Dés que j'ai été capable de prendre une manette en main et que j'ai lu un magazine consacré aux jeux vidéo, j'ambitionnais de devenir critique vidéo-ludique. J'abandonnais ce vieux fantasme assez rapidement néanmoins, et même si les jeux vidéo ont toujours fait plus ou moins partie de ma vie, j'ai régulièrement alterné, tout au long des années, des périodes de boulimie vidéo-ludique et de longues périodes de torpeur où je ne touche plus à aucun jeu.
Lorsque je découvris SensCritique, j'en profitais pour écrire des billets en rapport avec ma passion pour les films, les livres, les BD, etc, mais de manière cocasse, jamais jusqu'à présent, je n'avais assouvi ce phantasme de jeunesse en commettant un petit billet en rapport à cette passion qui m'a dévoré entre mes 8 ans (et la sortie de la Nes et de la Master System) et mes 20 ans (ère de la Playstation 1) après quoi j'ai réduit drastiquement mon activité de gamer (et lorsqu'il m'arrive de jouer encore aujourd'hui, c'est bien souvent à des jeux "rétro")
Je compte bien remédier à ce curieux état de fait en vous parlant de ce Point & Click appelé Discworld, faisant d'une pierre, deux coups: me prendre pour un critique vidéo-ludique issu de Belgique (mais pas le même pour ceux qui comprendront) tout en profitant de l'occasion pour faire un chaleureux petit clin d’œil à mon jeune moi.
Nous sommes donc en cette bonne vielle année 1995. J'ai la Playstation depuis peu et j'ai le droit de prendre deux jeux. Je choisi donc Ridge Racer et un jeu étrange appelé Discworld. Je suis attiré par la jaquette et aussi parce que ça parle d'un magicien, et de dragons, et d'un univers fantastique. Il n'en faut pas plus pour que le fan du Seigneur des Anneaux que je suis, alors je décide de prendre ce jeu là sans trop savoir dans quoi je m'embarque.
Ceux qui me connaissent savent l'amour immodéré que j'ai à l'égard de la création littéraire fantastique de Terry Pratchett appelée Disque-Monde, mais à l'époque je ne connaissais rien de cet auteur ni de cet univers. Ce jeu de point & click fut donc ma première exposition à l'étrange univers de Pratchett.
Et quelle exposition mes amis! Ce jeu me fait marrer comme rarement un jeu a pu le faire. Les situations absurdes (un voleur qui vient se plaindre de leur quota de vol qui ne cessent de diminuer empêchent un bon citoyen comme lui de gagner sa vie "honnêtement"), les dialogues hallucinants ,et cette propension qu'ont les personnages à se moquer des tropes, motifs et poncifs de la fantasy comme de ceux du point & Click, allant jusqu'à briser le quatrième mur en se moquant du joueur lui même, me poussent à continuer à jouer, malgré une certaine difficulté à avancer dans le jeu.
Parce qu'il faut bien l'avouer, Discworld est un jeu ou les énigmes sont aussi archi-tordues que les pensées d'un archichancelier de l'Université Invisible et où on peine parfois à trouver une logique même si elle existe bel et bien. Je pense à ce passage ou il faut passer à travers le L-Space (une dimension spécifique créée par une accumulation d'un grand nombre de livre au même endroit, comme dans la bibliothèque de l'Université invisible), qui relie tous les espaces-temps ensemble , afin de voyager dans le temps, pour mettre un papillon autour d'un réverbère et que, conséquence de la chose comme l'explication vulgarisée de la théorie du chaos l'exprime, son battement d'aile puisse déclencher une tempête le lendemain, ce qui mouillera une robe d'un des membre du culte que vous voulez infiltrer, l'obligeant à la suspendre à un fil vous permettant de lui piquer sa robe... Ouf!
Le jeu était tellement tordu que j'ai pratiquement passé l'intégralité de mes vacances d'été dessus pour parvenir à en voir la fin. Je devais par moment aller m'aérer la tête pour ne pas avoir la sensation qu'elle explose. Et je me souviens de l'extrême lassitude qui m'envahissait lors de certains passage à force d'essayer la combinaison de n'importe quel objet sur n'importe quel autre afin de continuer à évoluer dans cet univers qui me fascinait.
Mais au delà de ses quelques défauts assez rebutants par moments, Discworld, s'avère être un des meilleur Point & Click que j'ai pu jouer, et je vous conseille de l'essayer si comme moi vous êtes friands de ce type de jeu, un peu tombé en désuétude il faut bien l'avouer, ou si vous aimez l'œuvre de Terry et l'humour anglais absurde.
L'étendue de son univers barré, ses dialogues extraordinaires (en anglais, mais le doublage y est assuré par des cadors tels que Eric Idle, Tony Robinson, Rowan Atkinson, John Pertwee, Rob Brydon, ... ), son style graphique qui ne vieilli pas (même si l'animation y est parfois un peu statique), ses personnages tous plus décalés les uns que les autres; tout ça fait de ce jeu une expérience unique qui vaut la peine d'être vécue.
A noter que les amateurs des livres de Pratchett pourraient bien avoir un peu plus de facilité à résoudre les énigmes tordues du jeu bourrées de références à certains passages de son œuvre (Ici essentiellement La huitième couleur, et Au Guet), mais ne croyez tout de même pas que ce sera simple.
A noter également que sa suite, le bien nommé Discworld II: Mortellement vôtre (plus inspirés par Mortimer et les Zins Zins d'Olive Oued entre autres ) est parvenu à gommer le défaut principal de cet opus en calibrant mieux la difficulté (et "l'absurde logique" de ses énigmes) tout en gardant les éléments qui ont fait de ce premier opus une réussite. Pour les réfractaires à l'anglais, le jeu possède également un doublage en français cette fois-ci.
Un troisième opus tout aussi réussi(allez peut-être un poil moins) que les précédents intitulé Discworld Noir transformera un peu l'univers en s'inspirant du film noir et en y introduisant des personnages originaux ou en modifiant à sa guise les personnages existant (faisant de Samuel Vimaire, le chef du guet d'Ankh-Morpork, un flic corrompu par exemple, ce qui est un virage à 180 degré par rapport à sa personnalité originale).
La série dans son ensemble reste un des must play du genre à ranger à coté des Broken Sword/ Chevaliers de Baphomet, des Monkey Island et autres classiques.