Si Larian Studios sont désormais célèbres (à juste titre) pour Baldur’s Gate 3, ils ont développé plusieurs RPG lors des deux dernières décennies. Divinity : Original Sin, ainsi que sa suite, ont réussi à obtenir un succès modeste. Il était donc naturel que je m’y penche tôt ou tard.

Et après une soixantaine d’heures, ce Divinity : Original Sin fut une expérience… assez particulière. Il ne serait guère judicieux de le comparer avec Baldur’s Gate 3, tant le budget s’avère moindre, quoique bien employé, et que le studio a bien appris de ses erreurs depuis. De surcroît, initialement sorti la même année que Dragon Age : Inquisition, ce jeu contraste par sa volonté d’emprunter les codes des « RPG à l’ancienne ». C’est une approche que je salue même si, selon moi, elle a résulté en quelques flagrantes imperfections.


Divinity : Original Sin débute par une proposition déjà originale : créer non pas un, mais deux personnages, lesquels interagiront entre eux tout le long de l’aventure. Ce simple choix permet de créer une dynamique intéressante et de pimenter les dilemmes qui jalonnent l’histoire, et je ne peux que saluer les développeurs pour cette décision.


Malheureusement, le bât blesse sur d’autres aspects. Des compagnons bien écrits constituent le cœur de nombreux jeux de rôle que j’affectionne, hélas ici le travail sur ces personnages est trop superficiel. Ils reposent pourtant sur des concepts prometteurs : Bairdotr, l’archère élevée par les ours, Jahan, le mage avec une haine virulente contre les démons, et Madora, la vétérane réactionnaire hantée par ses défaites passées. Ils n’auront droit qu’à une quête vite résolue, et quelques interventions çà et là, mais jamais n’effleurent-ils la profondeur d’écriture des compagnons de Mass Effect et Dragon Age. Larian Studios s’est clairement amélioré avec les années, puisque Baldur’s Gate 3 contient parmi les meilleurs compagnons jamais écrits dans un jeu vidéo, et Divinity Original Sin 2 semble aussi être doté de compagnons plus marquants.

Autre caractéristique à l’ancienne de ce jeu : les dialogues à rallonge ! Ces pavés textuels rappellent les bonnes heures des RPG papiers, ou des jeux vidés des années 90, mais ici cela donnait souvent envie de les passer. Ceci dit, que de nombreux PNJ surjouent leurs lignes avec un accent exagéré ne m’a pas dérangé, bien que ce soit objectivement un défaut. D’ordinaire, les PNJ dans les RPG ont tendance à parler avec une voix dénuée d’émotions, or ici le problème est inverse, et cela confère un certain charme à leurs dialogues.


D’autre part, aussi « casual » vais-je paraître, je me suis parfois senti perdu. Le journal part sur un principe louable, davantage une retranscription des péripéties qu’un véritable livre de quêtes, mais ses vagues indications ne m’ont pas souvent aidé. J’ai dû régulièrement recourir à des soluces en lignes afin de me guider tant la voie à suivre n’était pas toujours évidente. C’est particulièrement vrai pour la fin du jeu, uniquement accessible si on a bien fouillé chaque lieu, une manière peu subtile de nous contraindre à bien explorer… D’après moi, ces collectables devraient juste constituer un bonus.


Malgré tous ses reproches… ce fut une expérience fort plaisante. Il m’aura fallu à peine cinq heures pour comprendre que, en dépit de son apparence classique, Divinity : Original Sin aura réussi à tirer son épingle du jeu grâce à une approche assez unique :


Alors que je parcourais la contrée, sillonnant un univers de high-fantasy semblable à beaucoup d’autres, enquêtant sur un meurtre assez ordinaie, mes personnages ont été téléportés… littéralement dans un temple suspendu dans l’espace. Et là j’apprends quelle sera la menace principale de cette histoire : le Dragon du Vide, dont le but consiste littéralement à détruire l’univers pour que l’oubli éternel règne.

À partir de là, de sérieux enjeux étaient posés, démontrant que même une œuvre avec un budget modeste peut faire preuve d’ambition. Le déroulement du scénario, quoique parfois prévisible, a donc été rehaussé par cette approche. Un lore intriguant se dessine, lié à l’origine de nos personnages, et émaille une aventure qui autrement ne serait guère différenciée des autres exemples du genre. Ici, ce mélange de fantasy et science-fiction fonctionne à merveille !


Je pense à deux exemples assez saisissants vers la fin du jeu :

Juste avant le boss final, Léandra nous plonge dans un monde miroir suspendu dans le cosmos, destiné à hanter nos personnages, à nous faire réfléchir sur nos choix passés et notre place dans l’univers. Ce n’est pas inédit dans un jeu vidéo (e.g. Life in Strange), mais clairement unique dans un RPG estampillé fantasy. De même, j’ai été effrayé par la cinématique de game over contre le boss final : l’idée que l’univers soit véritablement annihilé, avec un brisage de quatrième mur, a de quoi faire frissonner.


Divinity : Original Sin montre donc que Larian Studios avait un grand potentiel depuis longemps. Sans cet épisode fondateur, peut-être que Baldur’s Gate 3 n’aurait pas été le chef d’œuvre qu’il est. Ce jeu possède ses propres mérites : un univers et une atmosphère particuliers ainsi que des twists intéressants. Il est parfois plombé par quelques choix de game design douteux, mais n’en demeure pas moins une expérience sympathique.

Saidor
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le 19 oct. 2024

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Saidor

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