du genre, comme Borderlands, par exemple. Elles sont au contraire beaucoup plus limitées. Oui, il est possible de créer un clan et même de faire des alliances entre clans, mais cela n’a aucune conséquence en jeu, sinon l’affichage du nom du clan sous le pseudo. Amusant, quand on sait qu’il n’est même pas possible de savoir si d’autres membres sont connectés, à moins de les avoir ajoutés en ami… Il est en outre particulièrement rageant d’en être réduit à détruire des armes dont on ne veut plus alors qu’un ami en rêverait.
Cependant, tout ceci est réglable facilement et cela le sera peut-être. C’est très gênant en jeu et difficilement pardonnable, mais au moins est-ce corrigeable. Ce qui l’est plus difficilement, c’est le contenu famélique du jeu, visible sur tous les plans. Ainsi, selon le site How long to beat, l’histoire principale de Destiny peut se terminer en environ dix heures. Pour donner des points de comparaison, c’est à peu près la même durée que pour Killzone : Shadow Fall, mais c’est très nettement moins que Borderlands 2, dont l’histoire principale prend en moyenne 31 heures selon le même site. Au final, Destiny, le jeu qui promettait d’explorer l’univers, se limite à quatre cartes de taille réduite : une sur la Terre, une sur la Lune, une sur Vénus et une sur Mars. Si j’insiste autant sur le « une sur », c’est pour insister sur l’absurde de la situation ; la Terre se résume par exemple à une zone réduite de « l’ancienne Russie ». Il y avait moyen d’offrir nettement plus, tout en gardant des environnements variés (ce qui est le cas, il convient de le souligner). Autre problème, ces zones, aussi peu nombreuses et réduites soient-elles, n’en sont pas moins terriblement vides. En effet, le nombre de coffres et d’objets réellement intéressants par carte est extrêmement réduit. Il en ressort des zones qui paraissent complètement vides, ce qui décourage l’exploration. En outre, les missions d’explorations, les patrouilles, permettent de parcourir ces zones en accomplissant de petites quêtes annexes. Malheureusement, une fois encore, le nombre de patrouilles différentes est extrêmement réduit. Il en est de même pour les contrats (des défis à remplir) qui ne sont que très peu variés. Faire une fois un contrat est très plaisant, mais le refaire plusieurs fois n’a guère d’intérêt, ce qui signifie que le système semble vite plus rébarbatif qu’autre chose. Il en est de même concernant les différentes races d’ennemis. Si celles-ci sont très variées les unes des autres, chacune ne se compose que de 5 ou 6 types de monstres qu’il faudra tuer encore et encore.
Le PvP ne se distingue pas de ce triste constat : celui-ci ne se compose que de huit cartes différentes, déclinées dans quarte modes de jeu. Cependant, sur les huit cartes, deux sont gâchées par la présence de véhicules (qui ne sont absolument pas adaptés à des combats en 6 contre 6). Concernant les modes de jeu, le mode mêlée générale est sans intérêt, car il se dispute à 6 joueurs par carte. Or, du coup, les joueurs passent leur temps à se chercher, ce qui rend ce mode de jeu très chiant, alors qu’il peut être plaisant quand il est suffisamment nerveux (comme dans Chivalry, par exemple, où 36 joueurs s’affrontent sur des cartes beaucoup plus réduites que celles de Destiny). De même, le match à mort par équipe se décompose en deux catégories : par équipes de 3 ou de 6. Il y a donc virtuellement deux modes de jeu, alors qu’il s’agit en réalité de la même chose. En définitive, il y a donc 6 cartes de qualité et deux modes de jeu intéressants. C’est bien maigre.
Néanmoins, il y a un mérite que l’on ne peut enlever à Bungie, c’est celui de savoir exploiter à fond son faible contenu. On vous a dit que le endgame était la force principale de Destiny ? Celui-ci ne consiste qu’à refaire encore et encore le même contenu. Cette tendance est encore renforcée par les contrats et les défis quotidiens et hebdomadaires, qui vous inciteront eux aussi à refaire à nouveau les mêmes missions ou assauts. De la même façon, un deuxième arbre de compétence se débloque au level 15. Dans n’importe quel jeu, chaque joueur disposerait de points qu’il pourrait distribuer comme il l’entend. Dans Destiny, pour monter une compétence, il faut farmer. Or, quand arrive le deuxième arbre, celui-ci est vierge : cela signifie qu’il faut tout recommencer du début si on s’y intéresse, en se passant au début des grenades, du saut amélioré, de l’attaque de mêlée et du super. Un sacré retour en arrière qui force à farmer, à nouveau.
