Bac à sable pour assassin surpuissant.
10 heures, c'est ce qu'il m'a fallu pour finir Dishonored en privilégiant le meurtre silencieux avant tout. 10 heures à osciller entre plaisir certains et déception avérée. Car même si Dishonored reste un bon jeu à l'heure de ces fps copie carbone, il n'en est pas moins une déception.
Plaisir de jeu tout d'abord car le level design est de grande qualité et les promesses d'une approche unique pour chaque joueur sont relativement respectées. Véritable travail d’orfèvre aux multiples possibilités, les niveaux s'apparentent à de gigantesques bacs à sable pour assassin en herbe. Les possibilités sont nombreuses pour atteindre son objectif. Rarement des environnements ont été aussi travaillés dans leur verticalité offrant plusieurs angles d'approche mais aussi de façon d'observer cet univers. Alors que d'autres jeux, comme le dernier Deus EX pour ne pas le citer, vous balançaient à la gueule les possibilités offertes aux joueurs (grilles d'aération) au point de devenir incohérent, içi toutes les solutions offertes se justifient. L'emplacement de la bouche d'égout est crédible, ce tunnel est crédible, cette fenêtre ouverte aussi. On a pas ce sentiment d’être trop pris par la main et c'est appréciable et la plus grande force du titre.
Les possibilités sont donc grandes au niveau du level design mais aussi dans la manière de supprimer sa cible. Il est possible de l'égorger, prendre possession de son corps, l'endormir, lui balancer des rats à la gueule et autres joyeusetés.
Bref la notion de liberté est clairement importante dans Dishonored et c'est plutôt appréciable de nos jours.
Plaisir de jeu également car l'univers est relativement original malgré quelques ratés (gardes avec un visage assez générique, certains bâtiments). Lorgnant du coté du steampunk, le jeu a une réelle identité visuelle renforcée par des jeux de lumières réussi et une application des textures proche de la peinture. Lorsque l'on est sur sur ce petit bateau vers notre prochaine mission, on a l'impression de contempler du Turner.
Mais comme beaucoup de tableau il faut l'observer de loin. Car des que l'on s'attarde sur des détails, les défauts apparaissent. Certaines textures sont d'un autre age surtout lorsque l’éclairage qui fait office de cache misère est moins prononcé.
L'autre grande force de cet univers est sa cohérence. Le monde de Dishonored fourmille de détails. Le comportement des gardes qui parlent entre eux, changent leurs rondes pour observer un tableau, donne à l'ensemble une crédibilité. Les civils lors d'une fête discutent longuement, vous voyez un pervers regarder par le trou de la serrure de la salle de bain, bref ce petit monde vit même s'il est parfois un peu vide.
Malheureusement à côté de plaisir de déambuler dans un univers sympathique aux multiples possibilités, le jeu possède des tares qui nuisent vraiment à ces quelques heures de jeu.
Le premier aspect entache le plaisir de jeu est directement lié au gameplay et à ses possibilités. Dishonored souffre d'un problème d'équilibrage évident. Le personnage devient très vite beaucoup trop puissant quel que soit le niveau de difficulté choisi. Le sort de téléportation (que l'on acquiert obligatoirement) est beaucoup trop puissant et permet de rusher et ainsi ne pas apprécier à sa juste valeur le level design. Le sort de détection des ennemis rend la progression trop facile, sans crainte de l'ennemi, tout comme le sort qui ralentit le temps complètement craqué.
Le problème est que ces capacités sont mal intégrées au gameplay et à l'univers du jeu. Les créateurs ont avoué que les niveaux avaient été crées avant l'intégration de la téléportation, et ça se voit. Après deux ou trois heures de jeu, tout devient trop facile. Et ce n'est pas l'IA qui va vous poser des problèmes. Capable de comportement saisissant en combat à l'épée, elle souffre de grosse incohérence lorsque l'on est en mode infiltration. Les gardes ne nous repèrent pas toujours alors que l'on est pratiquement en face d'elle. Ils se déplacent également trop lentement et restent trop longtemps statiques.
On joue quand même Corvo, un assassin. Etre un assassin ça ne ressemble pas à une partie de plaisir normalement. Là ça devient une promenade de santé.
En fait ce qui fait la force du jeu à savoir le level design, devient aussi une tare car la difficulté, l'emplacement des gardes et le gameplay ne sont pas adaptés. Corvo a trop de possibilités face à ces ennemis et à ses objectifs.
Bien sur le joueur peut se priver de certaines améliorations, avoir une approche spécifique pour se donner du challenge mais cette logique à ses limites. Le pouvoir de téléportation est donné directement par exemple et c'est aux créateurs de savoir mettre en valeur les outils fournis et équilibrer le gameplay. Dès le premier run on comprend les problèmes d'équilibrages et se brider de pouvoirs grisants à cause de soucis d'équilibrage c'est assez pénible.
D'ailleurs le jeu est tellement facile et le joueur tellement gavé de pouvoir que l'on ne fait jamais attention aux mini runes (petites améliorations spécifiques). Un véritable coup d'épée dans l'eau.
L'autre gros soucis du jeu réside dans l'exploitation de son univers. Le scénario est insipide, sur fond de complot déjà vu et revu. Les personnages ont peu de charisme et sont mal exploités. Pas de grosse mise en scène. La mise en scène qui pioche allègrement du coté de Biochock est assez terne. Ce n'est pas la seule chose que Dishonored reprend à ce titre puisque l'on retrouve le système de "magnetos" pour enrichir la cohérence de l'univers et son intéret. Il seront finalement bien moins intéressants et écrits que ceux de Bioshock, tout comme les différentes notes retrouvées ça et là.
Finalement rien est mis en valeur et cet univers si sympathique au demeurant, ressemble bien plus à une coquille vide. La fin est aussi très vite expédiée. Du coup on s'attache à personne et à rien. On a juste l'impression d’enchaîner des missions dont la justification est bien bas du front.
Le dernier problème du jeu est sans aucun doute sa durée de vie. Dishonored est trop court, beaucoup trop pour un jeu de se genre et ce quelle que soit votre manière de jouer. J'ai mis 10 heures sans rusher particulièrement meme si la téléportation ruine à mon avis la durée de vie. Reste effectivement une vraie rejouabilité et des niveaux à redécouvrir.
En me relisant un peu je me rends compte que j'en mets plein la gueule au jeu... mais c'est parce que je l'aime bien. Dishonored est qu'on se le dise un bon jeu, grisant par ses possibilités mais très mal équilibré à l'univers mal exploité et bien trop court. Il souffre en fait d'un level design génial, d'outils grisants dans un univers où tout ne suit pas. Problème d'IA, pouvoirs acquis trop facilement, pas de réelle progression pour le joueur, peu de diversité en matière d'ennemis, scénario nase, univers mal exploité, etc...
D'un monde que l'on voyait déjà comme sombre, riche et cohérent, on passe à un véritable bac à sable géant pour assassin en herbe qui n'a pas toujours de sens.