Ceci n'est pas une critique

Plutôt qu'une critique, voici plutôt une chronique, un ressenti, une histoire...celle d'un mec de 36 ans qui correspond à 200% au public cible. Sens critique me force à mètre une note, un 10/10 donc comme ça c'est sans rancune.

Let's Go !

Noël 2004, il est 14 h et je trépigne déjà d’impatience. Plus les minutes passent, plus l'excitation est forte. C’est à ce moment-là que "Ding Dong" mon pote Jean-Charles débarque avec sa dégaine de futur emo, sa chaîne pendante accrochée à son jean, tenant son portefeuille et laissant apparaître ce qui devait être son boxer Athéna. Autour d’un premier chip dont les miettes s'émiettent grassement entre le tapis de sol et nos moustaches naissantes, la deuxième sonnerie retentit : "Ding Dong". Oh, mais c’est Jean-Édouard, et il amène enfin le Saint Graal, non pas une énième variante de chips, mais bien le jeu avec lequel nous allions en découdre. "Quitte MCM, qu’on s’échauffe", dit-il alors que l’attente alternait entre le clip du dernier O-Zone, des Black Eyed Peas et de Modern Times de J-Five ! Il est 15 h 30 et nous passons enfin de la source Péritel à AV, laissant le son de la "Play2" nous dire que "maintenant, c’est la bonne !"… quand soudain "Ding Dong", c’est celui qui débarque toujours à la bourre, mais qui amène sa collection de cartes Magic The Gathering à faire jalouser les collectionneurs (mais pas de Black Lotus), "Salut Jean-Raoul Scout !" (Pardon pour la ref).

C’est sur ces deux canapés, partagés en 2 vs 2, que le gras de nos chips passait des bols à nos manettes. Enfin au complet, la séance d’entraînement commence. C’est là que je découvre de nouvelles techniques, pendant que Jean-Édouard s'excite sur la manette, révélant son niveau pitoyable face à Jean-Charles. "Noob", disait-il pour le châtier un brin. Après cette défaite cuisante, je reçois une manette en sueur, glissant systématiquement entre mes mains. Le mélange entre le gras des chips et l’effort de mon ami m’a même poussé à prendre du scotch pour essuyer la manette, je n’ai jamais compris pourquoi c'était systématique avec lui. Me voilà enfin prêt pour l’entraînement avec Jean-Raoul Scout, imitant les techniques de Jean-Édouard que j’avais soigneusement observées juste avant. Oh mince, il est déjà 18 h ! "Pizza les gars ? C’est ma mère qui régale cette fois-ci !" La 4 fromages, c’est sacré, Jean-Charles prend Hawaïenne… bizarre, ce mec. Cela ne l’empêche pas de se vanter de sa victoire face à Jean-Édouard grâce à son attaque ultime Big Bang Kamehameha ! Jean-Raoul Scout en profite pour nous montrer sa collection de cartes ainsi que son tout nouveau deck Elfes, capable d’infliger 200 points de dégâts à son adversaire en une seule attaque ! Brillant ! Nous parlons aussi de l’actu : un certain World of Warcraft doit sortir d’ici deux mois, selon JVMagazine, et il nécessite un abonnement payant, jamais ça ne marchera, disais-je ! Par contre, il y a ce Guild Wars Prophétie qui sortira juste après, ça a l'air trop cool, regardez les images en page n°76 !

2024… Il s’en est passé des choses depuis l'époque ultime de la PS2. Sparking Zero semble vouloir nous injecter de nostalgie en poudre par le bez pour que cela pénètre plus vite le cerveau, nous rappelant nos soirées endiablées à faire tourner les manettes tout en se disputant le dernier morceau de pizza (pour celui qui regarde). Oui, c’est de cette époque-là dont je parle ! Cette époque où le jeu vidéo rimait encore avec partage et coups de coude, l'âge d’or des jeux de combat.

L’initiative est tout à fait louable : on retrouve un gameplay similaire, des graphismes actuels qui nous rappellent la claque de l'ère PS2, des capsules d'amélioration, une interface à chier… bref, tout pour offrir l’illusion de la quasi-perfection, sauf que… je vous raconte tout ça avant même d’avoir testé le jeu. Ces souvenirs sont déjà déformés par la nostalgie que vous ressentez immédiatement à la vision du trailer de dizaines de preview, de tests et j'en passe. Malheureusement, vous ne serez plus quatre, mais seul, avec votre casque, et avec de la chance, quelqu’un à l’autre bout. Vous n’échangerez plus vos cartes Magic ou vos magazines pendant une pause pizza. Votre manette vivra uniquement dans votre paume (bon, ça, c’est peut-être plus cool), et vous n'attendrez plus quelqu’un pour jouer en ligne. Vous pourrez, si vous le voulez, acheter pour seulement deux fois 15 € les musiques du jeu, un season pass à 35 € en plus, ce qui donne… 80 + (15 * 2) + 35… pour 145 €, votre jeu sera peut-être complet… mais vous n’aurez plus de sous pour vos pizzas, là ce sera chacun pour soi.

Enfin, pour conclure cette parenthèse, je me sens un peu comme pris en otage par Namco Bandai. J'ai envie d’y jouer, mais je sais déjà que la déception sera mon mot d’ordre. Au lieu de ça, je laisserai désormais ma place, préférant y laisser mes souvenirs altérés par la nostalgie de la sueur sur la manette, des rires, et des échanges.