Vanillaware prouve, s'il en était encore besoin, que la 2D dans les jeux vidéo n'a jamais été morte, du moins pas pour eux. Et ce depuis l'avènement de Princess Crown, sorti en 1997 sur Saturn.
Leurs jeux sont réputés pour plusieurs choses : ils sont beaux, mais présentent aussi un certain intérêt, et sont tous inspirés de différentes cultures. Par exemple, Odin Sphere s'inspirait de ma mythologie scandinave. Cependant, il semble clair que Vanillaware semble s'adresser à des niches de joueurs, et uniquement à eux. Sous des allures magnifiques, tous montrent des systèmes de jeux plus complexes qu'ils n'y paraît. En Europe les sorties des jeux de la firme furent sporadiques : si nous avions eu droit à Odin's Sphere sur PS2 , avec les textes traduits en plus, nous avons été privés de Grand Knights History, sorti sur PSP.
Dragon 's Crown est un projet qui aura connu un destin mouvementé. Les premières esquisses de jeu étaient faites pour un titre sensé sortir sur Dreamcast en 1998. Le premier vrai projet aurait du être porté par UTV Ignition Entertainment. Mais cette dernière ayant décidé de se retirer du jeu vidéo en 2012, Dragon's Crown se retrouvait sans éditeur. C'est alors qu'Atlus est intervenu pour sauver le jeu de l'abandon. Que vaut donc la plus récente création de Vanillaware ? Réponse dans les lignes qui suivent.
Dragon's Crown se passe dans un univers médiéval fantastique, un univers qui n'est pas sans rappeler le moyen-âge, mais je dirai aussi le Disque-Monde de Terry Pratchett. Vous venez d'arriver en ville et voulez vivre diverses aventures en partant à la chasse au trésor. Vous faites la connaissance du voleur Rannie qui vous propose un deal : il vous ouvre les coffres au trésor, mais vous devrez le protéger contre les monstres des lieux visités. L'histoire vous est contée par un narrateur qui vous rappellera aussi les objectifs de mission... Au départ, l'histoire paraît simple, mais une intrigue plus politisée viendra se mettre en place. Le tout reste néanmoins assez basique car le but, ici n'est pas l'histoire, mais bien le plaisir de jeu.
Vous devrez choisir entre 6 classes de personnages au départ du jeu, qui sont : le combattant en armure lourde, le nain, l'elfe ( une femme), l'amazone, la sorcière, et le sorcier, chacun ayant ses avantages et inconvénients, ainsi que leur propre équipement et manière de se jouer : le nain dispose d'une chope, le combattant de la meilleure défense, la sorcière peut utiliser de la magie noire, etc.
L'inspiration la plus voyante en termes de jeux vidéo de Dragon's Crown vient clairement de Golden Axe. Les plus jeunes d'entre vous n'ont peut-être pas connu cette référence du beat'em all signée Sega . Mais le jeu se déroule à peu près de la même manière : vous visitez des ruines et divers souterrains, prenez les trésors et vous pouvez même avoir des montures à chevaucher. Chaque niveau se terminant, bien entendu, par un boss. C'est, au total une bonne dizaine de lieux assez glauques qui vous attendent. Dans un premier temps, le jeu est assez simple et on s'en sort sans trop de dégâts, hormis quelques boss assez chiants à battre. Mais cela se complexifie lorsque la deuxième partie de l'aventure débute.
Heureusement, le jeu vous propose plusieurs choses pour vous faciliter la tâche : le fait que vous connaissiez le voleur Rannie vous permet de mettre la main sur les trésors présents dans les coffres si vous cliquez dessus : leur valeur va de E (la pire) à S. Cela dit, la valeur peut varier d'une visite à l'autre : si les coffres sont aux mêmes endroits, leur contenu est aléatoire. Parfois, il arrivera même qu'il yen ait des piégés ! Une fois le donjon terminé, vous devrez faire évaluer les trésors ( « appraise ») avant de les revendre, ou de les garder. Il faut toutefois faire attention : si un objet apparaît en gris, cela veut dire que vous n'avez pas le bon personnage ou le niveau requis pour vous en équiper.
Les lieux visités regorgent de petits trésors de valeurs cachés dans les décors : passez votre curseur dessus ( ou votre doigt sur l'écran tactile de la Vita), et vous verrez des petits points blancs apparaître : si vous cliquez , ils donneront un objet qui viendra s'ajouter au score actuel. Si ce point est doré, c'est un gisement et plusieurs objets apparaîtront. Il ne faut pas négliger cet aspect, sachant que cela permet souvent d'avoir le double de points, voire plus, qu'en rushant simplement le donjon.
