Les lignes de l’opportunisme
Dans le monde vidéoludique, il y a une sorte de débat pour la situation du poste du dernier maillon de la chaîne de production : Le Critique ou le Testeur de jeu vidéo. Vous savez ce sale con prétentieux d’une vingtaine d’années qui fait genre de s’y connaître en jeu vidéo alors qu’il n’a « que » grandi dans les années 90 sans avoir eu une once de connaissance en programmation. Ce sale con, c’est moi et aussi tous les youtubers et autres blogueurs qui ont pullulé ces dernières années.
Nous les joueurs qui ont décidé d’ouvrir leur tronche ou d’écrire comme des patauds pour exprimer leurs opinions sur un domaine où ils n’ont été que joueurs et non créateur toutes leurs vies. Crédibilité zéro vis-à-vis des développeurs et autre game-designers, mais, auprès de la masse de consommateurs potentiels, si le critique sait un minimum écrire et que le joueur sait lire un minimum, les propos font mouches et touche la crédibilité du travail des développeurs. C’est là que nous sommes pires que la peste pour l’industrie, sauf qu’aujourd’hui exceptionnellement le pestiféré, ce n’est pas moi.
Généralement, je ne me considère pas comme un simple « testeur » de jeu vidéo, mais là Enemy Front a décidé de mettre les bouchés triples pour me faire ressentir la place que doit avoir un playtesteur durant la période Alpha de la production d’un jeu. Mais je vous ne parle pas ici d’une version Alpha type production AAA, non, une Alpha merdique tout droit sortie d’un Steam Greenlight. Mon dieu Enemy Front est un brouillon, il est laid à piquer les yeux, vide de sens, il est quasiment injouable, la version PS3 est une apocalypse, même la version Masterclass PC rencontre des bugs dont on avait oublié l’existence.
Bref pour tout vous dire, j’ai rendu les Chocapics au bout de deux heures de jeu et deux parties multijoueur tellement que c’était mauvais. Ce jeu ne vaut même pas la peine de s’y intéresser au niveau ludique, par contre, là où ça devient intéressant, c’est ce qui est autour. La façon opportuniste-politico-putassière de prendre la Seconde Guerre Mondiale comme un travail de merchandising, un produit dérivé à fort potentiel ainsi qu’une hypocrisie notoire envers le joueur.
Cette 2nd guerre qu’on nous relance sans cesse comme un des plus grands fléaux de l’Humanité, deux licences first person shooter fortes en avaient fait pourtant un moteur de commerce au début de leur carrière, Medal of Honor de EA d’un côté, fils spirituel du film de Spielberg Il faut sauver le soldat Ryan et de l’autre, l’une des saga la plus bankable de tous les temps Call of Duty de Infinity Ward et Activision. Il y a 10 ans le marché fut surchargé de ces jeux de guerre, soi-disant vendu comme un travail de mémoire envers nos grands-parents, malgré certaines qualités indéniables de ces productions, ils restaient dans un schéma simple et putassier où le seul recours pour réussir sa mission étaient d’aller à un point A à un point B tout en dézinguant du nazi moustachu. Un travail de mémoire on vous dit !
Grâce au ciel, en 10 ans, cet effet de mode après s’être éculé jusqu’au dernier concept moral (parce que personne n’osera donner au joueur le contrôle d’un Aryen victorieux) s’est éteint. Maintenant, nous avons trouvé les communistes comme antagoniste principal dans le domaine du jeu vidéo, après tuer un ennemi pour cause de saloperies immorales, nous tuons l’ennemi pour différence d’opinions. Hum…Le « travail » de mémoire vous disiez ? Ce n’était pas plus mal.
Enemy Front tente justement un revival du marché 39-45. Choix en complet décalage vu comment le marché ultra-blindé des first person shooter se profile vers du Visual Novel dans le futur avec Kevin Spacey en rôle-titre. Un choix pertinent avec de bonnes intentions sur la grande guerre? Absolument pas, le seul intérêt du studio CI Games (Sniper Warrior) ainsi que le Game Director Raphael Von Lierop d’avoir pris en main ce projet, c’était qu’ils pensaient que le marché était prêt pour avoir de nouveau des jeux basés sur la WW2 parce que les joueurs souhaitaient avoir de la nouveauté, oui, oui, vous avez bien entendu de la « nouveauté ». Vous en voulez une autre de vanne? Allez, je cite, dans une interview du game-designer au site gameindustry.biz :
« Je pense qu’il y a toute une génération de joueur 360 et PS3 qui pense que Call of Duty était toujours centré sur les conflits modernes et ils n’ont jamais eu la chance de joueur dans un contexte de la Seconde Guerre Mondial. » - Raphael Von Lierop
En d’autres termes : « On a un paquet de joueurs un peu con qui voudraient vachement jouer un Call of en butant des nazis, donnez nous de la thune. » Maintenant vous comprenez pourquoi on essaye de ne pas laisser les développeurs parler à la place du département Marketing, enfin si c’était que ça encore. Dîtes-vous que la seule vérité tout autour de la campagne de communication du jeu est justement cette quote. Vous voulez que je vous dise, vous pensiez que le Downgrade de Watch Dogs était une honte ? Vous êtes mignons.
