Puriste, passe ton chemin

J’avais testé Doom 4 il y a de ça quelques années. Je le trouve d’un frustrant phénoménal, si bien que même après m’y être mis plusieurs fois, j’ai renoncé à en voir le bout. J’espérais donc de ce Doom Eternal qu’il corrige le tir.

Quelle déception ! Certes, certaines tares de gameplay ont été effacées, par exemple la possibilité d’utiliser tout l’arsenal de capacités dès le premier niveau (quelle idée de ne pouvoir effectuer un double saut qu’à partir du milieu du jeu ?), mais force est de constater que cet opus, que j’ai tout de même terminé, est loin d’être un jeu que j’ai beaucoup aimé.

Niveau graphismes, aucun changement ou presque n’est remarquable par rapport à l’opus précédent : ce n’est ni une claque graphique, ni une abomination. C’est juste… pas mal.

De même, les musiques sont passables. Même en y prêtant attention, difficile d’en conclure autre chose qu’un haussement d’épaules et d’un « Ouais, bon, c’est du metal, quoi... ».

Le gameplay de base n’est pas désagréable, même s’il ne casse pas trois pattes à un canard. Là où j’ai un problème, c’est que les combats donnent une impression d’être brouillon plutôt que bourrins. En effet, dans Doom 1 et 2, on sait toujours quelle arme utiliser, car elles ont toutes un fonctionnement relativement différent les unes des autres.
Ainsi, pour un groupe d’ennemis faibles, le joueur avisé de Doom 2 sortira le chaingun, tandis qu’un groupe de Pinkies se fera plus efficacement éliminer par le SSG. Ici, il n’en n’est rien : dans tous les combats, vous ne saurez jamais vraiment sur quel pied danser, d’autant plus que certaines armes ne sont utiles que grâce à leur mod.
La difficulté est assez mal gérée, on alterne jusqu’aux derniers niveaux des confrontations d’une facilité déconcertante et des affrontements qui vous prendront plusieurs essais avant d’en venir à bout. Mention spéciale et déshonorable au Maraudeur, ennemi dont la rapidité absurde n’a d’égal que sa barre de vie à en faire pâlir d’envie certains boss de Dark Souls.

Hors des combats, ça s’empire : soit vous cherchez des secrets à n’en plus finir, soit vous vous dirigez vers un autre combat, dans une semblance de niveau ouvert qui n’en est pas vraiment un. Parlons des secrets d’abord : ils sont au nombre hallucinant de 209 pour 13 niveaux. Pour info, Doom 2 compte 131 secrets pour 30 niveaux (hors niveaux bonus) : par conséquent, Doom Eternal compte en moyenne 16 secrets par niveau, contre un peu plus de 4 secrets par niveau pour Doom 2. Je n’aurais pas crié au scandale si la majorité des secrets dans Doom Eternal n’étaient pas complètement inutiles (bribes de lore, jouets en plastique qui ne serviront à rien, codes de triche à utiliser dans les niveaux terminés précédemment au cas où vous auriez envie de ruiner l’intérêt du jeu, et j’en passe).
Ensuite, avant ou après les combats, vous aurez le droit de sauter, double sauter, dasher, attraper des barres horizontales, sauter encore, vous accrocher sur un mur, resauter… Bref, ces phases n’ont ni intérêt, ni leur place dans un jeu comme Doom. Elles ont pour seul mérite de vous donner un moment de répit entre deux combats (ou de vous frustrer encore plus, selon votre réponse à la question « Doom est-il un jeu de plates-formes? »).

Abordons enfin la VF. Pour faire court, elle est absolument atroce. D’une part, un grand nombre d’indications écrites sur l’ATH sentent la traduction mot-à-mot à plein nez, on vous indiquera par exemple « Fuel épuisé » plutôt que « Carburant épuisé », ou on vous demandera de « Prendre l’ascenseur jusqu’à X » plutôt que « Rejoindre X en empruntant l’ascenseur ». Même en prenant en compte une éventuelle limite de caractères, difficile de dire que le texte se lit de façon naturelle comme s’il n’avait pas été traduit.
Cela se remarque encore plus pour les dialogues. Presque tout est à jeter : VEGA (l’IA qui vous donne des informations sur l’environnement immédiat) semble avoir été joué par un passant lambda qui se promenait à côté du studio d'enregistrement plutôt que par un comédien professionnel. Même remarque pour l’hologramme de la porte-parole de l’UAC, qui écope en prime de textes qui sonnent faux à cause d’une traduction bâclée. Dans la VO, ce personnage est censé être drôle tellement est elle est à mille lieues de la réalité : elle devient insupportable en VF.

En bref, Doom Eternal est un jeu plutôt moyen, aux graphismes plus que corrects et aux musiques et sons décents. Doom Eternal est un FPS assez mauvais, au level design hasardeux et au gameplay somme toute assez brouillon. Doom Eternal n’a d’un Doom que le nom et le thème de « Tuez des démons de l’Enfer » ainsi que l’option de placer l’arme au milieu de l’écran. Pour ce qui était censé être un retour aux sources, plus encore que ce que ne devait l’être Doom 4, on assiste là à un flop monumental. Pourtant, id Software sait faire de bonnes suites : Quake Champions est un digne successeur de Quake 3 Arena. De même, le genre du Doom-like à l'ancienne n'est pas mort, bien au contraire : il semble y avoir un nouveau souffle sur la scène indépendante de ces dernières années, avec d'excellents jeux comme Apocryph, Amid Evil ou Nightmare Reaper. Comme quoi...