Chaque donjon terminé vous donnera, en fonction du score et de la valeur des loots trouvés, points, monnaie et XP qui feront augmenter votre niveau . Chaque changement de niveau vous accordera un point de compétence, que vous devrez dépenser à la guilde des aventuriers dans l'arbre des talents qui de divise en deux branches : des talents propres à votre classe, ou à toutes. Les compétences sont divisées en niveaux, plus vous en développerez une , plus le nombre de PC et de niveau requis sera important. Les quêtes annexes vous donneront aussi un PC et de l'argent.
Vous trouverez aussi des tas d'os dans les donjons : ce sont de valeureux aventuriers qui sont tombés au combat. Il faut ensuite que vous alliez au temple pour soit les ressusciter, ou les enterrer de profundis si vous estimez qu'ils ne vous serviront à rien. Parfois, vous pourrez récolter un objet suite à cela. La résurrection se fait, bien entendu, contre une rémunération...
C'est ainsi que vous pourrez ajouter trois combattants dans votre équipe, en solo. Il faut pour cela aller à la taverne. Leur niveau est fixe, c'est à dire qu'il n'évoluent pas. Vous pourrez en recruter 30 au maximum, une fois ce nombre atteint, vous ne pourrez plus ressusciter d'autres personnages. Pour permettre cela de nouveau, vous devrez vous séparer de certains d'entre eux à la taverne ( « part ways »).
Les vies sont gérées de manière originale : chaque personnage dispose, avant chaque mission, de deux « points de vies », le nombre est affiché à gauche de leur barre de HP. Si ces HP tombent à zéro, le personnage perd un de ses points de vie et est réintégré sur le champ de bataille immédiatement, à l'endroit où il est mort. S'il n'en a plus, ce sera au joueur de voir s'il veut payer en pièces d'or pour le remettre en jeu, avant qu'un compte à rebours de 60 secondes n'expire. Si le joueur n'a plus assez d'argent, et s'il meurt lui aussi sans possibilité de revenir, les personnages qui vous accompagnaient qui sont tombés au combat seront définitivement perdus.Toutefois, même si vous devrez refaire le donjon depuis le début, votre héros garde l'XP et les loots acquis, un peu comme dans Castle Crashers. Pour des vies supplémentaires, il faut soit aller prier au temple pour 200 pièces, soit atteindre un certain score dans les donjons. Vous aurez ainsi des « extend players ». Et cela ne sera pas de trop face à certains boss vraiment coriaces, notamment lorsque vous prendrez la seconde route des donjons lors de la deuxième partie du jeu.
Vous le voyez, le jeu mélange habilement beat'em all à l'ancienne, RPG et hack 'n' slash. Et force est d'admettre que ce mélange prend bien, à condition d'aimer refaire les donjons pour avoir plus de loot, plus d'XP, et se prête bien à des petites sessions rapides ( un donjon se termine en général en 10 à 15 minutes lors d'un round).
La première chose qui frappe quand on lance le jeu, ce sont les graphismes. Plusieurs artistes se sont penchés sur le jeu, et la réussite est totale , aussi bien au niveau technique qu'artistique. La 2D est sublime, les décors superbes dans n'importe quelle situation, chaque écran est un régal pour les yeux. Il y eut un début de polémique concernant les attributs mammaires de la sorcière, qui sont grandement exagérés. Je répondrai à cela que certes, c'est vrai, et seule l'elfe échappe à une tenue provocante. Ceci dit, les hommes sont également représentés longs, élancés, costauds, peu vêtus et musclés comme Schwarzenegger du temps de Conan le Barbare, Roland vous y fera d'ailleurs furieusement penser. Comme quoi cette polémique n'a pas lieu d'être car tous sont logés à la même enseigne... Les PNJ ont d'ailleurs des tronches à mourir de rire, comme le moine ou le chef de la guilde.Les séquences de résurrections font preuve d'une imagerie vieillotte ( avec les petits anges qui volent), mais c'est l'effet recherché. Tout y est caricaturé de façon intentionnelle. Les ennemis sont gros, bien faits et certains boss sont énormes. Bref, on est pas déçus de ce côté là, c'est du Vanillaware dans toute sa splendeur. Je crois que ce terme est bien choisi tant vous aurez l'impression d'évoluer dans une toile de maître à chaque écran.
