Il est de ces sagas dont l’excellence se trouverait dans le passé, non pas que les jeux récents seraient mauvais, juste ils n’auraient pas l’aura de leurs prédécesseurs d’il y a 20 ans, ils y feraient référence, en reprendraient des mécaniques... mais ils seraient simplifiés pour le grand public et donc bien moins profonds qu’ils ne le devraient. C’est en tout cas ce que j’ai cru comprendre sur la saga Fallout avant même d’y jouer en me renseignant auprès de ses nombreux fans. Par conséquent, pour découvrir véritablement la saga je me suis dit que le mieux à faire c’était de retourner à ses origines en 1997 avec le tout premier épisode fondateur de la licence, bien que celui-ci devait à la base être rattaché à la saga Wasteland mais n’a pas pu l’être pour des raisons juridiques. La critique étant longue, je vous propose l’écoute du seul vrai thème du jeu, Maybe, pendant la lecture.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : 8 / 10
Bon la première impression bien sûr c’est que visuellement le jeu a pris un coup de vieux. Déjà les animations sont assez austères en règle générale, à part les fatalités assez violentes (pensez à les activer dans les options) c’est assez pauvre et un peu toujours la même chose. Je pense aussi aux décors recyclés régulièrement et pas très riches en détails mais ça c’est pas très grave, voire pas du tout, d’abord parce que je m’y attendais et ensuite ça reste tout à fait acceptable, il faut replacer les choses dans leur contexte : 1997, c’était il y a un moment déjà mine de rien.
D’autant que les décors, même pauvres et un peu trop recyclées par moment, contribuent assez bien à l’ambiance post-apocalyptique recherchée avec des couleurs marrons et grises dominantes reflétant bien l’aspect désolé des terres dans lesquelles nous sommes amenés à errer. Nous sommes bel et bien plongés dans un monde qui respire la crasse, la déchéance, l’usure... et arriver à le faire transparaître malgré une technique limitée, c’est signe d’une certaine qualité en plus de donner une identité visuelle au jeu.
Les quelques cinématiques du jeu sont super bien fichues pour l’époque, elles sont rares mais qu’est-ce qu’elles ont été soigné ! Ça m’a vraiment impressionné, aussi bien sur la relative netteté de l’image, sur la mise en scène, sur la durée... et en plus certaines d’entre elles sont totalement facultatives, là dessus il n’y a rien à redire, si ce n’est que leur transition avec le jeu en temps réel est très brutale si on voulait chipoter mais je ne vois pas comment il aurait pu en être autrement, gros point fort pour le jeu parce que pour le coup je ne m’y attendais pas, je n’avais jamais entendu parler du jeu sur ce point.
Il y a quelques fois où l’environnement nous renseigne sur le gameplay, par exemple une installation est sombre parce que les générateurs sont endommagés, rétablir le courant rendra l’endroit bien plus lumineux mais va aussi activer des systèmes de défense automatisés que l’on pouvait entrevoir dans l’obscurité et saboter. C’est plutôt une bonne idée d’avoir fait des liens comme ça et l’environnement en plus d’être en adéquation avec l’ambiance post-apocalyptique peut servir le joueur qui prend le temps de l’observer à différents moments, c’est bien vu.
Un petit bémol à noter par contre c’est qu’en jeu les personnages ont des skins qui se ressemblent beaucoup trop, jusqu’à la couleur de cheveux identique d’un PNJ à un autre, bien qu’il faille parfois les différencier en plein combat par exemple, c’est un peu moyen. Heureusement, certains d’entre eux, les plus importants à l’intrigue, profitent d’un portrait animé bien plus détaillé, d’excellents doublages et d’un chara-design vraiment élaboré lors des phases de dialogues avec eux, donc ça compense et encore une fois pour un jeu de 1997 c’est vraiment pas mal. Je dirais même que globalement j’ai été impressionné sur l’aspect visuel, je ne m’attendais pas à aussi bien.
SCENARIO / NARRATION : 6 / 10
S’il y avait bien un point duquel j’attendais beaucoup, peut-être trop, c’est l’écriture. D’abord, j’ai été un peu déçu par les choix et les factions proposés. Pour les choix, pierres angulaires des jeux de rôle occidentaux à mes yeux, ils ne sont pas très importants en réalité, l’intrigue suit à peu près son cours sauf à certains moments où on peut déclencher un bad ending, un bad ending ultra classe mais c’est trop rare. Pour les factions, ça se résume trop souvent à gentille police / milice d’un côté et vilains pillards / mafia de l’autre, seuls les écorcheurs apportent un tant soit peu de nuance au schéma mais c’est sous-exploité.