Je vous laisse ce trailer ( https://www.youtube.com/watch?v=IIhtBKje48c ) pour illustrer mes propos, il est en effet pas mal, bien monté, bien rythmé, la musique qui accompagne laisse songer à un jeu qui devrait faire part à une aventure d’un peuple qui se bat contre l’oppresseur ce trailer montre a quel point les développeurs et l’éditeur aux Etats-Unis Bandai Namco (qui ne s’est pas affiché sur la jaquette pour cause de honte) ont sévèrement menti aux professionnels et aux consommateurs pour que vous puissier croire à un jeu potable que ce soit par le biais des annonces, des interviews et à ce trailer, tout est faux, et d’ailleurs au vu de certaines preview provenant de différents sites spécialisés, je ne comprends pas qu’un journaliste ce soit dit « Attendez ? Mais ils se foutent de notre gueule ? C’est nul !« .
Le studio CI Games s’est fait plaisir pour berner les journaleux et les joueurs crédules, entre promesses d’un monde ouvert à plusieurs embranchements (qui se traduisent in-game par « tu veux aller à gauche ou à droite ?« ), promesse d’un jeu d’infiltration alors qu’on se retrouve avec un mauvais COD relier par des couloirs aux textures baveuses, des graphismes avec une résolution 1080p à tomber par terre via le moteur reluisant CryEngine de Crytek qui finalement ressemble à un gros trip épileptique avec des textures qui clignotent de tous les côtés, explosion en .gif, frame rate instable et autre disparition de props, tout ce bordel upscalé d’un vulgaire 480p en 1080p. L’action est complètement foutraque dans ce jeu, c’est la confusion la plus immense dans le champ de bataille, probablement comme dans la vraie vie vous me direz, sauf que c’est une confusion crée par les bugs du jeu. En bonus, tout se chantier demande une installation de 15 minutes sur votre disque dur, pour des jeux de grande ampleur comme The Last of Us ou Yakuza 4, je peux comprendre l’utilité de l’installation des données, pour ce cas-ci, il doit y avoir une subtilité chelou qui doit me dépasser.
Vous me direz, mais il y a bien un truc original, un point d’ancrage pour avoir la motivation de créer un énième jeu sur cette partie de l’histoire ? Oui, effectivement, le jeu a été rushé sur la fin pour sortir CE mois de juin 2014, pourquoi ? Si je vous dis, Hollande, Poutine, Obama, Caen et BFM Tv ? Ouais, le jeu a été sorti pour ces mauvaises raisons, profiter de la vague du 70ème anniversaire du débarquement allié, l’équation vers la route du pognon n’est pas aussi simple que ça, qu’il ne nous fasse pas croire le contraire. Le jeu était en projet depuis 2011, 3 ans de développement chaotique qui avait entraîné un abandon l’année dernière, le premier game director s’étant barré du navire, car il avait probablement senti l’impasse auquel il allait se confronter laissant la main au génie de Msieur Von Lierop.
Le foutage de gueule des joueurs ne s’arrête pas là, alors comment ces hipsters vont réussir à renouveler le marché ? Raphael Von Lierop, non content d’avoir été co-scénariste sur le Far Cry 3 aka « Les Chtis jouent à Fight Club » d’Ubisoft décide de réitérer son exploit littéraire en reprenant le stylo pour proposer au joueur de prendre le rôle d’un journaliste durant l’insurrection de Varsovie en 1944.
Un journaliste qui a lui seul va donner l’espoir et courage au peuple polonais pour mettre une branlée aux génocidaires, histoire épique grâce à son scénario écrit pour vous faire ressentir tout plein d’émotions à la David Cage alors qu’en vrai je n’ai absolument rien compris, c’est un merdier de brides de Flashback sans queue ni tête qui se suivent les unes aux autres. Ce qui est quand même dingue, c’est que le plot de base, l’idée même de ne pas incarner un soldat, mais un civil est une excellente idée, mais alors que ce soit un soldat ou un gratte papier, dans le concept pour CI Games, on doit contrôler un serial-killer qui décime la moitié de l’armée du IIIème Reich à coup de sniper à lui tout seul, tout en balançant quelques phrases lourdes de sens aux PNJ dont l’acting pêtent le SWAG (VF de qualitay avec accent forcé une réplique sur deux) pour soulever la conscience des peuples : « mes frères levons nos armes ». Putain ce jeu mérite la peine capitale, il mérite clairement le journal de Claire Chazal.
Enemy Front derrière son titre malicieux n’est qu’un jeu putassier, opportuniste et par-dessus tout mauvais. Après avoir touché ce jeu, il vous fera relativiser la médiocrité des autres jeux et surtout de Call of Duty. J’étais parti pour utiliser un même angle d’attaque que Karim Debacche avec le film House of the Dead de Uwe Boll pour conseiller ce jeu aux game-designer en herbe afin de leur montrer tout ce qu’il faut éviter pour faire un bon jeu, mais il en arrive même pas là. Il est tellement injouable par moments qu’il fait office de jeu à oublier et de témoignage de suicide artistique pour tous ceux qui ont de près ou de loin participé à cette production d’un autre temps.