Côté animation, il est dommage que la version Vita rame quand même pas mal lorsque l'écran est chargé. C'est d'autant plus dommage que les chargements sont imperceptibles, les animations dans les décors bien faites, ça défile plutôt bien et les sauvegardes presque instantanées. On remarquera aussi les petites animations annexes lors de certains écrans, ce sont des détails, mais qui comptent quand même.
Pour la partie sonore, c'est Hitoshi Sakimoto qui s'est collé aux musiques. Et une fois de plus, le musicien qui officiait notamment sur Odin Sphere a fait de l'excellent boulot. Les thèmes sont parfaitement dans l'ambiance, tantôt calmes tantôt enjoués. C'est harmonieux en tous points.Vous avez la possibilité de choisir pour votre personnage les voix anglaises ou japonaises.
Les bruitages sont nombreux, et variés, ça claque pas mal pendant les combats, entre cris, bruits et pagaille ambiante.
L'anglais est la langue du narrateur et des PNJ. L'aventure vous est contée tel un maître du jeu d'un RPG sur table, il sera toujours là pour vous donner des conseils,des indications pour vous dire où aller, ou battre un boss notamment dans les chemins alternatifs.
Le gameplay ne pose aucun problème, chaque classe a sa propre manière de se jouer et sa propre palette de coups. Le jeu vous indiquera toutefois quelles classes vous pouvez jouer selon votre maîtrise de jeu. Si vous débutez, ne prenez pas la sorcière par exemple... Le reste ne pose pas de problème, vous avances sur un plan en 2D donc, pas de difficultés à ce niveau là, même si on peut aller en arrière-plan.. Le jeu est en anglais légèrement soutenu, mais rien de bien méchant, si vous connaissez la langue, vous ne devriez pas avoir de mal à progresser. Je ne pense pas qu'il sortira officiellement traduit en Europe, notamment vu les difficultés financières de la société éditrice.
La durée de vie est excellente. Pour un premier run ( c'est à dire en terminant le jeu) , comptez une quinzaine d'heures en jouant bien, ce qui, pour un jeu orienté BTA, est énorme. Le mode hard se débloque après avoir terminé le jeu en difficulté standard. Terminez-le de nouveau, vous aurez le mode inferno ( encore plus dur!), et ensuite le Labyrinth of Chaos s'ouvrira à vous, sorte de donjon bonus comme on peut en trouver chez tri-Ace. Multipliez la durée moyenne par 6 et vous obtenez des heures de jeu en perspective. Et ce d'autant que certains trophées sont durs à décrocher, comme ceux de la cuisine. Et les collectionneurs de loot vont avoir de quoi faire, notamment pour avoir tous les objets de rang S... Et encore je n’ai parlé que du solo, car vous aurez la possibilité de réunir 3 autres joueurs humains auprès de vous pour des quêtes, soit en local, soit en ligne, utile si vous voulez remplacer l'IA parfois défaillante, mais attention, cela ne sera possible qu'après avoir passé la première moitié du jeu, histoire que les débutants se fassent la main. L'arène permet de faire du PvP. Il est également dommage que si le jeu permet d'importer/ exporter des sauvegardes d'un support à l'autre, qu'il n'y ait pas de crossplay...
Verdict :
Vanillaware nous a pondu un jeu à la croisée de différents genres. Dragon's Crown est une alchimie parfaite , un savant dosage de fun, de réussite artistique et de durée de vie. Le jeu assume ses références évidentes au genre heroic fantasy, de Conan le barbare aux œuvres de Tolkien, des Monty Python et de Terry Pratchett. Un tableau à la fois graphique et ludique. À tel point que ses grandes qualités compensent sans problème ses défauts pourtant présents. Donc, en octobre, vous savez ce qu'il vous reste à faire si vous avez un des deux supports...
Points positifs :
Les graphismes sont superbes
Les musiques aussi
Une grande durée de vie
Des secrets à foison
6 classes uniques
Des références, partout, dans pas mal de domaines
Importer ses sauvegardes d'une console à l'autre
Idéal pour des petites sessions
Utilisation judicieuse de l'écran tactile de la Vita
jusqu'à 4 joueurs, en local ou en ligne.
Points négatifs :
Peut s'avérer répétitif
Rame pas mal sur Vita en cas d'écran chargé.
IA des partenaires défaillante
Pas de crossplay