Notre progression dans les intrigues secondaires, mais même pour l’intrigue principale, est trop souvent non prise en compte lors des dialogues. Concrètement, on a tué un antagoniste qui foutait le merdier dans une ville, on va continuer d’en entendre parler comme d’une menace comme si on avait rien fait. On doit chercher un item pour une quête, on l’a récupéré depuis un bail, on va continuer d’avoir l’option de dialogue pour l’obtenir avec certains personnages alors qu’on a aucune raison de continuer à le demander...
En règle générale, les PNJ ont une mémoire de poisson rouge, c’est pas toujours vrai mais quand ça l’est, chaque fois qu’on leur parle leur dialogue se déroule comme s’ils nous voyaient pour la première fois, ils ne se souviennent pas d’avoir eu une discussion avec nous 2 secondes avant, d’autres PNJ par contre oui, c’est un peu random. C’est franchement pas super abouti, je comprends la difficulté bien sûr de paramétrer les instances de discussion pour qu’elles évoluent avec sens au fil de la progression mais Fallout est réputé pour son écriture et sa narration, ce genre de détails ça fait un peu tâche.
Les personnages sont aussi une grande déception, tellement peu de dialogues chacun, nos compagnons par exemple n’ont quasiment aucun background, aucune quête de recrutement ou de loyauté véritable, on va les voir, ils nous disent qu’ils rêvent de partir à l’aventure, on leur propose, ils disent oui et c’est fini, sérieusement ? Dans un jeu aussi réputé pour sa narration je suis désolé encore une fois ça la fout mal, c’est pas grave on est bien d’accord mais je m’attendais à mieux tellement j’en ai entendu parler.
Bon par contre, il y effectivement un gros point positif qui sauve un peu le tout c’est le concept du « pas vu pas pris », à partir du moment où on fait les choses discrètement (assassinat, vol..) on n’en subit pas les conséquences et le jeu en profite bien avec plusieurs passages où on peut travailler pour plusieurs factions et les arnaquer. On peut par exemple commettre des assassinats pour le compte d’une mafia qui nous récompense en conséquence, la milice s’énerve et augmente la récompense pour le chef de la mafia, on change de camp et on passe pour le héros en ramassant le plus de thune possible, ça c’est bien pensé et innovant.
Un autre point positif c’est l’ending qui est également excellent et assez osé, j’en parlerai pas plus que ça pour ne pas spoiler mais il m’a beaucoup plus et m’a permis de finir le jeu sur une note positive, ce qui était vraiment le bienvenu. Si je tire un bilan de ce scénario et de cette narration, j’en retire tout de même une petite déception qui est peut-être due à des attentes trop grandes et / ou déplacées et il y a quand même suffisamment de point positifs pour que ce soit qu’une petite déception, par contre on va maintenant parler gameplay et là ça ne va pas être la même.
GAMEPLAY / ERGONOMIE : 4 / 10
Je vais être honnête, le gameplay comprend une multitude de défauts plus ou moins excusables par l’âge du titre. Bon déjà il faut préciser qu’on est plutôt dans un Point and Click en exploration et un tactical RPG pour les combats. Pour le côté Point and Click, bah il hérite de tous les problèmes de ce genre de jeu de l’époque, il faut comprendre que tel objet de l’inventaire peut être utilisé sur telle case très précisément, sur celle d’à côté ça ne marchera pas, la corde sur la poutre pour descendre dans le rayon par exemple c’est le casse-tête stupide qui peut te bloquer bêtement. Donc ça a plutôt mal vieilli même si les déplacements eux se font à peu près bien et la vue isométrique avec la possibilité de voir à travers le mur si on est derrière marche à peu près correctement, c’est pas grand chose mais au moins ça c’est fonctionnel.
