Deus Ex : Human Revolution, c'est un peu le phoenix des jeux vidéos. Après un premier épisode génialissime, véritable séisme vidéoludique, puis un deuxième épisode calamiteux, on en avait des raisons d'être dubitatif. Renaissance oui, mais pour le meilleur ou pour le pire ?

Je dois bien avouer que je n'y croyais que très moyennement au début, et pas qu'au début d'ailleurs. Non mais sans déconner, un Deus Ex avec une vue à la 3ème personne et des takedowns ... encore un jeu d'action lambda venu salir le nom de son glorieux ancêtre pour faire plaisir à cette génération de mou du bulbe. Mais en fait non, et c'est un petit miracle en soi. Deus Ex : HR réussit le tour de force de préserver l'âme de son aîné, tout en imposant sa propre personnalité, chose excessivement rare sur une génération qui aligne les jeux génériques et aseptisés.

Le jeu propose en effet un des univers les plus travaillés de cette génération. Le background est passionnant, agrémenté de petits livres électroniques relatant l'état de cette bonne vieille Terre en 2027, de flashs infos diffusés sur des TV futuristes, ou de mails trouvés sur les ordinateurs piratés par nos soins. Tout ces détails rendent cet univers captivant et surtout crédible, image d'un futur anxiogène ponctué de questions d'actualité. Deus Ex : HR aborde ainsi des thèmes variés, que l'on retrouve dans de nombreuses oeuvres de SF. La toute puissance des multinationales, le lobbying, les risques d'un monopole de l'information, la peur de la technologie quand elle touche à l'être humain, l'alliance homme-machine et les innombrables questions éthiques qui en découlent, autant de questions abordés de manière intelligente, et laissé à la réflexion du joueur. Evidemment la théorie du complot est au centre du jeu (pas de doute, c'est bien Deus Ex), mais les problèmes soulevés sont loin d'être inintéressant. L'univers ainsi posé permet de faire naître une ambiance sombre, pleines de doutes et de peur. Peur du changement, peur de la technologie, peur des avancées de la Science, des peurs qui sont finalement intemporelles et dont l'Homme a dû faire face à de nombreuses reprises au cours de son Histoire. Deus Ex nous place à un de ces moments clés, un de ces carrefours qui déterminera de quoi sera fait le futur de l'humanité.

Le background de Deus Ex est si détaillé que l'on se demande parfois si le réel ne risque pas un jour de rejoindre le fictif, d'autant plus que de nombreux évènements du jeu, retracés dans des livres électroniques, prennent directement racine dans des conflits et des problèmes actuelles ...

C'est bien joli d'avoir un univers aussi intéressant, mais on est là pour jouer, par pour lire. Deus Ex : HR se définit d'abord comme un FPS. Et fort heureusement, la vue à la 3ème personne est du coup tout à fait dispensable ... les puristes pourront donc faire le choix de rester à la première personne, sans être trop pénaliser. Le choix c'est d'ailleurs un des maître mot du jeu. Aidé par un level design souvent inventif (faut aimer les conduits d'aérations par contre), le joueur peut aborder une situation de nombreuses manières. Que l'on soit petit-fils de Duke (paix à son âme), neveu de Sam Fisher ou fils illégitime de Codename 47, chacun y trouvera son compte.
Cette liberté d'action est un gros point fort du titre, liberté directement hérité du premier Deus Ex. Aucun joueur n'est mis à l'écart, et même sans avoir la bonne augmentation il est possible de résoudre une situation. L'apprenti pirate pourra hacker la porte, l'espion en herbe passera par le conduit d'aération savamment planqué derrière une boite en carton, et le bourrin de service explosera avec fracas un des murs.

Univers accrocheur, liberté d'action ... manque un truc pour faire un bon Deus Ex non ? Ah ouais, le côté RPG bien sûr. Je serais un peu plus critique sur ce point. C'est plutôt réussi à n'en point douter, mais trop limité. Grand amateur de quêtes secondaires bien écrites, celles-ci sont la plupart du temps sympas et renforcent un peu plus le background déjà béton du jeu, tandis que d'autres, chiantes comme la pluie, ne sont là que pour rallonger artificiellement la durée de vie. Les skills du jeu, ou augmentations, sont peu nombreuses et certaines relativement inutiles, mais comme dit plus haut, le jeu nous donne le choix, et il est possible d'arriver au générique de fin sans dépenser un seul point.
Durant ses péripéties, le joueur sera également amené à faire un peu de tourisme ...malheureusement les 2 villes traversées sont très fermées, d'autant plus qu'on a pas un seul instant l'impression qu'elles soient habitées, tellement les PNJ sont apathiques et inactifs. Dommage, mais pas réellement rédhibitoire.

Techniquement, le jeu souffre également de son développement à rallonge, et les graphismes sont par conséquent franchement daté. Cet aspect est pourtant largement contrebalancé par la direction artistique, de grande qualité. De même, la bande son est une incontestable réussite, et c'est un euphémisme. L'OST joue un rôle majeur dans l'ambiance si particulière du titre, accompagnant par des thèmes souvent marquants les moments forts du jeu. Chapeau bas à Michael McCann qui délivre ici un travail remarquable.

Alors, aussi bon que Deus Ex premier du nom ? Pas tout à fait, même si on s'en rapproche. Le jeu souffre d'une consolisation latente, héritage du multi plateforme. L'inventaire est loin d'être ergonomique et le système de couverture tout comme les takedowns trop classe sont autant de mains tendus aux joueurs consoles amateur de TPS. Ce ne sont finalement que des détails, qui ne pèse pas bien lourd face au plaisir que procure le jeu.
Car c'est bien là l'essentiel. On prend plaisir à suivre Adam Jensen, le héros à lunette intégré aussi froid que Robocop, dans sa quête de vérité.
Un petit mot sur le scénario tout de même, une des forces du premier Deus Ex. Loin d'être original et particulièrement linéaire, il arrive cependant à pousser le joueur à continuer. Le comble pour un RPG, c'est quand même que la fin n'est pas déterminé par vos choix durant l'aventure, mais par la couleur du bouton sur lequel on appuie dans les 5 dernières minutes. Sacrément ridicule, ce choix regrettable de game design retire une partie du potentiel de rejouabilité du titre. Quel dommage, quand on sait que le jeu est ponctué de nombreux choix, qui ont chacun une incidence plus ou moins importante sur le déroulement du scénario.

Fruit d'un long développement, Deus Ex : Human Revolution fait néanmoins honneur à son grand frère (son petit frère en fait, préquelle oblige) en reprenant ce qui faisait la force de la licence. Reposant sur un univers crédible, des dialogues bien écrits (qui donneront parfois lieu à de véritables joutes verbales accompagnant les points clés du jeu), un gameplay réussi donnant l'illusion de la liberté et servi par un level design inventif, cet opus est une réussite inespérée qui augure du meilleur pour la suite.

Comme quoi, le déterrage de licence ne se fait pas toujours pour le pire. Ce pauvre Duke ne peut pas en dire de même malheureusement.
Jadenor
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le 29 sept. 2011

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Jadenor

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