Sceptique, je l'étais. Et pas qu'un peu.

On regarde toujours les petits ovnis de Quantic Dreams d'un coin de l'œil en se demandant ce que ça vaut et si, invariablement, on finira encore déçu. Et si taper sur David Cage est devenu un sport national – souvent à juste titre – on a tout de même, dans le coin de notre tête, sûrement par empathie (pour ne pas dire pitié), envie de lui donner une énième chance.


On achète la galette. On la donne au goinfre qui fait un bruit monstre appelé PlayStation 4. On enfile le casque, on met le son à fond… Et on constate.


Detroit: Become Human, c'est une fois de plus un film interactif, avec peu de gameplay et des thèmes éculés en veux-tu en voilà. C'est une fois de plus des choix à faire, parfois intéressants, parfois totalement triviaux. C'est aussi des ficelles énormes, des violons pour bien te faire comprendre qu'il faut pleurer à ce moment. Du symbolisme grossier et des scènes convenues.
Ouais, il ne faut pas aller y chercher l'originalité de bout en bout. Il y a quelques fulgurances, mais globalement (le recul aidant), c'est du K. Dick mélangé à du V pour Vendetta, l'originalité en moins et l'écriture en dessous. Si vous connaissez ces deux univers, vous naviguerez en terrain connu et détecterez les ficelles du scénario bien avant que les choix ne se présentent. Voire même dès le début de la partie pour les plus perspicaces. L'ensemble est assez convenu avec un énorme sentiment de déjà-vu quasi permanent.


Mais Detroit le fait bien. Ce qu'il entreprend, ce qu'il nous présente, est diablement bien travaillé. Que ce soit sur la pertinence des trois personnages, sur l'enchaînement des scènes ou sur les différentes approches qu'il nous expose, on sent que le titre a été construit et développé avec amour, avec une obsession du détail presque maladive. Ça se sent dès que l'on contrôle Markus devant sa peinture. C'est à ce moment-ci que mon scepticisme s'est envolé. Il y a eu un déclic. Quelque chose de plus que d'habitude. J'étais alors prêt à vivre cette histoire.


Et je me suis retrouvé face à quoi ?
Tout d'abord face à un titre incroyablement beau. On atteint un tel degré de détail et d'animation sur les visages que l'uncanny valley semble bien loin (à nuancer selon les scènes, bien évidemment. Ça reste encore moyen lors de quelques passages). D'autant plus que le fait de voir et contrôler principalement des Androïdes désamorce d'autant plus ce sentiment. La réalisation (cinématographique) est travaillée, les plans souvent magnifiques et l'utilisation des divers effets (flou de profondeur, motion blur, lumières artificielles, filtres) pleinement justifiée. La PS4 crie, mais on sait pourquoi. En parallèle, la bande sonore est d'une puissance incroyable. Peu innovante mais en concordance totale avec l'aspect visuel. Elle renforce les tensions, les émotions, nous fait vibrer et frémir. Une réussite totale (pour moi) sur ce point. Même chose pour les voix (anglaises), parfaites. Un travail énorme que je salue bien bas.


Il reste alors le contenu, son renouvellement permanent du "gameplay" en jonglant habillement entre les différents personnages. Des courses poursuites extraordinairement bien mises en scènes (à la tension palpable). Des phases d'enquête bien construites, jamais trop longues et lourdes. Une utilisation de mécaniques narratives éculées (une petit fille, la famille, les méchants humains qui ont peur de la nouveauté, le bien et le mal, etc) mais pertinentes qui arrivent à réellement nous faire douter sur quelques choix et surtout, pour la première fois dans un Quantic Dreams : une réelle sensation de liberté dans la narration. Certes le nombre de "fins" n'est pas si dingue. Certes l'histoire est sensiblement similaire d'une timeline à une autre. Et oui, on soulèvera toujours les mêmes thèmes sans réelle variation. Mais ici, il y a suffisamment de variables d'action, d'éléments à déclencher et d’interactions, pour nous simuler une vraie sensation de choix. Nous sommes à des millénaires d'un Telltale ultra basique et même d'un Heavy Rain très convenu. Et c'est, je pense, l'élément principal qui a réussi à me faire autant rentrer dans cette histoire. L'acceptation du concept, pour la première fois sur un Quantic Dreams. Les rouages s'effacent enfin devant la pertinence du contenu.


Je suis rentré dedans, j'ai embrassé cette soif de liberté des Androïdes, et au final… Oui, j'ai véritablement ressenti des émotions fortes. Nul doute que cet avis va se niveler vers le bas au fil du temps. Que l'impact émotionnel que je ressens actuellement, peu de temps après l'avoir terminé pour la première fois, va se diluer et faire place à l'amertume des thèmes "faciles". Mais j'écris ceci justement pour me souvenir qu'effectivement, je viens de passer une dizaine d'heures très fortes. Que le chant m'a fait pleurer. Que j'étais tendu comme jamais à la frontière. Que les grandes idées bien naïves me font toujours vibrer et qu'aujourd'hui, pour la première fois, j'ai littéralement vécu un film interactif. Un vrai.

imiduno
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le 19 sept. 2018

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imiduno

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