Par contre, le pathfinding de l’IA alliée est complètement dans les vapes, je vous jure que plusieurs fois j’ai du recharger une sauvegarde antérieure parce qu’un pote me bloquait purement et simplement. Par défaut, ils nous suivent à la trace, y compris dans un petit passage pour ramasser quelque-chose dans le coin d’une pièce typiquement, et ils peuvent se bloquer eux et nous bloquer, il y a bien un choix de dialogue pour lui demander de s’écarter mais il marche une fois sur 2, ça en devient consternant ! Et si j’en parle c’est que, encore une fois, ça ne m’est pas arrivé qu’une seule fois et ça m’a vraiment dérangé en me faisant recharger une save et donc me faire perdre de la progression.
Pour les combats, l’IA est aussi un problème majeur, pas foutu de prendre en compte son environnement une seconde, une cible alliée dans la ligne de mire ? Il suffirait que je me décale d’une case sur le côté pour tirer proprement dans le même tour ? Osef, je flingue mon pote ! Trois fois de suite ! Une barrière électrique bien visible sur mon chemin ? Je vais me suicider dessus ! Je veux bien comprendre que 1997, une IA à programmer c’est chaud, mais sans déconner il aurait suffit de nous laisser contrôler les membres de notre équipe et le problème était résolu, il est où le problème à ça ? Mais quand on sait que les compagnons ont été rajouté en toute fin de développement alors qu’ils n’étaient pas prévus, on comprend mieux, ça n’excuse rien mais on comprend mieux.
Le système de combat au tour par tour avec des points d’action fonctionne bien de base mais il est gangrené par tous ces problèmes et tant qu’on y est je trouve aussi que le random a un peu trop d’importance. Mais ça c’est la conséquence de la mode de l’époque des succès et échecs critiques hérités des jeux de rôle papier, si tu utilise un couteau tu peux aussi bien crever un œil à l’ennemi que de te le faire tomber sur le pied, je caricature mais vous avez compris l’idée. Ça donne presque à lui seul un aspect comique au truc au bout d’un moment si on voit le verre à moitié plein, ou alors ça donne un système insensé et ultra-frustrant si on le voit à moitié vide.
Il y a des problèmes d’ergonomie également, aussi stupides que gênants, la gestion du poids pour l’inventaire par exemple, c’est monnaie courante dans ce genre de jeu mais là pour moi c’est vraiment mal fait. On doit examiner les objets individuellement dans l’inventaire avant le troc pour connaître leur poids et aller dans sa feuille de perso, donc quitter l’instance de discussion qui permet l’échange, pour voir où on est vis-à-vis de ce que l’on transporte et de ce que l’on peut encore transporter avant d’être trop chargé et c’est toujours un casse-tête de voir ce qu’il faut refiler aux autres pour équilibrer le tout parce qu’il faut les voler pour contourner le système de troc... et ça c’est qu’un exemple parmi plein d’autres qui bout à bout cassent le plaisir de jeu.
Soit le contenu d’une trentaine d’heures est suffisant pour un RPG mais la qualité du gameplay n’est pas là, je suis désolé, quand je me force à jouer et que j’espère avoir le moins de combats et de troc possibles dans ma session de jeu (en gros que des dialogues et la découverte d’environnements) ça ne trompe pas. Je ne crois pas que l’âge soit une excuse pour ces problèmes, il y a qu’à voir Baldur’s Gate, qui sentent plutôt l’amateurisme d’une équipe de développement qui n’a pas su bien huiler ses mécaniques de jeu. Je veux bien comprendre la difficulté que ça représente mais je peux pas juste faire comme si c’était pas là, d’où la sous-note très sévère, ça m’a vraiment pourri mon expérience de jeu.
CONCLUSION : 6 / 10
Le premier jeu de Black Isle a tous les défauts possibles d’un premier jeu ambitieux, plein de bonnes idées et de bonnes intentions un peu gâchées par une mauvaise mise en pratique avec un gameplay bourré de problèmes (je ne les ai même pas tous mentionné tellement la liste est longue), c’est vraiment comme ça que je vois les choses et j’en ressors bien sûr déçu. J’avais l’intention d’enchaîner avec Fallout 2 et Planescape Torment, bien que ceux-ci m’intriguent toujours, j’ai été assez refroidi par ce premier épisode dont je ne comprends que difficilement le succès phénoménal, même au niveau de l’écriture, moi c’est surtout l’ambiance post-apocalyptique que je trouve réussie mais est-ce que ça suffit à faire un grand jeu ?