J’aime bien les jeux narratifs, et j’avais gardé un pas trop mauvais souvenir d’Heavy rain, quoique je crois que j’aie été indulgent à l’époque à cause de son côté novateur, mais c’était quand même plein de défauts frustrants.
J’ai donc ajouté Detroit Become human à mes envies sans me renseigner plus que ça ; j’aurais peut-être dû.


Contrairement à certains détracteurs de Quantic dream, je n’ai rien contre les mécanismes de jeu utilisés par Detroit en eux-mêmes. Mais ils sont très mal utilisés, et le gameplay est foireux sur de nombreux points.
J’accepte l’idée qu’un jeu narratif t’emmène là où il veut, j’adore certains jeux de Telltale par exemple, mais ici ce que je reproche notamment c’est de donner l’illusion de liberté.
Les espaces sont grands, mais ultra restrictifs, de manière ridicule. On ne peut pas monter un escalier car quelqu’un est assis dessus ou joue à la balle devant, quand ce n’est pas juste un gros message rouge qui apparaît dans les airs pour nous rappeler notre objectif, et agit comme un champ de force infranchissable.
Plutôt ironique pour un jeu où il est question de gagner sa liberté et où des androïdes s’affranchissent des limites imposées.
Les QTE, je n’ai rien contre non plus, mais ils sont employés à l’excès ; pour simplement boire à la bouteille il faut pousser le joystick, puis appuyer sur un bouton…
Des fonctionnalités sont inutiles, on peut zoomer sur des détails du décor pour lesquels, la moitié du temps, on se demande ce qu’il y a à voir, avant de se rendre compte que la réponse est : rien.
Alors que Detroit se joue la plupart du temps en vue à la 3ème personne, la caméra se retrouve parfois de biais pour adopter un style cinématographique, et on peut changer d’angle soi-même en cours de jeu… mais je ne comprends pas qui voudrait faire ça, sauf pour se prendre la tête pour un déplacement tout simple de son personnage.
Les contrôles sont également mal pensés ou optimisés : des actions doivent s’effectuer avec le même joystick qui contrôle la caméra (vous imaginez le problème que ça peut poser ?), il faut parfaitement se placer pour interagir avec certains éléments, autrement il faut se retourner, faire quelques pas dans l’autre sens, et revenir au bon endroit ; d’autres fois j’ai été coincé par des abrutis de PNJ sur mon passage qu’on ne peut même pas pousser, donc qu’il faut contourner ou, quand on se trouve dans un coin, attendre qu’ils bougent d’eux-mêmes, quand bien même il y a largement la place de passer.
Et on ne peut pas choisir de courir, même quand on est pressé par le temps ; c’est de petits détails, mais nombreux, et c’est tout autant de petites frustrations.


Comme dans les jeux précédents, on continue de nous imposer des actions et choix complètement futiles : qu’est-ce que j’en ai à faire de la tenue que va porter mon collègue de travail ?
Et je trouve toujours aussi idiot (et… frustrant !) de devoir choisir parmi les questions qu’on veut poser, sans pouvoir toutes les sélectionner, surtout dans le cadre d’enquêtes policières ; comme si un flic était obligé de ne poser qu’un nombre restreint de questions, ou était incapable de poser 2 fois la même à des personnes différentes.


Les fans de Quantic dream vont arguer qu’on n’y joue pas pour le gameplay… mais il y a des gens qui apprécient des scénarios comme celui de Detroit Become human ? Bon sang…
Le sujet au cœur de l’intrigue n’est pas bien nouveau, même si c’est un des éléments qui m’a intéressé : des androïdes au service des humains, qui se découvrent des sentiments, des ambitions, un libre arbitre, … une humanité, donc.
Ça aurait pu être intéressant si on nous avait proposé un angle nouveau, mais le jeu nous livre le même message qu’on a vu maintes fois, la subtilité en moins.
Dès le second chapitre avec Markus, son propriétaire lui dit directement "des fois je me dis que tu es plus humain que les humains".
Au lieu de suggérer cette idée par l’histoire, on nous la livre directement sur un plateau, sans ambages. Sans finesse.
Dans le même genre, plus tard, un androïde torturé par son propriétaire explique : "Il joue avec nous, il s’amuse à faire de nous des monstres… mais qui est le vrai monstre ?"
Putain, mais pitié ! Non seulement tout ça a été vu et revu dans d’autres œuvres, mais pourquoi faire passer ce propos directement dans les dialogues ? Le joueur est trop con pour comprendre un sous-texte ?
On nous bombarde aussi de métaphores et de symbolisme lourdingues qui dressent des parallèles entre l’ostracisme subi par les androïdes et la ségrégation, le nazisme, et l’homophobie. C’est un melting-pot où les robots sont d’abord accusés de voler les emplois de humains, n’ont pas le droit de rentrer dans certains lieux au même titre que les animaux, et ont leur propre compartiment dans le bus, puis paradent dans la rue, ressortent le slogan "I have a dream", font un usage direct du terme "esclavage", …
C’est bon, vous avez capté ?
Et bien le jeu continue quand même tout du long à insister encore et encore sur ces références, et à force ça en devient comique.
Quand on nous balance vers la fin la réplique "Ils emmènent les androïdes dans des camps pour les détruire", c’est censé être dramatique, mais j’ai éclaté de rire, tant la référence forcée est ridicule.


