Dex
6.5
Dex

Jeu de Dreadlocks (2015PC)

Un petit Deus Ex en 2D, et pourquoi pas ?

Dex se vend comme un petit Deus Ex en 2D et il a bien raison puisque c’est très clairement ce qu’il essaie d’être à tous les niveaux. Étant fan de la saga, j’étais très curieux de ce que ça pouvait donner, elle qui a toujours été en 3D et dont je ne vois pas beaucoup d’équivalent en 2D. Reste à savoir si le petit et jeune studio tchèque Dreadlocks Ltd, qui n’avait réalisé alors qu’un petit puzzle game sur Windows Phone, est à la hauteur des attentes qu’ils ont placé dans les presque 2.000 contributeurs à leur campagne Kickstarter, leur ayant octroyé 30.000 £, le double de leur objectif. Pour le savoir, je vous propose pendant la lecture de ma critique l’écoute de l’excellent thème du menu du jeu.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : 8 / 10



L’action prend place dans la ville cyberpunk d’Harbor Prime, qui emprunte vraiment des éléments esthétiques très marquées à la saga Deus Ex. Des quartiers insalubres plus que malfamés côtoient des quartiers de riches vivant dans de magnifiques buildings, des commerces de différentes cultures se rencontrent avec une grande partie asiatique qui rappellera nécessairement Hong Kong ou Shanghai... On a vraiment le sentiment que cette ville pourrait être une ville à parcourir dans un Deus Ex sans aucun problème, et moi ça me va très bien parce que ce n’est pas totalement copié-collé non plus, c’est simplement dans le ton des modèles d’origine.


Le chara-design des personnages principaux est vraiment travaillé, autant dans leur modélisation en jeu que dans leur portrait lors des phases de dialogue, j’apprécie beaucoup l’allure de notre héroïne notamment, à noter qu’un DLC gratuit permet même d’en changer la tenue et les nouvelles sont très classes également. Par contre, le recyclage de skin est très prononcé sur les ennemis lambda qui ont tous la même tête et les mêmes fringues selon la catégorie à laquelle ils appartiennent, c’est un peu dommage.


Si quelques jolis artworks introduisent le jeu, tout le reste passe par le temps réel à l’exception de quelques scènes clefs de la trame principale pour une mise en scène très minimaliste. Ça peut frustrer parce que ça ne magnifie pas certains passages qui pourraient rendre extrêmement bien avec les moyens appropriés, entendez par là une cinématique en images de synthèse avec beaucoup de mouvements, mais il ne faut pas oublier les limites imposées au studio et ils ne s’en sont pas si mal sortis que ça au final.


Techniquement, il n’y a pas d’accroc en particulier, la 2D est tout à fait maîtrisé pour un pixel-art qui passe assez bien sans trop s’imposer. Le jeu arrive à gérer pas mal de mouvements à l’écran avec parfois plusieurs ennemis ou tout simplement plein de passants dans la ville. J’apprécie beaucoup par ailleurs l’effet au premier plan où l’on entrevoit la route et plein d’autres silhouettes, ça donne efficacement le sentiment qu’on évolue dans un monde en vie, même si les interactions avec eux sont quasi-inexistantes malheureusement. Un petit parti pris du moteur de jeu c’est que seules les parties visibles par notre personnage, de par un cône de vision, sont éclairés en jeu, ce qui est plutôt bien vu, sans mauvais jeu de mot.


Les musiques sont très proches des mélodies et des sonorités d’un Deus Ex, comme par hasard, mais ça ne fait que s’inscrire dans la logique esthétique du soft et moi ça me va très bien. Et cette musique d’intro absolument magnifique sera réutilisée partiellement et différemment au cours du jeu, un exercice que j’apprécie beaucoup aussi. Par ailleurs, un certain soin du détail se retrouve quand une même musique sera jouée légèrement différemment en extérieur ou en intérieur par exemple. Les doublages anglais sont quant à eux de très bonne qualité et on a même accès à une version tchèque gratuitement pour encore plus d’authenticité, je trouve juste dommage que la protagoniste ne soit doublée que dans les très rares cinématiques alors que son doublage est très bon.



GAMEPLAY / CONTENU : 6 / 10



Je vais être honnête, le début du jeu est laborieux et montre bien tout l’intérêt d’une approche furtive ou d’un contournement pour ne pas perdre son calme, à la manière d’un Deus Ex d’antan j’ai presque envie de dire. Le combat au corps-à-corps est nul au début, il faut prendre les ennemis un par un, ne taper qu’une fois et esquiver puis répéter, ce qui rend plein de situations tendues (ennemis rapides et / ou multiples) et même quand on y arrive c’est mou et frustrant. Ça devient correct une fois tout débloqué avec la possibilité de faire tomber l’adversaire, d’autres coups plus puissants, des combos plus longs... mais c’est clairement pas là que le gameplay est le plus brillant.


Les phases d’infiltration sont beaucoup plus importantes et ses mécaniques sont déjà un peu mieux huilées même si la limite principale à cela c’est l’IA elle-même très limitée. On va vite comprendre que l’exécution par derrière sur un ennemi qui ne nous a pas vu est ultra utile et l’essentiel va tourner sur comment on peut y parvenir et c’est là que le level-design avec conduit d’aération et passages dérobés en tout genre, que la possibilité d’hacker notre environnement... prendront tout leur sens, ça c’est tout de même assez réussi même si un peu simpliste.


