L’outsider de cette fin d’année, c’est Fallout 4. Sorti au beau milieu du défilé d’hiver composé d’Assassin’s Creed Syndicate, Call of Duty : Black Ops 3 et Star Wars Battlefront, le bébé de Bethesda n’a pourtant rien à prouver. Après cinq ans d’attente, la patience des fans a-t-elle valu le coup ?
Avec plus de 12 millions de copies écoulées en une journée, il est certain que Bethesda Softwork peut se targuer d’avoir une communication efficace. Pourtant, on ne peut pas dire que Fallout soit une série très connue du grand public. Entamée à la fin des années 90, la série Fallout se déclinait alors sous la forme d’un jeu de rôle en vue isométrique particulièrement subversif. Rachetée en 2004 par le géant Bethesda Sofwork, la licence prendra ensuite la forme d’un RPG plus conventionnel, calqué sur le modèle de The Elder Scrolls : Oblivion. La différence majeure étant que Fallout prend part dans un univers post-apocalyptique. Le dernier opus en date, Fallout : New Vegas, sorti en 2010, avait su trouver son public et entériner la transition 3D de la licence.
Adepte du temps long lorsqu’il s’agit de développer un jeu, Bethesda a mis plus de sept ans pour faire émerger un nouvel opus à sa série post-apo. Avec un objectif en tête : faire de Fallout 4 un succès commercial au moins égal à celui qu’à remporté The Elder Scrolls : Skyrim, la dernière poule aux oeufs d’or du studio américain. Une ambition tournée vers le grand public qui laissait alors présager un lissage de certains des aspects les plus pointus de Fallout. Les craintes sont-elles justifiées ? Fallout 4 est-il fidèle à son héritage ? Il est temps de procéder au décorticage.
BIENVENUE CHEZ VOUS
- Vous vous réveillez après un sommeil cryogénique de plus de 200 ans. Votre dernier souvenir ? Des bombes nucléaires qui s’abattent sur Boston et réduisent votre vie en cendres. Un réveil comme un lendemain de soirée. Comme si ça ne suffisait pas, votre mouflet a été kidnappé par une bande de pillards qui sont parvenus à s’introduire dans l’abri antiatomique qui vous accueille depuis deux siècles. Vous avez assisté à la scène, impuissant depuis votre capsule. Sacré ascenseur émotionnel.
Lorsque vous parvenez enfin à mettre le nez dehors, l’air a un goût de mort et la texture d’une lame de rasoir. La ville est morte, tout est mort. Ne subsistent que les rayons inchangés d’un soleil qui paraît plus lointain que jamais. Par chance, la vie continue, les survivants sont plus nombreux qu’on ne pourrait le croire, et des colonies ont poussé dans tout le Commonwealth. Mais les bombes ont détruit bien plus que quelques bâtiments : elles ont éradiqué tout code moral.
Les antagonistes sont nombreux. Détrousseurs de grands chemins, mutants ou abominations de la nature. Le danger est de tous les instants, et contraste avec cette lumière quasi divine qui baigne et réchauffe les terres désolées dans lesquelles vous naviguez à présent. Il est important de garder la tête froide et de vous concentrer pour trouver des alliés de confiance dans votre quête. Retrouver votre progéniture dans ce débris de civilisation ne sera pas tâche aisée.
UN MONDE A REBÂTIR
Fallout 4 est un drôle de RPG. Bethesda passe son temps à citer Skyrim sans jamais parvenir à nous accrocher comme celui-ci le faisait. La faute à un level-design un peu pauvre, sans aucun doute. Reste que l’expérience est différente, et à bien des égards rafraîchissante. Le studio n’a pas son pareil pour nous proposer une masse d’activités annexes. Le monde est bien entendu ouvert, et l’ambiance du jeu incite à la découverte et à l’exploration. On appréciera de se perdre dans le Commonwealth, et de se laisser guider par notre collectionnite aiguë. Vous pouvez ramasser quasiment tous les objets, ce qui tombe bien : ils servent tous à quelque chose.
