Des LANs délirantes entre potes débutants jusqu'au jeu compétitif : l'infini DOTA
DOTA, cet indescriptible monument.
J'essaye dans ma critique d'insister sur les différentes visions et façons de jouer à DOTA car, rien que ça, ça atteste de l'immensité du jeu.
DOTA, ça se découvre très souvent entre potes, en LAN. Avant, c'était sur Warcraft III, dont le moteur est à présent bien moche et les contrôles bien vaseux. Mais c'est la même expérience avec l'actuel DOTA 2 de Steam : putain, qu'est-ce qu'on se marre ! Tout le monde est nul à chier, tout le monde découvre le BA-ba du jeu, mais c'est franchement fun et accrocheur. En attendant la prochaine LAN, on y rejoue peut-être un peu : deux ou trois parties, tout seul avec des bots.
Ca, c'était la première étape : la consommation du "jeu brut"; jouer et découvrir le jeu dans son premier aspect. J'avoue que je n'arrive même plus à me la représenter, ça fait trop longtemps. Mais je me rappelle des fous rires qu'on a eus.
Ensuite, pour ceux de la bande de potes qui ont le plus mordu à l'hameçon, ça va commencer à aller un peu plus loin : on se remet à jouer ensemble, mais en ligne cette fois-ci. Et online, on réalise (si on en doutait encore) qu'on est vraiment nul à chier qu'c'en est risible. Mais on apprend de ses échecs, et ce à vitesse grand V ; on imite, on innove, et on hallucine. A chaque nouvelle partie, on découvre une chiée de héros, de mécanismes, d'objets, de combinaisons des trois - bref, de situations qu'on avait même pas encore envisagées. Les héros qu'on trouvait faibles s'avèrent être des monstres de puissance, et ceux qu'on jugeait trop forts peuvent en fait être contrés, avec la bonne technique. Au bout d'un moment, on s'intéresse à la scène professionnelle et on passe carrément des heures à simplement mater des matchs de pros. ("Putain, si j'avais su que je regarderais un jour un match de jeu vidéo !") Et on progresse, donc, jusqu'à ce que finalement, après plusieurs centaines d'heures de jeu, on puisse affirmer : "oui, je connais DOTA".
C'était la deuxième étape, et c'est celle que connaîtront la plupart de ceux qui apprécient DOTA.
Et plus rarement, on atteindra la troisième : l'étape du jeu compétitif. Car DOTA, ce n'est pas la simple "possibilité" de jouer compétitif, c'est l'un des jeux vidéos, certainement aux côtés de Starcraft, qui s'y prête le mieux : il est en fait carrément conçu et équilibré pour la scène (le "metagame") des professionnels. A l'inverse, pour l'anecdote, du concurrent League of Legends, axé vers la masse et donc développé avec comme public-cible les joueurs débutants, voire moyens.
On a donc parfois l'intelligence de jeu et l'habileté (le "skill", en un mot), ainsi que la motivation suffisante pour jouer à DOTA dans un but compétitif. Déjà, ça se pratique exclusivement au sein d'une équipe, à l'effectif généralement fixe, où chacun joue presque toujours au même poste. A partir de là, les parallèles avec les sports d'équipe sont nombreux et flagrants ; je parle en connaissance de cause, ça fait 14 ans que j'en pratique. C'est similaire à tel point, que la seule chose qui manque pour qu'on puisse dire que c'est un sport, c'est simplement l'effort physique (à défaut de mieux, on appelle d'ailleurs en ce moment ça de l'eSport - pas génial).
En gros, à part l'aspect "équipe", ce qui change quand on passe au compétitif, c'est l'optimisation. Le theory-crafting (calculer quelle façon de jouer apportera les meilleurs atouts, et dans quelles situations) est primordial. En gros, on essaye d'exploiter chaque aspect du jeu de la façon la plus performante possible. Finalement, c'est ce qu'on tendait déjà à faire en tant que joueur moyen, mais là c'est systématique et poussé à l'extrême. Du coup, on joue pour gagner, non plus directement pour s'amuser. Le fun, on l'a en continuant à s'améliorer, en atteignant le podium de telle ou telle compétition ou en testant des nouvelles tactiques à l'entraînement.
Tout ça pour dire qu'il n'y a pas un DOTA, il y en a plusieurs, et ce selon le niveau des utilisateurs. Ca en dit long sur la profondeur du jeu.
En ce qui me concerne, j'ai fini par jouer un an pour une des meilleures équipes de France de DOTA 2. Rien d'impressionnant, mais je suis satisfait d'avoir atteint ce niveau-là, et ni avant, ni depuis cette période, je n'ai trouvé autant d'intérêt à un jeu. J'ai atteint également un niveau compétitif sur LoL, mais c'était plus fade ; le jeu n'est qu'une pâle version simplifiée de DOTA, à tous niveaux - pour ceux d'entre vous qui en doutez, sachez que les développeurs de LoL, Riot Games, ont eux-mêmes expliqué cette simplification, je ne l'invente pas. D'ailleurs, si vous voulez découvrir le genre MOBA mais ne prévoyez pas de jouer au moins 10h par semaine, choisissez LoL, pas DOTA.
Alors attention, DOTA 2 a ses défauts : premièrement, il est pensé pour les pros, et ça crée quelques problèmes d'équilibrage pour les joueurs de niveau bas et moyen. Mais ça reste un détail. Le principal défaut de DOTA 2, c'est qu'il est franchement préférable d'y jouer à plusieurs, voire carrément en équipe complète de 5 joueurs, au niveau homogène et qui peuvent communiquer par micro. Le jeu s'adapte en effet assez mal au soloQ : trop de facteurs font que les parties sont déséquilibrées par des joueurs qui ne se connaissent pas, et ne voient pas toujours le jeu de la même façon. Le Q.I. du Russe moyen, squattant allègrement les serveurs européens, ne vient pas arranger ça, tout comme le matchmaking de Valve, parfois pour le moins surprenant. Je recommande d'ailleurs, pour une meilleure expérience soloQ, de jouer à LoL, où c'est clairement moins dérangeant : le jeu est plus simple et tous les joueurs d'une même équipe ont les mêmes objectifs, car ils sont évidents.
Malgré ces minces défauts, là où DOTA 2 se démarque en tant que jeu exceptionnel, c'est qu'il est le résultat de la multiplication d'innombrables aspects théoriques dignes d'un jeu de gestion, par la rapidité de jeu et l'adresse nécessaire pour jouer à un FPS-Shooter. Et ce résultat, c'est presque l'infini.