De façon générale, on sent bien que le gameplay reste un peu amateur avec par exemple des points de respawn qui ne sont pas toujours bien choisis (à côté d’un ennemi qui nous repère de suite notamment), quelques bugs au rechargement d’une sauvegarde avec des éléments qui disparaissent d’un run à un autre (comme des ennemis ou des drops)... Mais comme transposition de l’expérience Deus Ex en 2D, et vu les moyens du studio, c’est pas si mal que ça et moi je m’y suis retrouvé un minimum très honnêtement.


Le mini-jeu de piratage a une très grande importance qu’il ne faut pas oublier, à tel point que le boss final du jeu se fait via ce mini-jeu. Moi j’ai bien aimé ce petit twin stick shooter qui a une progressivité dans sa difficulté, une certaine diversité dans ses ennemis, une technicité avec l’utilisation avec parcimonie de consommables, une petite addiction dans sa progression avec l’ajout de tirs supplémentaires... C’est pas non plus génial, mais c’est assez correct et même si c’est le seul mini-jeu, je trouve qu’il est plutôt abouti.


Sinon, j’aime assez les intentions de base, par exemple le jeu récompense vraiment l’exploration avec des petites énigmes à résoudre dans des endroits un peu cachés pour avoir les meilleures récompenses possibles. J’ai vraiment le sentiment que les développeurs ont capté une bonne partie de l’essence-même d’un Deus Ex et ont fait de leur mieux pour le retranscrire en 2D, ce que j’apprécie, même si c’est loin d’être parfaitement exécuté et que la petite dizaine d’heures pour en voir le bout est peut-être un peu courte.



SCENARIO / NARRATION : 8 / 10



Si à ce stade de la critique je vous dis que le scénario et la narration sont très ressemblants à Deus Ex, ça ne sera pas une grande surprise je pense. Si un univers cyberpunk, au sens large, peut recouvrir pas mal de thématiques différentes, on retrouve principalement celles explorées dans les différents Deus Ex qui sont ici mélangées, revisitées, complétées de façon assez intelligente. Après, le matériau de base étant excellent à mes yeux, y être fidèle fait que j’apprécie nécessairement ce que fait Dex sur la question.


J’ai bien aimé par exemple ce système faisant que des personnages sont à trouver dans la ville, dont on peut accomplir, ou non, les quêtes de différentes manières pour obtenir des infos permettant de mieux comprendre l’histoire, de mieux réussir une autre quête plus tard... Selon la manière dont on réalise les quêtes, dont on en aurait pas grand chose à faire dans d’autres jeux aux quêtes beaucoup plus Fedex, on peut véritablement parvenir à différentes conclusions pour des histoires certes annexes mais mettant en scène des personnages attachants.


Je sais que j’ai sauvé la vie de personnages qui s’y j’avais agis différemment seraient morts et je ne peux m’empêcher d’être fier de moi et de m’impliquer dans l’histoire, ça c’est une preuve de réussite pour moi que je n’aurais pas retrouvé comme ça dans une narration plus linéaire qui fait que la vie du perso dépendait seulement de si je faisais ou non la quête, voire resterait inchangée indépendamment de moi. Mais là évidemment c’est très personnel bien sûr et je pense que la mise en scène très minimaliste que j’évoquais précédemment pourrait gêner les habitués des AAA sortis la même année, 2015, pour rentrer de plein pied dans l’histoire.


Autre chose que j’ai bien aimé c’est que la persuasion donne l’accès à une chance de choisir la bonne réponse parmi plusieurs proposées, ça n’est pas automatiquement la bonne, et si l’on échoue on ne peut recommencer sans recharger la sauvegarde. Autrement dit, on doit cerner la personnalité de l’interlocuteur et adapter son discours en fonction pour parvenir réussir une quête ou une partie de celle-ci par le blabla, pas seulement en montant une statistique, à la manière de Deus Ex Human Revolution par exemple avec son système de dialogue s’identifier / argumenter...


D’un côté, j’aime beaucoup ce scénario et cette narration, de l’autre je reconnais une non prise de risque qui n’est quand même pas glorieuse dans l’idée, un peu comme pour la direction artistique. Par ailleurs, il y a quelques petits soucis de traduction française ici ou là, mais on est très loin des pires traductions de jeux amateurs de ces années-là, Salt & Sanctuary en témoignera. Néanmoins, j’en retire vraiment beaucoup de positif et je ne critiquerai pas cette non prise de risque étant donné que ce n’est pas un style qu’on retrouve très souvent.



CONCLUSION : 7 / 10



Si l’on excepte un gameplay à l’exécution imparfaite justifiée par l’amateurisme et les moyens du studio, la promesse d’un petit Deus Ex en 2D est tout à fait respectée, dans sa direction artistique, dans sa composition musicale, dans sa philosophie de jeu, dans sa narration, dans son écriture... Si vous êtes fan de Deus Ex et que vous êtes curieux de ce que ça pourrait donner réapproprié et adapté en 2D, je ne vois pas de raison de s’en priver, mais en dehors de ce cas de figure j’admets qu’il n’est pas à recommander autant qu’un véritable Deus Ex, bien sûr.

damon8671
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le 5 oct. 2018

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damon8671

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