Le système d’artisanat de Fallout 4 est probablement l’un des plus complets qui soit. En plus de nous proposer les traditionnels crafts d’armure et d’armes, le jeu nous incite à la modification, à la personnalisation permanente de notre équipement. Mais la partie la plus intéressante de ce volet réside dans le housing, ultra complet. Au gré de vos pérégrinations dans le Commonwealth, vous serez amenés à diriger plusieurs colonies. Colonies dont il va falloir vous occuper pour leur garantir nourriture et sécurité. Pour ce faire vous disposez d’un menu de création accessible à la volée qui vous permet de créer des bâtiments, des tourelles, de planter des légumes et des fruits. Les composants se récupèrent automatiquement à partir des différents objets que vous avez récoltés. Pratique.
Mais vos ouailles ne seront pas vos seuls alliés dans les terres désolées. Vous rencontrerez au fil de votre aventure des compagnons de route qui pourront vous accompagner dans vos missions. Chacun ayant bien entendu ses particularités. Canigou le chien (ça ne s’invente pas) pourra détecter les ennemis ainsi que des objets cachés alentours là où le détective Nick Valentine vous aidera à pirater certains terminaux. Des personnages aussi variés que sympathiques, grâce à un travail titanesque concernant les dialogues. Bethesda a d’ailleurs confessé que ce sont près de 111 000 lignes de dialogues qui ont été écrites pour Fallout 4. Une variété d’autant mieux accueillie qu’elle est servie par des doublages des plus convaincants. Aussi bien en V.O qu’en V.F.
MISTER ROBOT
Difficile de critiquer quoi que ce soit concernant le contenu de Fallout 4. Le jeu possède une durée de vie gargantuesque et devrait occuper les plus zélés d’entre-vous pendant des mois. Le problème vient davantage de l’écriture du scénario que des possibilités offertes par le soft. La narration, très convenue, souffre comme toujours dans les RPG d’une temporalité qui n’a aucun sens. Je suis à la recherche de mon enfant, la situation est grave, mais je prends le temps de faire mes petites affaires à côté. De plus, on regrettera qu’aucune systémie ne soit mise en place. Au gré de nos actions, notre personnage prend de l’importance. Il s’érige quelque part en notable de la société dans laquelle il évolue. Cela ne modifiera en rien le comportement de vos semblables à votre égard. Un gros point noir qui nuit forcément à l’immersion, a fortiori pour les personnes souhaitant jouer la carte rôliste à 100%
Les craintes des puristes étaient fondées. Fallout 4 est bel et bien une version aseptisée des précédents volets. Le ton acerbe, caustique des précédents volets se meut en version édulcorée et gentillette de ses illustres prédécesseurs. Un glissement à mettre sur le compte des ambitions grand public du studio. On ne peut pas contenter tout le monde. N’empêche qu’on ne peut qu’être déçu face à des personnages un peu creux qui ne nous font jamais vraiment ressentir à quel point la vie est devenue morose depuis les bombes. Des stéréotypes plus que de réels personnalités finalement. Un point qui, encore une fois, nuit à l’immersion.
Heureusement, c’est tout de même un vrai plaisir de déambuler dans ces plaines désolées. La direction artistique est flamboyante et se dégage un relatif sentiment de paix de ces paysages dévastés. Si le moteur du jeu n’est clairement pas l’un des plus reluisants que l’on ait pu voir, il faut reconnaître à Fallout 4 une gestion des lumières des plus fascinantes. La partie sonore n’est pas en reste, puisque l’ambiance créée par les différentes compositions de Inon Zur font particulier bien varier le spectre de nos émotions en jeu. Une certaine idée de la mesure, finalement assez représentative de ce que nous offre ce Fallout 4. Un bon jeu, équilibré et bien fichu, mais qui s’arrête pile à la frontière de ce qu’aurait pu être une vraie claque vidéoludique. Desservi par un aspect bac-à-sable un peu ennuyeux si l’on ne s’y investit pas, le dernier blockbuster de Bethesda excelle dans la personnalisation de l’expérience. Un jeu dans l’air du temps, tout simplement.
Publié sur Hypesoul.com