La lourdeur se retrouve aussi dans le personnage du flic qui n’est qu’un amas de clichés : alcoolique, colérique, suicidaire, il a une dent contre les androïdes à cause de, devinez quoi… un trauma dans son passé.
Les méchants sont caricaturaux, on voit immédiatement qu’ils sont mauvais, même lorsque c’est censé être un twist (enfin, je crois ? c’est tellement peu subtil que c’est difficile à dire) ; je pense au père d’Alice et de Zlatko, deux types gros et crasseux (les taches sur la chemise, ça ne trompe pas), à la voix ou au ton patibulaires.
J’ai aussi eu du mal à croire à certains comportements humains grossiers. Par exemple le flic qui menace son collègue en sortant son flingue, pour défendre un androïde… alors qu’il les a en horreur.
De grosses incohérences parsèment le scénario, on nous explique notamment que les androïdes ne ressentent pas la douleur, alors que tout un tas de moments prouvent le contraire. Les robots peuvent retirer la diode qu’ils ont à la tempe, un signe d’émancipation de leurs maîtres… mais le trou laissé à la place devient invisible, comme s’ils étaient conçus pour retirer cet élément.
Et puis il y a le fait que partout où l’on va, on rencontre des androïdes déviants, et pourtant on apprend avec surprise, tard dans l’histoire, que les média n’en parlent pas encore… comme si personne ne les avait remarqués à part les héros du jeu ?


Tout du long, mon avis sur Detroit Become human a oscillé, un peu comme l’opinion qu’ont les autres personnages du jeu sur les héros, représentée par des flèches ascendantes ou descendantes.
Car il y a quand même des éléments qui m’ont plu. Le personnage de Connor est amusant, ses phases d’enquêtes sont les plus divertissantes en terme de gameplay, et les combats sont prenants car le temps de réaction limité augmente l’implication.
Des moments d’émotions fonctionnent bien, en partie grâce à l’excellent jeu des acteurs.
La conception des androïdes est plutôt bien pensée : ils peuvent communiquer à distance, mais pour explorer plus en détail la mémoire d’un de leurs pairs, ils ont besoin de se toucher, ce qui donne un autre niveau d’intimité au fait de se prendre la main.


Le nombre d’embranchements de l’histoire est impressionnant, mais je regrette qu’on nous donne l’illusion de risques et d’enjeux, alors que je me suis rendu compte que c’est un peu de la poudre aux yeux, avant d’en arriver au chapitre final.
A chaque fois qu’on croit qu’il y a un grand bouleversement en raison d’un mauvais choix ou d’une action ratée, que ce soit la mort d’un des personnages principaux ou la perte de mémoire de l’un d’eux… en fait, ça se résout rapidement.
Je me suis senti floué. Il n’y a pas de réelle prise de risques de la part des scénaristes au final ; ça aurait été audacieux de vraiment chambouler l’histoire, mais je pense qu’ils n’ont pas voulu trop frustrer les joueurs par rapport à leurs erreurs. Tandis que dans d’autres jeux narratifs, où des évènements majeurs sont inévitables, le joueur ne peut pas s’en prendre à lui-même.
Mais du coup, ça réduit l’implication du joueur dans Detroit Become human, en plus de faire fi de la cohérence parfois.
Un de mes androïdes a vu sa mémoire être formatée… et apparemment, c’est comme devenir amnésique pour un humain, il suffit de quelques stimuli pour que l’intégralité des souvenirs reviennent ! (essayez ça, la prochaine fois que vous formatez un disque dur par erreur et que vous voulez récupérer vos fichiers)


Donc que ce soit le gameplay ou l’histoire, il n’y a aucun des deux aspects du jeu pour sauver l’autre.
Plutôt que de jouer à Detroit, allez plutôt voir la série Westworld ou les films Ex machina, Blade runner, Blade runner 2049, et L’homme bicentenaire. C’est de la fiction qui brasse un peu les mêmes thèmes. Et qui le fait beaucoup mieux, selon moi.

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le 4 juil. 2018

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