Toutefois, c’est pour l’histoire principale, cette si courte histoire principale, que Bungie déploie tout son talent de réutilisation. Dans un jeu moderne, le joueur arriverait sur une carte ouverte et se verrait confier des quêtes, qu’il accomplirait une après l’autre en restant sur la carte, qu’il explorerait ainsi petit à petit. Seulement, quand on a que quatre zones, appliquer une telle méthode reviendrait à réduire la durée de vie à néant. Aussi, dans Destiny, la marche à suivre est la suivante :
1) Sélectionner la mission dans un menu disponible « en orbite ».
2) Subir un interminable temps de chargement.
3) Effectuer la mission, puis retourner automatiquement en orbite une fois celle-ci terminée.
4) Retourner à la Tour.
5) Subir un interminable temps de chargement.
6) Récupérer sa récompense à la Tour, puis retourner manuellement en orbite.
7) Sélectionner la prochaine mission de la même façon.
8) Subir un interminable temps de chargement.
Cela vous semble long et chiant ? C’est le cas. Les temps de chargement sont horriblement longs et le jeu est pensé pour faire passer les quêtes « fedex » de certains jeux de rôle pour une aventure passionnante et parfaitement justifiée. La Tour ne sert absolument à rien, sinon pour interagir (le terme parler serait exagéré) avec certains PNJ. C’est l’environnement le plus morne du jeu : il est très réduit, instancié de la même façon que le reste et les PNJ ne sont que des vendeurs pratiquement muets. Tout ce qui est effectué à la Tour pourrait l’être via une interface adéquate, plutôt que de devoir multiplier les trajets et supporter du même coup d’horribles temps de chargements. Pourtant, Bungie ne s’arrête pas là, puisque les missions sont extrêmement linéaires et réutilisent sans vergogne les mêmes environnements. Il est très souvent nécessaire d’emprunter deux fois le même chemin pour deux missions différentes, en bifurquant à un moment pour affronter un boss différent.
Oui, les développeurs semblent avoir réponse à tout. Ainsi, pour éviter que les cartes ne paraissent trop vides et mortes, ils obligent à jouer en ligne (et donc, avec d’autres joueurs auxquels on ne parlera jamais) et offrent aux monstres une vitesse de repop absolument hallucinantes. Ils réutilisent en outre les environnements, les contrats et les missions afin qu’un joueur soit plus longtemps en jeu, même si pour cela il doit faire cinq fois la même chose. Seulement, je ne suis pas convaincu que ce soit le signe d’un jeu de qualité.
C’est vraiment dommage, parce que le gameplay de Destiny est excellent et qu’il montre par moments énormément de potentiel. Proposer des combats en vaisseaux pourrait ainsi être très intéressant. De même, la meilleure mission du jeu est celle qui permet d’utiliser une épée pendant quelques instants, malheureusement c’est l’unique cas où il est possible d’utiliser une telle arme. Les exemples pourraient être nombreux, tant le titre déborde de potentiel inexploité.
Au final, Destiny fait penser à un jeu indépendant dont les développeurs n’avaient pas assez de temps et de moyens pour aller jusqu’au bout de leurs idées. Lorsqu’ils s’en sont rendus compte, ils ont tenté de soigner le jeu et d’augmenter sa durée de vie par de nombreux artifices, mais il était impossible dans de telles conditions d’étoffer le contenu… avant la sortie des DLC. L’annonce d’un premier DLC pour décembre a fait tiquer beaucoup de personnes, celles-ci affirmant à loisir que cette sortie était trop proche. Cependant, il se pourrait bien au contraire qu’elle soit trop lointaine. En effet, Destiny est l’exemple même du jeu fastfood, qui est très agréable et auquel on joue facilement beaucoup en peu de temps, mais dont le contenu est beaucoup trop famélique pour retenir des joueurs plus d’un mois. Pour 20€ et si vous avez des amis motivés, n’hésitez pas. En revanche, n’achetez pas le jeu au prix fort : il ne le mérite clairement pas.