Il y avait bien longtemps qu'un jeu ne m'avait pas aspiré de la sorte... Quasiment impossible de lâcher le clavier et la souris une fois lancé.
Le scénario est excellent, brassant des thèmes tels que la géopolitique, la légitimité du pouvoir, la dépendance au Réseau, la ligne trouble entre terrorisme et défense de sa liberté... Le jeu date de 2000 mais son scénario prophétique et conspirationniste prend encore plus d'envergure dans le monde de l'après 11-septembre.
Ce scénario est en fait linéaire, mais il est tellement bien écrit et place le joueur face à de tels dilemmes que l'illusion de choix est bien présente lors d'une première partie. L'illusion qu'il y aurait en fait ces niveau alternatifs alors que les développeurs ne les ont simplement pas créés. Ceci dit, le joueur est confronté à quelques choix au long de l'histoire, qui peuvent avoir des impacts non négligeables sur la vie de des alliés ou ennemis, parfois 5 niveaux plus tard...On peut ainsi se féliciter d'avoir donner telle instruction particulière à un ami (sans bien en mesurer les conséquences) lorsque celui-ci vous fournira plus tard le moyen de se débarrasser sans coup férir d'un ennemi coriace. Ou au contraire se lamenter sur la mort d'un ami à la fin parce qu'on a été trop coulant sur une situation louche en milieu de jeu. Un élément de replay value non négligeable !
Mais l'atout principal du jeu est son gameplay, qui permet à chaque joueur d'arriver à ses fins suivant son style propre. Fondamentalement, le jeu se présente comme un FPS scénarisé, avec des missions classiques (destruction d'objectifs, récupération d'informations, libération d'otage, etc.). Mais les niveaux, assez grands, permettent des approches variées aux problèmes. Par exemple, pour rentrer dans un immeuble à infiltrer, on pourra passer :
- par la porte principale sécurisée (après l'avoir crochetée, faite exploser, ou fait assez de barouf à l'extérieur pour faire sortir les gardes alertés) ;
- par les toits ;
- par la fenêtre d'une pièce inoccupée ;
- par les égouts ;
- par la ventilation ;
- par le local technique avec sa surveillance et ses sécurités électroniques.
On peut donc foncer et tirer dans le tas (mais le héros est loin d'être invulnérable, et la gestion assez réaliste des blessures fait que vous ne survivrez pas à une grenade, voire à une balle dans la tête dans les modes de jeux les plus difficiles), ou on peut essayer de faire de l'infiltration sans se faire repérer ou en faisant diversion (mais si une personne vous voit, vous pouvez être sûr qu'elle va essayer de sonner l'alarme et de rameuter du monde).
Cette notion de style de jeu se décline également sur l'inventaire, dont la taille réduite force le joueur à adapter ses items à son style de jeu (pas la peine de se trimbaler un lance-roquettes si l'on aime passer par les conduits d'aération). Elle influe aussi sur l'éthique du joueur, qui a le choix entre des armes létales ou non. A une ou deux exceptions près, il est ainsi possible de finir le jeu sans tuer personne directement... J'ai même entendu parler d'un run presque complet d'un joueur effectué sans porter aucun item ! L'inventaire est profondément lié au level design à cause des serrures, codes d'accès ou ordinateurs de sécurité. Si on dispose de suffisamment de dispositifs d'infiltration, on peut forcer à peu près n'importe quelle porter, ce qui peut dispenser d'aller cherche la vraie clef à l'autre bout de la map ; mais ces dispositifs ne se trouvent pas en grand nombre, on est donc content lorsque l'on se présente devant une porte sécurisée avec le bon dispositif, ou bien on peste en fin de niveau en se rendant compte que l'on a gaspillé 3 items de forçage alors que la clef était un peu plus loin.
Enfin, le dernier axe de cette liberté de jeu sont les compétences et les augmentations. Les compétences sont gérées comme dans un RPG et s'augmentent avec des points d'expérience glanés en cours de route suivant les actions effectuées. Là aussi, il est préférable de les aligner avec son style de jeu (crochetage ou armes de poing ?). Les augmentations sont des implants électroniques qui permettent au héros de disposer pendant un temps limité d'avantages précieux. Une nouvelle fois, il faut choisir judicieusement, car les augmentations viennent par paires indissociables (par exemple, invisibilité aux yeux humains ou invisibilités aux dispositifs de surveillance électronique), mais il faudra en retenir (puis améliorer) une seule des deux fonctionnalités. Ceci concourt au caractère équilibré du jeu : même en fin de partie, avec un certain nombre de compétences et d'augmentations au max, le personnage est loin d'être invulnérable, et il pourra toujours être détecté d'une façon ou d'une autre, ou être envoyé au tapis très, très vite par une explosion ou un adversaire de son niveau. Le jeu est donc assez difficile, mais heureusement les sauvegardes libres sont là.
Que dire de plus ? Toutes les critiques élogieuses que vous avez pu lire sur le jeu sont vraies. L'articulation et l'équilibre entre les missions demandées, le level design, l'inventaire, les compétences, les augmentations, l'éthique du joueur et son style est tout simplement parfaite, et comme si cela n'était pas suffisant, le tout est enrobé dans un scénario adulte et riche d'enjeux. Il est impossible de se retrouver bloqué, mais on se rend souvent compte que l'on aurait pu procéder de façon plus efficace, ce qui donne une envie irrésistible de reprendre le tout. Bien sûr, plus de 10 ans après sa sortie, il faudra pardonner des graphismes d'époque, mais au final, à part le chara design, l'ensemble était tellement sobre et net que cela ne m'a absolument pas dérangé. Sinon il existe apparemment des packs haute-définition et des textures améliorées réalisés par des fans pour améliorer ce point.
Entrée directe dans mon Top 10 JV.