Après avoir fini le premier opus de 2000 puis le Human Revolution, il était temps de s'attaquer à ce Mankind Divided, non sans appréhension au vu des critiques mitigées à son sujet.
Synopsis : nous retrouvons notre Adam Jensen 2 ans après les événements du précedent opus. Suite à l'incident ayant poussé toutes les personnes augmentées à attaquer violemment leur entourage, le monde connait une terrible division entre humains "naturels" et humains augmentés, ces derniers subissant une véritable ségrégation sociale. Sarif industries en faillite, Jensen se retrouve à travailler pour Interpol. Il est envoyé à Prague, terre d'accueil pour de nombreux augmentés mais également en proie à un régime autoritaire et pourri par la pègre locale.
Concernant la forme :
Ce nouveau volet de la saga reste dans la droite lignée graphique que son prédécesseur. La direction artistique reste splendide et le level design intelligent. On se plait à fouiller les moindres recoins de la ville et il nous est toujours possible de pénétrer les lieux interdits ou cachés de manière naturelle sans avoir besoin d'activer une quêtre au préalable, procurant une véritable sensation de liberté, que l'on trouvait déjà dans le premier Deus Ex. De nombreux indices, éléments de scénario ou de quête, voir certains ester eggs (petits clins d'oeil à Soul Reaver ou Portal) sont dissimulés aux quatres coins de la map, venant récompenser le joueur curieux. Le jeu se voulant plus sombre que le précedent, nos pérégrinations nous font même decouvrir certaines scènes macabres sans que l'on s'y attende (et rappelle ainsi par certains aspects l'ambiance de Hitman). Le joueur se retrouve brutalement propulsé dans une société en instance d'implosion dont les événements font tristement écho à notre actualité (Etats policiers bafouant les libértés individuelles au nom du combat contre le terrorisme ou les ennemis désignés, appuyés par les médias de masse, fake news, contrôle d'une minorité richissime, etc.), où chacun, acculé par la cruauté de la loi du plus fort, tente de survivre, quitte à écraser son prochain. L'homme est un loup pour l'homme.
La musique est du même accabit. Les compositions de Michael McCann très épiques, soulignent à la perfection l'action et semblent moins effacées que dans Human Revolution. Quant aux doublages originaux ils sont toujours d'aussi bonne qualité (évitez de jouer en français si vous le pouvez), même si certains sous-titres posent problème et ne sont pas présents sur les éléments intradiégétiques (comme les télévisions) lors des cinématiques.
Le gameplay a été légèrement modifié pour être plus intuitif et demandera un petit temps d'adaptation avant de vous paraître ergonomique. Mais le jeu vous laisse la possibilité de configurer les touches comme dans Human Revolution.
Quelques points noirs tout de même : le jeu ne nous offre que peu de variété dans les environnements. Le plus gros de l'action se déroule dans la ville de Prague. Celle-ci est séparée en deux par un métro que vous devrez prendre à chaque fois que vous souhaiterez changer de zone et les chargements sont assez longs. Le jeu est d'ailleurs très gourmand en ressources. Quelques missions vous enverrons dans d'autres environnements biens pensés. Malgré le peu de hubs proposés, ces derniers sont assez riches et assez bien designés pour que l'on ne se sente pas confinés et dirigés contre notre gré (sauf Golem city où la liberté est mise à mal mais dans le but d'exalter le confinement que vivent les augmentés dans ce lieu).
Malgré la pléthore d'éléments de décors, assez peu sont au final destructibles on interactifs. On apprend donc vite à connaître ceux qui sont dignes d'intérêt et on se dit rapidement qu'ils n'ont pas été placés là au hasard, rendant le level design plus facile à decrypter.
Sur le fond :
Si Human Revolution lancait quelques passerelles avec le premier opus de la saga par quelques noms et références communes, Mankind Divided va bien plus loin. Les liens scénaristiques sont désormais évidents et cohérents. On a enfin la sensation que les wagons sont à deux doigts de se raccrocher. Outre les efforts faits pour mettre en cohérence l'ambiance du 1er Deus Ex et celui du Human Revolution (mention speciale à la radio diffusant la musique du 1er et au design des bouteilles de vin se rapprochant des originales) les protagonistes principaux de Deus Ex 1 se révèlent enfin au joueur et l'on assiste à la mise en place progressive des événements qui surviendront dans celui-ci.
L'intrigue peut cependant sembler confuse à cause du fait que de nombreuses quêtes annexes viennent parasiter la progression (mais qui ont quand même leur importance dans le scénario principal de par les choix cornéliens que nous devrons faire et qui influeront sur les événements futurs). Les indices quant aux futures révélations sont quant à eux nombreux et on se perd en conjectures tirées par les cheveux mais également jouissives à imaginer. Amateurs de mindfuck à la Metal Gear Solid, vous serez servis !
Avec 55h de jeu (sans avoir fini à 100% mais en fouinant bien partout) Deus Ex m'a séduit tant par son gameplay ( parfois manquant de difficulté à cause d'une IA faiblarde) que par son ambiance très travaillée et fidèle aussi bien à Human Revolution qu'au premier opus.
Le vrai tour de force réside cependant dans le scénario qui parvient à raccorder deux générations de jeux. Les liens se font desormais évidents, et on scrute les indices nous menant aux évenements tragiques qui surviendront dans Deus Ex 1.
Cependant la fin du jeu nous laisse un goût d'inachevé puisqu'à la demande de Square Enix, l'histoire a été coupée en deux afin de préparer une suite. On a alors l'impression de se retrouver face à un procédé issu des séries télévisées dans lesquelles un maximum de révélations et d'intrigues nous sont jetées dans les 10 dernières minutes afin d'instaurer un suspens insoutenable et nous donner envie d'acheter la suite.
Mais si la suite du jeu se révèle au moins aussi bonne que Mankind Divided et se donne les moyens de ses prétentions (au moins au niveau du scénario), c'est à mon sens le principal !